Belle Gibson, une Australienne aujourd’hui âgée de 33 ans, s’est fait connaître comme influenceuse bien-être, en pleine émergence des réseaux sociaux. Elle prétendait alors avoir vaincu un cancer au cerveau, que ses médecins disaient incurable, grâce à des remèdes naturels. Son blog The Whole Pantry est devenu une app, plébiscitée par l’un des géants de la Silicon Valley, Apple.
À voir aussi sur Konbini
Elle connaît une gloire fulgurante, jusqu’à ce qu’en 2015 des journalistes enquêtent sur elle et ses promesses de dons à des associations qui ne seront jamais honorées. Tout était bidon. Son nom est désormais tristement associé à l’une des arnaques les plus médiatisées des dernières décennies. Son histoire a inspiré la mini-série Netflix Apple Cider Vinegar : un drama qui explore les mensonges, les manipulations et les dégâts causés par ces influenceur·se·s bien-être, adeptes des “remèdes” holistiques.
Une ascension fulgurante

© Netflix
En 2013, Belle Gibson a commencé à partager son histoire de guérison miraculeuse sur les réseaux sociaux et à travers un blog. Selon ses propos, elle avait été diagnostiquée d’un cancer du cerveau en 2009 et, après avoir rejeté les traitements traditionnels, elle aurait guéri grâce à une combinaison de régimes alimentaires vegan et sans gluten, à base de produits naturels, notamment du vinaigre de cidre de pomme — qui donnera le nom à la série Apple Cider Vinegar. Gibson prétendait avoir guéri le cancer sans chimiothérapie ni radiothérapie, s’appuyant sur des principes de santé alternative et de bien-être.
Son blog, The Whole Pantry, a rapidement gagné une large audience, et elle est devenue une figure influente dans le domaine de la santé “naturelle”. Elle a publié un livre de recettes et lancé une application mobile à succès qui proposait des conseils sur l’alimentation saine et les “remèdes” maison. Au fil de ses publications et de ses interviews, elle a aussi déclaré avoir fait une rechute, avec un cancer qui s’étendait à sa rate, son utérus, son sang, son foie et ses reins. Elle a également affirmé avoir été plusieurs fois opérée du cœur.
La recette d’un désastre
En 2015, les journalistes Beau Donelly et Nick Toscano ont commencé à soulever des doutes sur son histoire. Des enquêtes ont révélé qu’il n’y avait aucune preuve qu’elle ait jamais été diagnostiquée d’un cancer, et la rumeur selon laquelle elle aurait utilisé des fonds collectés pour des œuvres caritatives à des fins personnelles a commencé à se propager.
La vérité a éclaté au grand jour lorsque Belle Gibson a été contrainte de reconnaître qu’elle n’avait jamais eu de cancer, dans une interview d’avril 2015 avec le magazine The Australian Women’s Weekly. Après avoir consulté des spécialistes médicaux, le média féminin soulève l’hypothèse que Belle Gibson pourrait souffrir d’un syndrome de Munchausen, un trouble psychologique qui pousse une personne (en majorité des femmes) à simuler une maladie grave pour obtenir de l’attention et susciter la compassion.
Le goût du mensonge

© Netflix
En 2017, Belle Gibson a été condamnée par la cour fédérale de Melbourne à verser une amende de 250 000 € pour ses fausses promesses de dons à des œuvres de charité. Followers et associations ont également réagi avec colère, dénonçant son exploitation de personnes vulnérables qui cherchaient des solutions à des problèmes de santé graves et ont parfois abandonné des traitements médicamenteux contre des alternatives, au mieux frauduleuses et inutiles, au pire dangereuses.
Des journalistes ont retrouvé sa trace en 2020 : elle disait, dans une vidéo, s’être retirée du monde médiatique et a prétendu, dans une interview de 2020 où elle apparaissait avec un foulard sur la tête, vivre loin des regards parmi la communauté Oromo, un groupe ethnique éthiopien de Melbourne, qui l’aurait “adoptée”. Là encore, c’est un mensonge. Le Dr. Tarekegn Chimdi, président de l’Association de la Communauté Oromo Australienne de Victoria a affirmé qu’elle n’a jamais été membre.
Et qu’en est-il de Milla Blake, la rivale de Belle dans la série (incarnée par Alycia Debnam-Carey) et pour laquelle cette dernière nourrit une véritable obsession ? Son personnage est en fait très inspiré de Jessica Ainscough, une militante australienne de la santé alternative. Diagnostiquée d’un sarcome des tissus mous en 2008, elle a choisi de refuser les traitements médicaux traditionnels, notamment la chimiothérapie et l’amputation du bras rongé par le cancer, et a adopté un régime strict à base de jus, de nourriture crue et d’autres “remèdes naturels”, qu’elle a largement promus sur son blog The Wellness Warrior.
Comme Milla Blake, Jessica Ainscough a gagné un large public, inspirant de nombreuses personnes à renier la médecine classique pour des méthodes pour le moins discutables, et notamment la très controversée et dangereuse “thérapie Gerson” qui prétend guérir le cancer par l’alimentation. De telles affirmations n’ont aucun fondement scientifique. Le caméo de Rudolf Steiner, fondateur de l’anthroposophie, et gourou du bien-être avant l’heure, n’est d’ailleurs pas un hasard. La mort prématurée de Jessica Ainscough en 2015, à seulement 29 ans, a soulevé de nombreuses questions sur l’efficacité de ses choix et les dangers de ses conseils non fondés, attirant à la fois des soutiens et des critiques.

© Netflix
À travers cette mini-série, Netflix explore les questions éthiques soulevées par les influenceur·se·s bien-être et autres gourous avec leur approche anti-sciences, qui jouent avec la santé de leurs adeptes parfois vulnérabilisé·e·s par la maladie. Apple Cider Vinegar nous invite à réfléchir sur la manière dont les réseaux sociaux peuvent être utilisés pour propager des mensonges et des informations trompeuses, souvent au détriment de la santé des gens.
À ce jour, Belle Gibson n’a toujours pas payé son amende. Son histoire restera gravée dans la mémoire collective comme un exemple d’arnaque moderne, et un avertissement face aux vendeurs et vendeuses d’espoir. Comme le dit le père de Milla dans la série : “Si c’est trop beau pour être vrai, c’est sans doute le cas”.