Rap viscéral et prods sur mesure : le premier album de Mairo est une immense claque

LA FIEV

Rap viscéral et prods sur mesure : le premier album de Mairo est une immense claque

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Léa Esmaili

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Par Sandra Gomes

Publié

Avec LA FIEV, le rappeur suisse affirme un niveau hors du commun et y ajoute un supplément d'âme qui fait de lui un incontournable de cette année.

Cette génération de rappeurs a parfois tendance à prendre du temps avant de délivrer son premier album, format encore sacralisé, en mesurant les enjeux avec parfois plus de précision que l’industrie elle-même. Mais il faut y voir là un sens du détail, une maîtrise du timing et un goût acéré pour la quête de perfection. Mairo ne déroge pas à cette règle car malgré ce premier album publié en février 2025, il n’est pas nouveau dans le rap.

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Le fruit de la réflexion 

Des années d’entraînement, d’observation et de synthèse de centaines d’influences, c’est ce qu’il fallait à Mairo pour faire naître LA FIEV.

Le premier coup de projecteur se fait avec 95 monde libre, un EP de 10 titres produit par Hopital, publié en janvier 2020 comme un malheureux pied de nez au futur monde confiné qu’on s’apprêtait à découvrir. On pouvait déjà y découvrir un rappeur technique, appartenant à cette école de rimeurs / kickers, amoureux des schémas de rimes complexes.

Quatre ans plus tard, le huit titres omar chappier démarre un réel engouement du public et des médias spécialisés pour le rappeur de Genève. Les featurings du projet, H Jeunecrack, Implaccable, NeS ou encore Wallace Cleaver, font l’état de ce qui se fait de mieux dans ce que l’on appelle alors “New Gen”, sorte de génération mutante qui se révèle toujours techniquement plus forte mais Mairo est un de ceux qu’il est difficile d’étiqueter.

En deux ans, il peaufine pour chercher l’excellence, qu’il trouvera en réalisant finalement le move le plus technique, son introspection.

Le bruit de son âme

Il y a certains albums de ce genre de rappeurs, amoureux du rap et technicien hors pair, où un passionné et auditeur assidu du rap français peut facilement prédire ce qu’il va y trouver, et pour beaucoup d’entre nous, l’expérience convient.

La raison pour laquelle LA FIEV se démarque et fait de lui un grand album c’est parce que Mairo réussit à mettre beaucoup de lui, même énormément de lui, avec un bon équilibre entre récit instinctif et viscéral, par exemple sur “45%” où on retrouve une haine pure très puissante, et une pleine maîtrise de son art.

Et si on pouvait se poser la question de ce que Mairo était prêt à dévoiler dans sa musique, lorsqu’à la fin du couplet unique de “minuit”, Mairo dit “J’dois récolter le fric et le fruit de mon art, j’dois mieux écouter le bruit de mon âme”, il nous donne toutes les réponses.

Mairo est à cette étape de la vie où l’introspection et la thérapie deviennent nécessaires, où la spiritualité prend parfois une nouvelle dimension, mais aussi où son assurance et ses convictions sont plus que jamais immuables et prêtes à être exposées.

Il y glisse une référence au troisième album de Kaaris, et il y en a un paquet de références dans l’album, mais celle-là, suivie d’une outro instrumentale de guitare et batterie signée Niels Schack, peut-être que ça nous a foutu la chair de poule, on sait pas. 

Et le rap dans tout ça, l’antidote ou le venin comme il en parle sur la neuvième piste, a une place prépondérante dans le récit de sa vie. Parfois celui qui prive du temps passé en famille, parfois celui qui donne confiance et qui sauve. LA FIEV parle de ça, la passion et la survie.

Qui est vraiment Hopital ?

Le niveau de production est impressionnant sur les treize pistes entièrement conçues par le mystérieux Hopital.

L’auditeur est emmené sur des terrains nouveaux, vastes, remplis d’influences encore plus éclectiques que ce à quoi on pouvait s’attendre et avec une approche qui fait penser à la musique électronique sur la manière de traiter le son. Les voix sont parfois très filtrées, parfois étouffées, au contraire par moment le son sature presque pour à chaque fois délivrer des émotions très précises.
On assiste à une harmonie totale entre le beatmaker et le rappeur qui en fait un projet que l’on peut écouter avec regard porté entièrement sur les prods tant le travail est aussi fouillé et précis que pour l’écriture et les flows de Mairo.

M.A.I.R n’est pas un prophète

C’est un album qui résonnera chez tous les passionnés de rap évidemment, ne serait-ce que par son niveau technique, sa maîtrise du flow, du rythme, son écriture prodigieuse et les innombrables références au rap disséminées dans l’album qu’on découvre comme des œufs de Pâques.

Mais LA FIEV c’est surtout l’album de Mairo et de personne d’autre. Tout ce qui se passe à l’intérieur de ces 13 pistes ne peut être raconté par quelqu’un d’autre, par son habileté à maîtriser le temps et les moments, entre le comique et le drame, de ses histoires intimes racontées sans pudeur ou avec dérision jusqu’aux prods taillées sur mesure.