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On a vu Black Panther : Wakanda Forever, un Marvel aussi bouleversant que décevant

On a vu Black Panther : Wakanda Forever, un Marvel aussi bouleversant que décevant

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Par Arthur Cios

Publié le , modifié le

Un hommage déchirant à l'acteur Chadwick Boseman, décédé en 2020, mais qui n'arrive pas à dépasser cela.

La mission qui incombait au réalisateur Ryan Coogler, plus encore qu’à Kevin Feige, était particulièrement complexe. Le MCU a déjà eu à gérer la perte d’un héros, et de l’héritage qu’il laisse dans le monde superhéroïque — on pense à Iron Man dans Endgame puis Far From Home, et d’une toute autre manière, à Black Widow. Mais le cas était encore plus épineux ici.

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Pour rappel, après l’énorme succès (critique et commercial) du premier Black Panther en 2018, une suite avait été rapidement lancée — au D23 de 2019, Kevin Feige clamait même que Coogler avait déjà fini d’écrire le script du deuxième volet. Mais un an plus tard, le 28 août 2020, l’acteur Chadwick Boseman, le Black Panther originel, décède d’un cancer.

Assez rapidement, Disney affirme que T’Challa ne sera pas remplacé ; comprendre ni recasté, ni recréé en CGI [Computer-Generated Imagery, en français effets spéciaux numériques, ndlr]. Il faut dire que chez les fans et sur la toile, l’émotion est vive. Personne ne savait que Boseman était malade, l’information étant tombé d’un coup, sans que personne ne s’y attende. Et l’onde de choc a submergé à peu près tout le monde, fan ou non. Disney sait alors que l’on marche sur des œufs, un peu comme la franchise Fast & Furious a dû gérer la perte de Paul Walker en 2013.

Quand on se rend en salle pour voir le film se pose alors la question : Comment Wakanda Forever allait pallier à la perte de son héros central ? On se doutait que le film serait un hommage, autant à T’Challa qu’à Boseman. On ne s’attendait pas à en être à ce point bouleversé.

Mais est-ce suffisant ? Éléments de réponse, avec, pardon d’avance, quelques spoilers.

Une déclaration d’amour

Il faut reconnaître une chose, d’office : le film est une vraie ode à l’acteur et à son personnage. Le début et sa fin sont déchirants. Disons les termes : l’auteur de ces lignes a versé des larmes à plus d’une reprise. Car si le film s’ouvre sur le décès du héros — qu’on ne voit jamais à l’écran, excepté en peinture sur un mur —, il est très rapidement question de la gestion de l’après. Gérer le deuil, la souffrance. Gérer la succession, et tout ce que cela implique.

D’emblée, il ne peut plus y avoir de nouveau Black Panther puisque souvenez-vous, à la fin du premier film, Killmonger (Michael B. Jordan) brûle toutes les herbes-cœur, avec lesquelles on fait le sérum donnant leurs pouvoirs aux panthères. Cela va donc bien de paire avec le fait qu’il n’y aura plus de super-héros wakandais — mais des héros. Tout le film se déroule avec des personnages qui n’ont, pour la grande majorité, pas de pouvoir. Des costumes à la limite, une super-technologie, mais c’est tout.

Évidemment, sur la fin, l’équation devra changer. Mais de fait, pendant plus de deux heures, le manque de T’Challa/Boseman se fait ressentir. Sans être lourd, et avec respect de l’héritage laissé, toujours. Cela permet autre chose : mettre en avant les personnages secondaires du premier volet, féminins en l’occurrence — Shuri, Okoye, la reine Ramonda et Nakia.

Le problème, c’est qu’autour de cet hommage, l’intrigue n’est pas spécialement marquante — voire redondante.

On prend la même recette et on recommence

Toute l’intrigue se résume par : l’Occident veut récupérer du vibranium, ne supportant pas qu’un pays Africain ait le monopole sur cette ressource rare. Mais en creusant au fin fond de l’océan, après avoir trouvé une autre source en dehors du Wakanda, un peuple vivant sous l’eau façon Atlantide se réveille et veut affronter les humains de la surface cherchant à exploiter et voler le vibranium.

Vous l’aurez compris, Namor, le chef des êtres aquatiques, est le nouveau Killmonger. Un antihéros qui, bien que sympathique, incarne le pendant “trop violent” de la résistance face à l’oppresseur. On reprend la recette du premier (T’Challa en Martin Luther King et Killmonger en Malcolm X), et on recommence. D’autant plus que l’histoire de cette cité, Taloka, et de son régent, est celle d’une colonisation révoltante. Le parallèle est plus qu’évident.

À la différence près que là où Black Panther était la voix de la sagesse, Shuri est celle de la colère. Elle s’en veut de n’avoir pas réussi à sauver son frère, se reconnaît un peu dans le discours de la voix dissidente. Pas au point de se tourner entièrement contre son peuple, ou en tout cas contre la reine, bien évidemment. Dans le premier volet au moins, la piste évoquée par le méchant amenait à une prise de conscience dans la tête de tous. Elle avait une répercussion. Ici, à part Shuri, personne n’a idée de ce qu’ont vécu les Talokans. Tout cela semble donc un peu vain.

Outre cette répétition franchement décevante, il y a aussi de gros problèmes d’écriture dans le film. On ne comprend qu’à moitié pourquoi Namor se tourne contre le Wakanda, et le drame de mi-récit n’arrive en rien à émouvoir autant que celui impactant T’Challa. L’arrivée d’Iron Heart tombe comme un cheveu sur la soupe (et la séquence où l’on va la sauver est bien trop longue et peu intéressante), ne servant qu’à nourrir le bestiaire du MCU.

Enfin, la conclusion où Black Panther revient casse la dynamique pas inintéressante lancée auparavant, qui pouvait interroger sur la place des super-héros dans un univers où, avec un peu d’argent, de savoir-faire ou de matériel, tout le monde peut en devenir un.

Alors oui, c’est visuellement un peu plus réussi que le premier : on a encore un souvenir traumatique de la séquence de fin avec le train, même si tous les fonds verts sont loin d’être réussi et qu’on remarque les bouillies numériques à de nombreuses reprises. Le monde du Wakanda est plus exploré. Les décors et les costumes sont assez splendides, surtout pour Namor et sa clique. La musique de Göransson est, comme toujours, superbe — notamment les thèmes liés à Namor justement. Tout ce qui entoure les différentes mythologies donne du corps à ce scénario tantôt malin tantôt lourdingue. Mais ça ne suffit pas.

Malgré tout ces défauts, on est émus. Parce que la sobriété des scènes célébrant le héros décédé, et son acteur au passage, est pile au bon endroit. Ni trop opportuniste, ni trop pudique. La fin nous a également terrassés, avec le générique le plus sobre et le plus beau de tout le MCU, et une scène post-générique qui n’en est pas vraiment une. C’est dommage que derrière tout ça, la recette ait un certain goût de déjà-vu, et en moins bien.