On a fait un tour chez Music Please Record, mythique disquaire parisien où le streaming n’a pas son mot à dire

On a fait un tour chez Music Please Record, mythique disquaire parisien où le streaming n’a pas son mot à dire

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© Inès Richardson

"Il n’y a qu’une seule langue commune à toute l’humanité, c’est l’émotion liée à la musique."

Chaque mois, nous vous recommandons un disquaire, ainsi que ses spécificités, tout en vous chinant deux, trois vinyles. Direction la boutique de vinyles Music Please, cachée dans les petites ruelles du 10e arrondissement de Paris. L’occasion de discuter avec le gérant, Slimène, disquaire depuis seize ans déjà, afin de vous présenter sa caverne d’Ali Baba de la musique.

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  • Qu’est-ce qui t’a donné l’envie d’être disquaire ?

C’était une évidence. Je ne pense pas qu’on décide de devenir disquaire comme on peut se dire “j’aimerais devenir Mbappé plus tard”. On y arrive par des chemins de vie. Un jour, je me suis dit que, voilà, j’ai des diplômes, mais je ne trouve pas de taf, je suis bon en commerce, je m’y connais un peu en musique et j’aime continuer à entretenir ma curiosité. C’est un choix de vie, tu ne te dis pas “je veux devenir disquaire pour gagner de l’oseille”. C’est un métier de passion très spécifique. Ce sont des connaissances que tu accumules, il n’y a pas de formation académique pour ça.

Je ne sais pas si le mot “disquaire” est adéquat, peut-être “conservateur” ou “curator” comme disent les Américains quand ils passent à la boutique. Ce qui me plaît, ce sont les connaissances qu’on enregistre, outre le fait d’être disquaire. On entretient un lieu. Je ne m’étais pas intéressé proprement au métier qui est très stéréotypé, genre celui qu’on trouve dans Vernon Subutex de Virginie Despentes. Et puis, c’est comme de l’archéologie, les disques, c’est une recherche constante et partout. C’est plus ça qui m’a amené à choisir ce métier.

  • Comment est née la boutique ?

J’ai ouvert il y a seize ans, le loyer n’était pas encore trop cher à Paris. J’ai tenté sans prendre trop de risques, j’ai appris à gérer une boutique sur le tas. Un matin, j’ai décidé d’aller visiter des locaux et j’ai tout de suite trouvé. Le quartier n’était pas du tout le même : les immeubles étaient délabrés, la rue ressemblait à une décharge à ciel ouvert, ça n’a rien à voir avec aujourd’hui. Le pire, c’était le grec à l’angle qui déchargeait son huile de cuisson devant la boutique. Aujourd’hui, je suis un des seuls à être resté dans le quartier.

  • Comment tu t’es fait connaître ?

Au fur et à mesure. À l’époque, c’était surtout du bouche-à-oreille. Après il y a aussi eu un truc qui a fait décoller le secteur, c’est le revival du vinyle. Ce qui l’a sauvé, c’est la culture DJ qui a permis aux vinyles de vivre, ce ne sont pas les collectionneurs. Des DJ qui venaient m’acheter des vinyles, il y en avait moins qu’aujourd’hui, donc au début j’ai beaucoup galéré. Il n’y avait pas Internet contrairement à aujourd’hui où, grâce aux réseaux sociaux, c’est gratuit de se faire connaître.

  • Qu’est-ce qui fait ta singularité ?

La boutique est divisée en deux : la partie pour gagner ma vie et mon home studio. C’est rare de trouver ça dans un local de disques. Ce que je cherche, ce sont des enregistrements, des influences, des samples, c’est ça qui m’a amené à chercher des disques. La Fnac, ce n’est pas la même chose. Je vends tous les genres et, en particulier, j’ai beaucoup de disques d’époque. Mais oui, il n’y a pas de genre meilleur qu’un autre, il n’y a que de la bonne musique, c’est Duke Ellington qui le dit [rires].

Ici, il n’y a pas beaucoup de place, mais tout est trié, et les gens apprécient le fait que je connaisse ce que je vends. Je pense que c’est pour ça que ça fait seize ans que je suis là, puisqu’en indépendant, il faut tenir. C’est intéressant, un magasin de disques, parce que c’est un sacré observatoire des comportements. Les gens du monde entier viennent ici. 50 % de ma clientèle, ce sont les touristes. Le truc en plus, c’est qu’on discute avec des Vénézuéliens, des Chinois, des Américains. C’est comme une fenêtre ouverte sur le monde.

Dans ma culture, c’est important de bien recevoir les gens. C’est cool de discuter avec eux et de voir qu’ils viennent dans cette petite rue parisienne pour la boutique. Il n’y a qu’une seule langue commune à toute l’humanité, c’est l’émotion liée à la musique. On continue tout le temps à découvrir.

Un record store authentique aux millions de références où chacun peut trouver son bonheur. Rendez-vous au 5, rue Jean et Marie Moinon à Paris.