Le flux médiatique autour de son premier film, Comment c’est loin, passé, on s’est posé une quinzaine de minutes sur un canap’ avec Orelsan. Au menu : la nuit, l’amour et sa Saint-Valentin, l’inspiration, la solitude, l’amitié, la célébrité, l’échec, mais aussi un troisième album solo et un prochain film.
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“T’as toujours l’impression d’avoir perdu le truc”
K | Finalement, ta plus grande histoire d’amour, tu l’as entretenue jusqu’ici avec… la nuit.
Orelsan | J’étais veilleur de nuit donc je bossais pas mal la nuit. J’aime bien bosser la nuit, c’est le seul moment où t’es vraiment tranquille, t’es sûr que le téléphone ne sonne pas. Après, c’est pas toujours simple d’écrire. Là, par exemple, je me remets à faire un album et je me rends compte que je galère un peu, c’est compliqué…
K| De trouver l’inspiration ?
Ouais c’est ça, trouver l’inspi’, c’est dur.
K| Comme tu disais, “la peur de l’échec”…
Ouais voilà. Trouver l’inspi’, savoir quoi raconter, comment le chanter et tout… Ça fait un peu flipper.
K | Dans ces moments-là, tu ne te poses pas de questions, ça vient tout seul, ou il t’arrive de paniquer ?
Je panique un peu. Parce qu’en fait, t’as toujours l’impression d’avoir perdu le truc, tu vois. Et puis c’est dur, ça vient pas comme ça… Par exemple hier, je voulais à tout prix faire du son, et je me suis mis chez oim, j’ai commencé à faire de la musique, puis au bout d’une heure je me suis dit : oh putain, j’avais oublié à quel point c’est compliqué. Alors qu’il y a deux mois je faisais encore des sons pour la BO du film.
Mais je sais pas… je pensais que j’allais me mettre devant et que ça allait partir tout seul mais non, c’est plein de petites étapes. Mais après, si tu galères pas, tu progresses pas par la suite. À part certains rares génies ; mais moi je sais que j’ai besoin de galérer, et puis c’est là où je fais des trucs dont je suis vraiment content.
K | T’as beaucoup évoqué la solitude jusqu’ici. Ça a été une force pour toi ?
Ouais, je pense que c’est une force. C’est juste que tu fatigues au bout d’un moment, mais sinon c’est quand même une force, si t’arrives à être bien persévérant. Puis je pense aussi que de l’ennui naît la création, souvent. Tu t’ennuies, tu t’ennuies et tu finis par avoir une idée.
C’est vrai que j’aime bien être tout seul. Là, je pense que pour faire mon album (et je l’avais déjà fait avant), j’aimerais bien me barrer trois, quatre jours tout seul dans des endroits que je ne connais pas forcément, et là je commence un peu à cogiter.
“J’ai toujours l’impression qu’il manque une étape”
K | Surtout que maintenant tout va beaucoup plus vite pour toi, t’as plus le même planning aujourd’hui sur une semaine qu’il y a quelques années…
Ouaiiiis c’est ça !
K | T’arrives à bien gérer tout ça ?
Ouais ça va, mais c’est un peu relou là. Quand j’ai besoin d’être dans des périodes d’écriture et tout, il faut que j’arrive à n’avoir rien à faire ! Faut que je reste chez moi, trois, quatre jours, vraiment ne pas sortir du tout, ou juste aller faire un tour, marcher, mais pas des trucs de business et tout. Là j’ai trop de trucs en cours…
Donc y avait le film, y a eu la promo du film, y a Bloqué, à côté j’ai une marque de fringues… Je kiffe tout ça, hein, mais faut pas trop s’éparpiller quand même. Y a un moment où faut que je me dise : bon, je mets tout en suspens et je refais un album, sinon je vais pas y arriver. Après ça va, tu vois, mais… moi, c’est plus les trucs de business, tout ce qui n’est pas créatif, qui me niquent le truc.
Et puis à côté, j’ai une vie de couple, j’ai une famille, j’ai des gens autour de moi qu’il faut que je voie aussi ; faut pas se couper du monde totalement.
