Pourquoi tout le monde est à poil dans l’histoire de l’art ?

Pourquoi tout le monde est à poil dans l’histoire de l’art ?

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© Gustave Courbet/Musée d’Orsay/RMN-Grand Palais/Patrice Schmidt

Le nu a traversé les époques sans jamais se mettre à couvert.

Vous connaissez bien le nu artistique, qui consiste à représenter des sujets… nus. Au moins, le thème est dans l’intitulé et on ne s’attend à aucune surprise (bien que…) mais pourquoi, même en dehors du David de Michel-Ange ou L’Origine du monde de Gustave Courbet, on retrouve des gens à poil partout, tout le temps, dans l’art ? Liberté, concept ou origine même du body-positivisme ? La nudité dans l’art est très ancienne, vous le savez, et on vous raconte son histoire.

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Revenons à l’Antiquité grecque, période où les sculptures étaient façonnées selon les standards de beauté : un homme grand, musclé et athlétique, bref, à l’image d’un dieu grec. Vous nous direz que cette idée n’est justement pas très body-positive, certes. À cette époque, il y avait soit le nu “idéal” à l’image d’Apollon, ou “des nus hideux, ceux de personnages ‘pervertis’, tels des satyres exhibant un sexe priapique, signe de décadence et d’absence de contrôle de soi”, explique Beaux Arts Magazine.

Au Moyen Âge, la nudité résonnait avec le péché dans le christianisme. “Au Moyen Âge, les rapports à la nudité étaient compliqués. Le christianisme considérait la nudité comme très sale et suspecte. Le corps nu était associé au péché originel, la chair devenait la racine du mal”, explique Toiles Modernes. À l’image d’Adam et Ève chassé·e·s du Paradis, qui sont illustré·e·s nu·e·s pour prévenir de leur fragilité. La représentation du nu religieux n’était donc pas bienveillante mais plutôt une représentation du péché.

À la Renaissance, la vision de la nudité change progressivement. Nombreuses sont les représentations de corps dénudés, telles La Naissance de Vénus de Botticelli et La Vénus d’Urbin du Titien. On dévoile les courbes des corps, découvre une nouvelle manière d’offrir un cadeau insolite à son amant·e. C’est une nouvelle vision du corps, à l’image de la nudité artistique de l’Antiquité : on tente de reproduire à la perfection le corps, le visage et ses expressions. L’exploration de la sensualité et la recherche du beau sont la volonté première de cette période artistique. Toutefois, la représentation de l’homme et celle de la femme n’ont pas le même but : la femme nue est illustrée avec une poitrine généreuse et des hanches exagérées dans le but d’illustrer la maternité tandis que chez l’homme, la représentation se veut athlétique pour renforcer sa virilité.

Corps objectifiés

Par la suite, nous revenons à des valeurs plus simples et réalistes. La représentation du corps devient la recherche du naturel et l’incarnation du quotidien. Les artistes en viennent même à illustrer des corps nus dans des scènes du réel, comme Toulouse-Lautrec et ses nus des maisons closes ou encore Manet, qui se positionne en voyeur et dessine des femmes nues, le regard tourné vers le peintre.

D’ailleurs, l’une de ses œuvres les plus connues, nommée Le Déjeuner sur l’herbe, aurait fait scandale à cause de la nudité de la femme figurant sur le tableau. Considérée comme grossière, la présence d’une femme nue au milieu d’hommes habillés n’est justifiée par aucun prétexte mythologique ou allégorique. La modernité des personnages rend obscène, aux yeux de ses contemporains, cette scène presque irréelle”, déclare le musée d’Orsay.

Le nu ayant longtemps été un élément d’étude, il est aussi l’opportunité de toucher à l’intime. Aujourd’hui, bien que le nu en peinture et sculpture soit démocratisé, il est accepté avec plus de difficultés en photographie. Il reste apparemment trop confrontant de regarder l’image directe de l’existant plutôt que sa représentation en peinture ou sculpture. Il est plus réel, identifiable, questionne davantage les notions de consentement et le contexte dans lequel il a été réalisé qu’en peinture, avec les modèles vivant·e·s, par exemple.

Le nu a une vocation politique qui permet d’éveiller les consciences. Il sert à faire passer des messages de société. Les codes de la nudité dans l’art sont alors renversés par la volonté de certain·e·s artistes à dénoncer l’érotisation. On ne veut plus être qu’un corps objectifié pour le regard d’un public. Le nu est intemporel : il n’appartient à aucune époque, à aucune mode. Le nu relève alors de la valeur la plus simple et la plus authentique, l’origine du monde.