Quand le street art sauve des rues délabrées et des quartiers abandonnés

Quand le street art sauve des rues délabrées et des quartiers abandonnés

Image :

© Paloma Giustizieri/AFPTV/AFP

photo de profil

Par Konbini avec AFP

Publié le

À Johannesburg, des rues entières revivent grâce aux street artistes.

Suspendu dans une nacelle, contre un mur qui longe un terrain vague du centre délabré de Johannesburg, Dbongz dégaine une bombe de peinture : le street artiste crée l’une de ses œuvres murales géantes, devenues un marqueur fort de l’identité visuelle de la ville.

À voir aussi sur Konbini

Bongani Mahlathi de son vrai nom, 32 ans, est une figure d’un mouvement artistique qui s’est emparé depuis plusieurs années des immeubles du centre urbain. Ses portraits aux visages noirs et blancs, qui laissent la couleur à des fonds souvent inspirés des tissus traditionnels africains, ont aujourd’hui une valeur commerciale.

Sa dernière réalisation en cours est une commande, payée quelques milliers d’euros, d’une des plus grandes plateformes mondiales de musique en streaming : les portraits de quatre artistes du coin, parmi lesquels la chanteuse d’afro-soul Simphiwe Dana ou la sensation amapiano Nobuhle, apparaissent peu à peu sur ce mur de Johannesburg, mélange de bars branchés et entrepôts délabrés.

Dbongz avait déjà réalisé une série de portraits en hommage à des artistes sud-africain·e·s décédé·e·s, sur d’énormes piliers de béton soutenant l’autoroute, dans le quartier culturel de Newtown. “L’art a changé l’environnement et la façon dont les gens pensent la ville. Ils voient maintenant une ville lumineuse, alors qu’elle était avant terne, quelconque et aussi un peu craignos”, explique-t-il à l’AFP.

Originaire du township de Mohlakeng, dans l’ouest de Johannesburg, l’artiste est aussi connu pour ses immenses portraits d’enfants réalisés dans leurs quartiers déshérités de la périphérie. “Ça donne confiance aux gens, ça leur fait du bien de se voir dans une lumière différente, plus grands que dans leur quotidien pas toujours facile”, dit-il.

Faire revivre le centre

Le centre historique de l’agglomération de six millions d’âmes a sombré dans une ère de dégradations et d’incurie d’abord dans les années 1980 lors des sanctions internationales imposées contre le régime de l’apartheid.

Puis, lorsque dans la foulée de l’élection de Nelson Mandela en 1994, les Afrikaners (les colons blancs) ont fui, déplaçant leurs commerces vers les banlieues cossues protégées par de hauts murs. Des immeubles entiers ont été abandonnés, les entrées des hôtels ont été murées, laissant souvent là tout le mobilier.

Au début des années 2000, ces propriétés vacantes sont finalement devenues le terrain de jeu de chef·fe·s d’entreprise audacieux·se·s. Des étages entiers d’anciens bureaux ont été transformés en appartements, dans un centre-ville qui cherche à se renouveler depuis des années.

Des tours laissées à l’abandon ont été transformées en logements à loyers modérés. L’une de ces façades a repris des couleurs grâce à l’artiste Hannelie Coetzee, avec le portrait d’une femme sur 166 mètres carrés, réalisé à partir de plus de 2 000 assiettes, soucoupes et bols.

“La ville est un lieu froid, bétonné, très quadrillé. L’art y apporte une douceur ou un moment de réflexion auquel on ne s’attend pas forcément”, dit-elle. La chevelure qui monte dans les étages s’inspire de la façon dont les Sud-Africaines adaptent des coiffures traditionnelles pour leur donner un côté branché.

Connu pour son portrait emblématique de Barack Obama avec le message “HOPE”, Shepard Fairey a posé aussi son empreinte sur la ville avec un portrait de Nelson Mandela sur un immeuble de dix étages qui domine la ville. Là aussi, une commande du promoteur immobilier sud-africain, Adam Levy.

Ces œuvres, de manière subliminale, donnent aux gens “la sensation qu’ils comptent, qu’on s’intéresse à eux”, elles montrent “qu’il existe une sorte de machine en coulisses qui s’intéresse” à la vie du quartier, relève l’homme d’affaires. Ce qui peut induire l’envie de rendre au collectif et de lancer ainsi un cercle vertueux. “C’est comme ça qu’on commence à bâtir une culture”, dit-il.