On est allés à la cérémonie des têtu· et c’était beaucoup d’amours (oui, au pluriel)

On est allés à la cérémonie des têtu· et c’était beaucoup d’amours (oui, au pluriel)

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© Mehdi Ben Romdhane/Konbini

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Par Konbini

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Retour sur une si jolie cérémonie en huit temps forts.

Hier soir se tenait la toute première Cérémonie des têtu· et on n’était pas peu ému·e·s d’y être invité·e·s. En grande pompe, on s’est donc rendu·e·s à l’Olympia pour assister à cette remise de prix où l’on a croisé le gratin de la scène LGBTQIA+ artistique et créative : la gagnante de Drag Race France Keiona, la drag-queen Vespi, le styliste Nikita Vlassenko, le créateur de contenu Isaak Dessaux, la chanteuse Aloïse Sauvage qui a remporté le prix de la performance hot de l’année, l’acteur François Sagat, la team du célèbre magazine trimestriel et, bien sûr, PAS Mylène Farmer.

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C’était un show présenté avec énergie et humour par la journaliste Giulia Foïs, La Big Bertha et le comédien Jessé, en trouple pour notre plus grand plaisir, le temps d’un soir. Ce qu’on en retient et retiendra, c’est évidemment le discours de fin de La Big Bertha : “On est beaux, on est puissantes, on est unis. Restez vous-mêmes car vous êtes magnifiques.” Retour sur huit moments touchants, clés, engagés et drôles de la cérémonie.

Les performances musicales de Santa, révélation de l’année, et d’Eddy de Pretto, personnalité de l’année

Lauréate du têtu· de la Révélation de l’année, la chanteuse Santa, issue du groupe Hyphen Hyphen, a gâté la salle de l’Olympia d’une performance frissonnante en piano-voix de son morceau “Popcorn salé”, le tout ornée d’un sublime corset à la Jean-Paul Gaultier.

Eddy de Pretto, lauréat du têtu· de Personnalité de l’année (remis par l’iconique Amanda Lear) a surpris tout le monde en profitant de son discours de remerciement pour interpréter son dernier titre “R+V”, hommage dansant aux icônes queers de sa vie : de Verlaine à Rimbaud en passant par RuPaul et Andy Warhol. C’était une performance surprise qui a dévoilé l’enceinte géante qui le suit partout en tournée, dissimulée sur la scène depuis le début de cérémonie.

Le trio de choc formé par Giulia Foïs, La Big Bertha et Jessé

Présenter une cérémonie comme celle-là, d’autant plus pour sa toute première édition, n’est jamais une mince affaire. Heureusement, la Cérémonie des têtu· a pu compter sur un trio aussi drôle qu’efficace, composé de la journaliste Giulia Foïs, alliée indéfectible de la communauté LGBTQIA+, La Big Bertha, représentante charismatique de la communauté drag, et l’humoriste Jessé, qui n’a jamais hésité à faire de son identité une force dans ses spectacles. L’alchimie entre les trois aura eu le mérite de dynamiser cette cérémonie de remise de prix, et ce n’est pas rien quand on connaît le potentiel soporifique de ce genre d’événements.

Le discours de Florent Gouëlou, lauréat de la première création

Récompensé pour son premier film Trois nuits par semaine, le jeune réalisateur Florent Gouëlou a profité du moment pour délivrer un discours fort, revenant sur son amour pour le drag et l’importance de réaliser des films qui s’écartent de l’écueil éculé du récit de la honte queer.

C’était un discours politisé également, insistant sur la nécessité de rendre la lutte intersectionnelle, contre le sexisme, le racisme, l’antisémitisme et toutes les autres discriminations qui s’agglomèrent aux LGBTphobies. Ce fut l’occasion notamment de marteler le racisme latent présent dans les institutions du pays, au vu de la mort de Nahel en juin dernier, ou de l’interdiction du port des abayas dans les écoles, plus récemment.

