Mais pourquoi diable Vincent van Gogh avait-il une obsession pour… les tournesols ?!

Mais pourquoi diable Vincent van Gogh avait-il une obsession pour… les tournesols ?!

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© Vincent van Gogh/Van Gogh Museum, Amsterdam/Vincent van Gogh Foundation/National Gallery, Londres

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Par Donnia Ghezlane-Lala

Publié le

On vous raconte l’histoire derrière ces œuvres récurrentes qui ont accompagné de leur lumière la dernière décennie qu’il lui restait à vivre.

Il en a peint, des Tournesols et des Tournesols, ces fleurs typiques du Sud arlésien qu’il aimait fréquenter. Au-delà d’une fascination, Vincent van Gogh nourrissait une grande obsession pour ces soleils floraux, et on s’est demandé pourquoi. Retour, donc, sur ces œuvres récurrentes qui ont accompagné de leur lumière la dernière décennie qu’il lui restait à vivre.

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C’est à Paris, en 1887, et non dans les champs de la Camargue comme on pourrait le croire, que Van Gogh a réalisé sa première série de Tournesols – même s’il avait déjà peint, plus jeune aux Pays-Bas, ce motif. Il signera une seconde et ultime série un an après, à Arles, cette fois. La première série représente ces fleurs posées sur une table et la dernière, des bouquets sauvages élégamment arrangés dans des vases.

Au moment où il a débuté sa première série, le peintre néerlandais vivait avec son frère Théo, marchand d’art à Paris ; ils y ont vécu ensemble de 1886 à 1888. Dans Correspondance générale, aux éditions Gallimard, une lettre à son frère, datée d’août 1888, révèle l’origine de cette fascination : “À côté de ton magasin, dans le restaurant, tu sais bien qu’il y a une si belle décoration de fleurs là, je me rappelle toujours le grand tournesol dans la vitrine.” Le “magasin” est en réalité un restaurant de la chaîne Duval, renommé Le Soleil dix ans après sa mort. Il était situé au 21 boulevard Montmartre, à deux pas de la galerie Boussod et Valadon, connue sous le nom de Goupil & Cie à l’époque, où Théo travaillait comme directeur.

“Je suis en train de peindre avec l’entrain d’un Marseillais”

En s’installant dans le Sud français, contrée des tournesols, c’est comme s’il avait recherché cette vision qui l’avait tant marqué. “Je suis en train de peindre avec l’entrain d’un Marseillais mangeant la bouillabaisse ce qui ne t’étonnera pas lorsqu’il s’agit de peindre des grands Tournesols. […] Si Jeannin a la pivoine, Quost la rose trémière, moi, avant les autres, j’ai pris le tournesol“, confiait-il avec joie à Théo. Vincent van Gogh vivait au rythme du cycle de vie de ces tournesols, respirait leurs formes, humait leurs couleurs, “les trois jaunes de chrome, l’ocre jaune et le vert Véronèse et rien d’autre”. Si ses modèles fanaient, il se contentait de revenir à des répétitions des précédentes toiles.

Vincent van Gogh, Nature morte : Vase avec quatorze tournesols, Arles, 1888, National Gallery, Londres. (© Van Gogh Museum, Amsterdam/Vincent van Gogh Foundation)

Il pensait à les associer à d’autres de ses emblématiques toiles pour créer des triptyques mais son idée initiale était de simplement décorer son atelier avant l’arrivée d’un tout nouveau colocataire : Paul Gauguin. “Dans l’espoir de vivre dans un atelier à nous avec Gauguin je voudrais faire une décoration pour l’atelier. Rien que des grands Tournesols. […] Enfin si j’exécute ce plan il y aura une douzaine de panneaux. Le tout sera une symphonie en bleu et jaune donc. J’y travaille tous ces matins à partir du lever du soleil. Car les fleurs se fanent vite et il s’agit de faire l’ensemble d’un trait.” Gauguin est tombé amoureux de ces toiles et voudra en acheter une. Ce dernier exposera deux toiles de tournesols au-dessus de son lit et créera le célèbre tableau Van Gogh peignant des tournesols.

Enchères, secrets, vandalisme et guerre

Aujourd’hui exposées pour la plupart dans les collections du musée Van Gogh d’Amsterdam, ces natures mortes ont permis au peintre d’aller plus loin dans la maîtrise de ses couleurs et ont peut-être joué un rôle dans sa santé mentale de plus en plus troublée, à mesure que sa dernière décennie s’entamait. Sûrement, ces couleurs lumineuses et ces soleils de la nature lui apportaient un espoir, une sérénité.

Le premier tableau vendu, en 1891, a été acheté pour 300 francs de l’époque. Plus tard, en 1987, un tableau (dont l’authenticité a été remise en question dix ans plus tard) partait pour 40,8 millions d’euros dans les bras d’un riche collectionneur japonais. En 2014, le musée Van Gogh d’Amsterdam a réalisé une radiographie aux rayons X d’une de ses versions pour en révéler tous les secrets. On apprit que cette toile fragile a été peinte avec vigueur, et que l’artiste appliquait d’épaisses couches de peinture sur les pétales et têtes.

En 1945, les bombardements des États-Unis sur le Japon détruisirent une des versions exposée dans la ville d’Ashiya. En 1922, le cadre extrêmement lourd de ce tableau à jamais perdu a rompu lors d’une exposition, abîmant le bas du tableau, sans affecter la peinture pour autant. Suite à cet incident, le tableau ne pouvait plus être déplacé et exposé, et a donc péri lors de la guerre, dans un incendie, des années plus tard.

Plus récemment, ses Tournesols ont été aspergés de soupe à la tomate par les écologistes de Just Stop Oil, à la National Gallery de Londres. Les activistes ont ensuite collé leurs mains. “Qu’est-ce qui importe le plus ? L’art ou la vie ? […] Êtes-vous plus concernés par la protection d’une œuvre d’art que par la préservation de notre planète et de ses habitants ?”, ont justifié les activistes dans une vidéo. Estimée à plus de 84 millions de dollars, la peinture protégée par une vitre n’a pas été endommagée. Seul le cadre a fait état de “dégâts mineurs”. Aujourd’hui, l’influence des Tournesols se retrouve un peu partout, et inspire jusqu’aux tableaux de “toile florale” figurant dans Animal Crossing: New Horizon.