Pourquoi personne n’aime l’art contemporain ?

Pourquoi personne n’aime l’art contemporain ?

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© Louise Bourgeois/Christian Ohde/McPhoto/Ullstein Bild via Getty Images

Le grand débat entre beauté, symbole et l’avis des spectateurs sceptiques.

L’art contemporain, c’est un peu comme la coriandre, soit c’est délicieux, soit on a envie de faire sa vaisselle avec. Bien que le phénomène propre à la coriandre ait été expliqué dans une étude liant le goût à une question de gènes, la mystérieuse haine pour l’art contemporain n’a pas encore trouvé de réponses. Alors, on va tenter de trouver la réponse aujourd’hui, même si vous n’avez rien demandé.

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L’art contemporain regroupe les œuvres réalisées après 1945. On sait pertinemment que ce n’est pas la définition de l’art contemporain que vous attendez, mais plutôt celle d’Artsper, qui le décrit comme “ne concernant que les pratiques et les réalisations esthétiques qui véhiculent des idées ou des concepts (par exemple l’art conceptuel), qui transgressent les frontières entre l’art et ce qui traditionnellement n’est pas considéré comme de l’art (par exemple l’art performatif) ou une transgression des ‘frontières de l’art telles que les conçoivent l’art moderne et l’art classique'”.

Une tache ridicule sur un fond blanc

Quand on parle d’art contemporain, on pense immédiatement à “une tache ridicule sur un fond blanc” que certain·e·s méprisent en clamant : “Ça va, moi aussi je peux le faire !” Si vous vous reconnaissez là-dedans, allons ensemble jusqu’au bout du chemin vers l’amour pour l’art contemporain, parce que l’art contemporain a un réel pouvoir et la faculté de faire bouger la société. Il dénonce et met le doigt sur les choses que l’on ne préférerait pas voir.

N’ayant pas de structure et de direction en particulier, l’art contemporain offre la possibilité de s’exprimer selon son envie, par le biais de la peinture, photographie, sculpture, danse ou encore performance. Le problème face à certaines œuvres trop complexes et qui semblent inaccessibles, c’est que l’on se braque. On se dit immédiatement qu’il y a un sens caché que l’on ne cerne pas, qu’on est sûrement trop con·ne·s pour le déchiffrer.

La frustration l’emporte bien souvent en remettant tout sur le dos de l’artiste, en se disant que l’œuvre est incompréhensible, que sa seule volonté est de nous sentir honteux·ses, et que l’art mériterait d’être explicite. Confrontant, n’est-ce pas ? Il s’avère qu’aujourd’hui, il est parfois plus important de faire passer un message plutôt que de penser à l’esthétique. Le beau n’a donc plus sa place et laisse passer le symbole avant toute chose. Même si l’on sait pertinemment que la beauté attire, et a donc plus de chance de persuader le public.

Louise Bourgeois, Maurizio Cattelan, Tracey Emin, Marina Abramović

Par exemple, l’impressionnante œuvre de Louise Bourgeois nommée Maman n’est d’apparence qu’une araignée de trente mètres, et non, le but de cette œuvre n’est pas de vous rendre moins ou plus arachnophobe, mais plutôt de rendre hommage à la mère de l’artiste. Selon les propres termes de Louise Bourgeois, “l’araignée est une ode à ma mère. Elle était ma meilleure amie. Comme une araignée, ma mère était une tisseuse. Comme les araignées, ma mère était très intelligente. Les araignées sont serviables et protectrices, tout comme ma mère”.

On s’aperçoit alors que l’art n’a pas seulement pour but de rendre quelque chose beau, celui-ci peut aussi être cathartique, fort, libérateur. L’art contemporain questionne, brusque et devient l’expérimentation de certains biais de communication. Nul besoin de connaissances en art pour finir subjugué·e face à une œuvre. C’est plutôt ça l’esprit de l’art contemporain. On ne vous demande pas ce que vous avez compris, on vous demande plutôt ce que vous avez ressenti. Une émotion négative face à une œuvre reste une émotion, une réaction à ce qui se trouve en face de vous. Vous n’êtes donc pas insensible à l’art puisque vous y réagissez !

Autre exemple, L.O.V.E., sculpture réalisée par l’artiste italien Maurizio Cattelan, a choqué le public. Celle-ci représente tout simplement un doigt d’honneur d’une hauteur de onze mètres qui interroge quant à son nom. L.O.V.E. est en fait l’acronyme de “Liberté, Haine, Vengeance, Éternité” qui retourne alors tout le sens. L’artiste ne s’est jamais prononcé à propos de sa démarche, laissant le public libre dans son interprétation.

Tracey Emin, My Bed. (© Fred Duval/FilmMagic)

Encore un exemple avec l’œuvre My Bed réalisée par l’artiste Tracey Emin, qui met en scène son lit lors d’une rupture amoureuse. Nous sommes face à un lit défait, parsemé de détritus tels que des préservatifs, des bouteilles d’alcool et des cigarettes. Cette œuvre, partant d’un désir personnel de mettre en lumière la détresse émotionnelle, permet alors au public de s’identifier à une situation qu’il a aussi vécue. Bien que l’art contemporain soit dénonciateur et provocant, il reste ouvert à l’imaginaire de chacun·e. Il est donc tout à fait possible que vous soyez attiré·e par une œuvre plutôt qu’une autre, sans être hermétique à l’art contemporain. Il suffit de trouver la branche qui vous ressemble le plus, qui vous fait vibrer.

Par exemple, la performeuse Marina Abramović s’intéresse aux relations humaines. Lors de sa performance The Artist is Present, Marina Abramović devait s’asseoir face à des visiteur·se·s chaque jour sans se lever ni boire ni manger dans le silence. L’artiste a fondu en larmes lors de la visite surprise de son ex-partenaire Ulay, avec qui elle avait collaboré une bonne partie de sa vie. Voilà plein de bonnes raisons d’apprécier l’art contemporain sous toutes ses formes car il regorge de surprises et n’a pas fini de vous ébahir. Pas comme la coriandre, finalement.