L’hommage de Philippe Joanny, prix de la mémoire LGBTQIA+

C’est avec beaucoup d’émotion que l’auteur Philippe Joanny a reçu le prix de la mémoire LGBTQIA+ pour son livre 95, qui revient avec douleur mais nécessité sur ce qu’on appelle “les années Sida”. 1995, c’est aussi l’année où la rédaction de Têtu a vu le jour et celle durant laquelle l’auteur a perdu des ami·e·s, des amants, “des noms dans son répertoire” qu’il a dû barrer… C’est un hommage aux disparu·e·s, aux victimes de cette épidémie qui n’est pas finie, “et ils [étaient] là ce soir” avec nous.

L’émotion de Juliette Armanet et le speech de Paloma, prix de la visibilité grand public

Séquence émotion. Juliette Armanet est venue, “émue et fière”, donner le prix de la visibilité grand public à Paloma, première gagnante de Drag Race France. La chanteuse, qui était jurée sur cette dernière saison, a remercié ces queens de l’avoir fait entrer dans leur monde, de briller par leur âme et leur parcours, de lui avoir tant transmis, de faire partie aujourd’hui de leur famille. Son discours touchant s’est lié à celui de Paloma qui, avec humour, a noté l’absence de Mylène Farmer mais a surtout félicité les aboutissements de la scène drag en France, notamment grâce à des émissions comme Drag Race France, qui œuvrent à visibiliser la communauté queer, pour les grand·e·s comme les petit·e·s.

Le discours de Daphné Bürki, alliée de l’année

Il en faut, des allié·e·s, et ça, Têtu a voulu le récompenser. Remis par Kiddy Smile, le prix de l’allié·e de l’année est naturellement revenu à Daphné Bürki qui, plus tôt dans l’année, sur le plateau de Quelle époque !, mettait les points sur les i quant à l’utilisation décomplexée du terme homophobe “enc*lé” et faisait front aux réactions rétrogrades des autres intervenants. Lors de son discours, elle a rappelé sa bisexualité et à quel point les allié·e·s qu’elle a trouvé·e·s sur son chemin ont été important·e·s pour elle. Elle a également encouragé les voix privilégiées à s’élever pour défendre les minorisé·e·s, car “ça nous rendra plus forts”. Ce speech s’est achevé non sans drôlerie : elle a dédié ce trophée à tous les homophobes de France !

Le travail de Pierre et Gilles, têtu· d’honneur

Amanda Lear, à la voix cassée, s’est occupée de remettre chaudement le têtu· d’honneur, qui récompense la carrière créative d’un·e artiste. Et ce n’est pas un·e artiste mais deux, un duo iconique, qui a reçu ce prix : les photographes Pierre et Gilles. Avec une timidité mignonne qui leur appartient, ils ont remercié Amanda Lear pour sa confiance, car elle fut la toute première artiste à leur faire confiance pour la couverture d’un de ses albums et ont rappelé qu’ils collaboraient en duo depuis cinquante belles années. Pierre et Gilles ont marqué l’histoire de la photographie française, avec leur esthétique joyeuse et leurs portraits aux cadres fantasques. Des grands noms de l’art sont passés devant leur objectif ; on retient Stromaé, Madonna, Andy Warhol, Naomi Campbell et, avec évidence, les 2Be3 !

Le sacre de Nicky Doll, têtu· des lecteur·rice·s

Élevée au rang d’icône queer depuis sa participation à la saison 12 de RuPaul’s Drag Race aux État-Unis, la présentatrice de Drag Race France a enfin reçu sa couronne tant méritée, à savoir le têtu· des lecteur·rice·s. C’est certainement le prix le plus prestigieux de la soirée, résultat d’un vote départageant les nombreuses personnalités qui ont assuré la couverture du magazine depuis septembre 2022.

L’occasion pour Nicky Doll de délivrer un discours touchant sur la place qu’a pris dans l’espace public l’émission Drag Race France, d’une part, mais aussi la communauté queer en général, qui trouve enfin une voix après des temps d’invisibilisation. Ce moment lui a permis d’aborder sa récente aventure à découvrir dans l’émission Les Voyages de Nicky, qui offre une vraie réflexion sur la fluidité des genres avant les religions, les colonisations et l’oppression.

L’émission sera très bientôt diffusée sur MyCanal.

Article coécrit par Donnia Ghezlane-Lala et Flavio Sillitti.