K | Et quand tu regardes en arrière, tout le chemin parcouru, qu’est-ce qui te vient à l’esprit ?
Pour l’instant, j’ai pas encore l’impression d’avoir fait un truc de ouf. J’ai toujours l’impression qu’il manque une étape, tu vois ce que je veux dire.
“Si j’arrêtais aujourd’hui, je n’suis pas sûr qu’on se souvienne de moi dans cinquante ans”
K | C’est ça, c’est l’ambition aussi.
Ouais, c’est ça. Par exemple, là : OK, j’ai fait un film, c’est cool. Le film a de bonnes critiques, c’est cool. Je me dis : bon, bah c’est le premier. C’est un peu comme mon premier album, maintenant j’ai envie d’en faire un autre, je vois les défauts du truc…
Là je me dis : bon, j’ai fait deux albums solo, le deuxième a bien marché, c’est cool mais j’ai pas encore vraiment fait de gros hits de ouf, enfin tu vois ce que je veux dire ! Pour moi, si j’arrêtais aujourd’hui, je n’suis pas sûr qu’on se souvienne de moi dans cinquante ans tu vois. [Rires.]
K | Tu penses déjà à faire un autre film ?
Ouais, ouais, ouais. Là, faut vraiment que je m’y mette. Justement c’est ça, je vais essayer de m’y mettre sérieusement ; si ça se trouve, ça sera pour dans trois, quatre ans.
K | Du coup, là, le programme, c’est troisième album solo puis deuxième film ?
Exactement.
K | Comment c’est loin n’était pas juste un coup d’essai.
Eh non, ça serait dommage, quoi. Parce que j’ai appris des trucs, du coup j’ai envie d’en profiter.
Comment c’est loin, c’est un film qui me parle, j’aime beaucoup les comédies musicales, c’est un film qui parle de rap et tout. Maintenant j’ai envie de rentrer dans le vif du sujet de ce que je kiffe, tu vois. Le film parlait beaucoup de nous et tout. Là, j’aimerais bien m’attaquer à un truc où il y a moins de musique, avec un peu plus d’aventure…
Surtout, je lis beaucoup de mangas, et je me dis putain y a forcément un truc à faire quelque part ! Pareil pour l’album, quand je regarde, je me dis : ah ouais, putain, j’ai quand même fait quatre albums ! (dont deux avec Gringe). Puis d’un autre côté je vois d’autres artistes que j’écoutais qui en ont fait dix…
Après, j’ai pas forcément envie de faire plein d’albums mais… y a un truc qui me frustre un peu. À part dans les paroles, où je sais que j’ai un ton qui me ressemble, dans la musique globalement j’arrive pas à avoir LE truc comme par exemple Stromae ou Christine and the Queens, ou des James Blake ou des Kanye… Non, peut être plus James Blake, tu vois, des mecs comme ça qui, quand t’écoutes, tu fais : woaaah, c’est ça c’est leur truc ! Tu vois. Et moi j’ai pas encore ça ; et c’est ça qui me vénère !
K | Être considéré en tant que rappeur, dans un genre quelque peu déprécié en France et aux contours bien délimités : ça ne te ferme pas ces portes-là justement ?
Un peu.. mais c’est plus une question de musique. Le rap c’est cool, bien sûr il y aura du rap dans mon prochain album, évidemment. Mais j’aimerais bien trouver pile le juste milieu.
K | Est-ce que tu continueras à faire des sons aussi sombres que ceux que tu as pu faire jusqu’ici, comme “La peur de l’échec” ou “Suicide social” ?
Ouais, je pense, j’aimerais bien, ouais. Je pense que ça va tourner dans ces eaux-là. Après, j’aimerais bien faire des trucs un peu plus positifs, un peu moins plaintifs.
Tout dépend aussi de l’état d’esprit dans lequel je suis. C’est un peu comme si on disait à Adele : “Tu comptes faire des chansons qui parlent de rupture et d’amour ?” [Rires.]
