Près de 9 000 artistes demandent “l’exclusion de l’État d’Israël de la biennale de Venise”

Près de 9 000 artistes demandent “l’exclusion de l’État d’Israël de la biennale de Venise”

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© Kimi Lee via Unsplash

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Par Lise Lanot

Publié le , modifié le

Une lettre ouverte signée par des artistes du monde entier, dont Nan Goldin, Michael Rakowitz et Meriem Bennani.

Alors que l’ouverture de la biennale de Venise approche à grands pas (le 20 avril prochain), le prestigieux événement d’art contemporain voit une polémique secouer ses préparatifs. 8 731 artistes ont signé une lettre ouverte (traduite en français) appelant à “l’exclusion de l’État d’Israël de la biennale de Venise” : “Donner une plateforme à de l’art qui représente un État engagé dans des atrocités continues contre les Palestiniens de Gaza est inacceptable. Pas de pavillon du génocide à la biennale de Venise.”

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Les signataires soulignent que la biennale a déjà connu des demandes visant à ce qu’elle reconnaisse les atrocités commises par ses participants” auparavant. “De 1950 à 1968, en raison d’une condamnation mondiale généralisée de l’apartheid et d’appels au boycott, l’Afrique du Sud a été dissuadée de participer et mise à l’écart lorsque la biennale a attribué des espaces.” Après cette mise à l’écart et suite à la résolution des Nations unies condamnant le régime d’apartheid, l’Afrique du Sud avait été officiellement exclue des pavillons jusqu’au référendum signant l’abolition de son régime raciste, au début des années 1990.

La lettre rappelle également les “nombreuses déclarations publiques publiées en soutien au droit à l’autodétermination, la liberté et l’humanité du peuple ukrainien” par la biennale en 2022. Le commissaire et les artistes russes sélectionné·e·s pour représenter leur pays à la biennale de Venise de cette même année avaient démissionné suite à l’invasion de l’Ukraine, annonçaient alors les organisateur·rice·s de la biennale, saluant leur “acte de courage”.

“La condamnation publique par la biennale de ‘l’agression militaire inacceptable de la Russie’ incluait une affirmation selon laquelle elle rejetait ‘toute forme de collaboration avec ceux qui ont perpétré ou soutenu un acte d’agression aussi grave’ et refusait ‘d’accepter la présence à quelconque de ses événements de délégations officielles, d’institutions ou de personnes liées de quelque manière que ce soit au gouvernement russe’. En novembre, il a été rapporté que plus de civils palestiniens avaient été tués en un mois en Palestine qu’en deux ans en Ukraine”, écrivent les signataires.

“Double standard”

Les signataires dénoncent la façon dont “la biennale est demeurée silencieuse concernant les atrocités de l’État d’Israël contre les Palestiniens”, évoquant un “double standard”. Parmi les noms apposés à la fin de la lettre, on retrouve des artistes exposé·e·s cette année ou les années précédentes à Venise, à l’instar de Nan Goldin (connue pour son engagement de longue date en faveur de la liberté palestinienne), Meriem Bennani, Rosalind Nashashibi, Gabrielle Bejani, Françoise Vergès, Michael Rakowitz ou encore Faisal Saleh, directeur du Palestine Museum US.

Ce dernier s’est vu refuser par la biennale sa proposition d’exposition collatérale (puisque la Palestine ne peut avoir de pavillon) présentant “23 artistes palestiniens (dont certains venant de Gaza)”. Intitulée “Foreigners in Their Homeland” (“Des étrangers sur leur terre natale”), l’exposition “visait à mettre en lumière la vie sous l’occupation”, décrit Faisal Saleh dans une pétition Change.org.

La biennale présentera cependant cette année une exposition collatérale incluant des artistes palestinien·ne·s, nommée “South West Bank: Landworks, Collective Action and Sound”. L’événement, qui a cette année annoncé sa volonté de s’éloigner de sa vision traditionnellement centrée autour de l’Europe et de l’Amérique du Nord, n’a pas apporté de commentaires à la publication de cette lettre.

Edit du 28 février 2024 : Le ministre italien de la Culture Gennaro Sangiuliano a réagi hier dans un communiqué à la lettre ouverte, affirmant que cette dernière “menaçait la liberté de pensée et de création”“L’État d’Israël a non seulement le droit d’exprimer son art, mais il a le devoir de témoigner à son propre peuple au moment où celui-ci a été durement frappé par surprise par des terroristes sans pitié”, a poursuivi le ministre dans son communiqué, rapporte l’AFP.

De leur côté, l’artiste Ruth Patir et les conservatrices de son exposition au sein du pavillon israélien de la biennale partageaient auprès d’ArtNews, le 24 octobre 2023, leur point de vue : “Les attaques terribles du 7 octobre perpétrées par le Hamas qui ont brisé les vies de tant de nos proches, amis et connaissances nous ont laissé complètement renversées et terrifiées. Notre deuil immense est exacerbé par notre inquiétude immense concernant la crise humanitaire grandissante à Gaza et les morts tragiques là-bas, ainsi que tout ce qui est à venir.”

La biennale de Venise aura lieu du 20 avril au 24 novembre 2024.