Picasso : on dit (toujours) les termes, 50 ans après sa mort

La fin de l'omerta

Picasso : on dit (toujours) les termes, 50 ans après sa mort

Image :

© Bettmann/Getty Images

photo de profil

Par Lise Lanot

Publié le

Cinquante ans après la disparition du peintre, les voix qui dénoncent ses agissements depuis des décennies commencent enfin à être écoutées.

Ce mois d’avril 2023 marque le cinquantième anniversaire de la mort de Pablo Picasso. À l’occasion de ce cinquantenaire, et tandis que les hommages prolifèrent, Arte a sorti un dossier documentaire qui vise à remettre les points sur les i et rappeler la vérité concernant les agissements d’un des peintres les plus célèbres du monde.

À voir aussi sur Konbini

Son nom est sur toutes les lèvres et sa réputation faiblit enfin. Dans son dossier qui n’entend surtout pas “rendre un énième hommage au génie”, Arte préfère “passer ce grand artiste au crible”. Un des épisodes documentaires invite Françoise Gilot, artiste française qu’on continue de présenter comme étant “principalement connue pour avoir été en couple avec Pablo Picasso” selon sa page Wikipédia anglophone, à s’exprimer.

Rendre sa voix à Françoise Gilot est d’importance puisque la publication de son livre Vivre avec Picasso en 1965 lui avait valu son ostracisation par le monde de l’art : “Certains signent même dans Les Lettres françaises une pétition pour demander l’interdiction du livre. Françoise Gilot en paiera le prix : aucune rétrospective ne lui a été consacrée en France”, rapporte Arte.

On ne peut donc pas s’étonner des informations partagées par le dossier d’Arte. Il ne s’agit pas là d’un pavé dans la mare mais il s’agit peut-être d’une des premières fois où le pavé crée de véritables remous. Depuis le livre de Françoise Gilot, les dénonciations n’ont pas tari. En 1996, le réalisateur James Ivory partageait Surviving Picasso, un film basé sur l’autobiographie de Françoise Gilot et le livre d’Arianna Huffington, Picasso – Créateur et destructeur. Même sa petite-fille et son petit-fils avaient ressenti le besoin de s’exprimer pour dénoncer les agissements de leur aïeul.

En 2022, Manon Bril partageait sur sa chaîne YouTube C’est une autre histoire une vidéo sobrement intitulée “Picasso was a piece of sh!t”. Sous la vidéo, les internautes partagent leur désarroi en commentaire : “Quatre années avec des cours d’histoire de l’art et… j’ignorais tout de l’horreur de sa vie privée ni qu’il l’exposait dans ses œuvres”, “Je suis estomaqué ! J’avais de Picasso l’image d’un type génial qui avait un peu la grosse tête, mais sans plus. Je trouve ahurissant que ces aspects du personnage soient aussi peu médiatisés, pour ne pas dire sciemment occultés. Merci pour cette vidéo !”, ou encore “Ça me fout en rage qu’on nous présente ses œuvres depuis l’enfance, sans aucun contexte”.

L’année précédente, le podcast d’histoire de l’art Vénus s’épilait-elle la chatte ? partageait “Picasso, séparer l’homme de l’artiste”, un épisode dans lequel s’exprimait Sophie Chauveau, autrice de Picasso, le Minotaure, ouvrage qui tente “de comprendre comment est né l’ogre Picasso. Ce Minotaure qui dévore ses proies, ses amours comme la peinture. Celui qui occupe tout le temps, partout, toute la place, toutes les places”.

Cela fait bien longtemps que des voix s’élèvent afin de raconter les horreurs perpétrées par Picasso – comment il s’appropriait le travail de ses compagnes souvent très jeunes, les poussait à bout, les violentait. La question n’est pas tant de se demander pourquoi ces horreurs sont restées cachées, mais plutôt pourquoi elles n’ont pas été écoutées – puisqu’elles étaient bien contées, de 1965 à aujourd’hui. Un demi-siècle après sa mort, il semble que l’omerta se dissipe et que les termes commencent enfin à être dits, sur Arte, sur TikTok, sur YouTube, dans des podcasts et dans nos débats contemporains.

@marie_guerineau Très déçu quand je l’ai appris 🥲 #art #arttips #picasso #fyp #unepetitemarie #culturetiktok #artinfo #artist ♬ Creepy and simple horror background music(1070744) - howlingindicator