“C’est comme si j’avais signé un pacte pour éternellement ne rien faire à la Saint-Valentin”
K | Et l’amour d’ailleurs, ç’en est où ? Tu comptes faire quoi pour la Saint-Valentin ?
Ah ça, c’est ma grande hantise, à chaque fois… En fait je suis en couple depuis maintenant six ans, du coup je ne passe jamais la Saint-Valentin tout seul.
Parfois j’ai peur… Quand je vais au resto avec ma copine ou quoi, j’ai peur que les gens fassent : “Haaahaaa, tu nous a menti !” [Rires.] C’est comme si j’avais signé un pacte pour éternellement ne rien faire à la Saint-Valentin [rires] ! Je serai en tout cas avec ma copine, peut être au resto, ou à la maison.
K | Et d’ailleurs, t’avais dit que c’est grâce à ce fameux morceau que tu l’as rencontrée, c’est ça ?
Un peu, ouais, grâce à toute cette époque de Myspace. Je l’ai rencontrée à cette époque-là à peu près.
K | Tu disais avoir peur de la célébrité. Qu’en est-il aujourd’hui, maintenant qu’on peut dire que t’es célèbre ?
Ça va. Y a des moments où tu sais que ça peut basculer un peu. Parfois tu sens que t’es plus médiatisé, ou même que t’es débordé sur les réseaux sociaux comme Twitter ou Insta…
L’avantage quand t’es connu, c’est que tout est beaucoup plus facile, que ce soit au niveau des rencontres, des sorties, le travail, les gens…
K | Les meufs ?
[Rires.] Ouais, avec les meufs mais, ça, c’est plus un piège, moi j’suis casé et tout. [Rires.]
Après ça va, j’ai chopé l’habitude maintenant. Au début c’était un peu chelou, mais maintenant tu ne me verras pas parler à une meuf sur Facebook ou sur Twitter, même en tout bien tout honneur, je coupe dès la base, quoi. [Rires.] Forcément, tout est un peu plus facilité et ça implique des risques, mais bon c’est plutôt cool, là.
“J’ai toujours peur de l’échec”
K | De l’amour à l’amitié… comme celle avec Gringe. La force de l’amitié a-t-elle eu un impact sur ton parcours ?
C’est super important. On a tous eu des galères. Comme on est un grand groupe de potes, que ce soit Gringe, Skred, mon frère et tous ceux qui sont dans le film, un groupe de mecs vachement différents, ça nous permet d’avancer en apprenant de l’expérience des autres. C’est agréable, même pour créer. Quand je sature, je vais les voir et j’ai de nouvelles aventures. [Rires.]
K | Aujourd’hui, t’as toujours peur de l’échec ?
… Je commence à avoir plus confiance en moi, à me dire : bon, bah au moins, je sais que je peux à peu près sortir un truc. Par exemple hier, j’ai essayé de bosser, c’était pas très fructueux ; ça m’a travaillé un peu mais pas comme ça aurait pu me travailler à l’époque, tu vois.
Mais si si, j’ai toujours peur de l’échec. Par exemple, quand j’ai sorti mon film, j’avais peur qu’il y ait des mauvais retours, mais pas au point que ça m’empêche de le faire. Genre là, mon prochain album, je vais aller à fond dans un délire, et y a des gens qui vont pas kiffer mais ça me fait moins peur qu’avant.
“Ça sera l’album du kiff”
K | Et au niveau de la ligne directrice de cet album, t’as déjà une idée précise ?
Je sais que je vais pas faire de la musique de maintenant, je vais pas faire un album de trap ou je vais pas faire du Drake. Mais je vais pas non plus mettre ça complètement de côté. Je vais essayer de trouver un truc qui correspond à ce que j’écoute comme musique. Et je pense que je vais me faire des kiffs aussi, genre y a des trucs que je faisais un peu au début, un peu drum’n’bass complètement ringards mais j’envisage d’aller explorer un peu cette voie-là tu vois (rires). Me faire kiffer.
K | Ça sera l’album du kiff
Ouais, ouais, c’est ça, ça sera l’album du kiff. Je pense que je vais bien me faire kiffer ouais