À Londres, vous pouvez regarder Casino… dans un casino

À Londres, vous pouvez regarder Casino… dans un casino

L’entreprise londonienne Feed Me Films propose des séances de cinéma en immersion dans l’univers des films. Reportage en costard, un cocktail à la main dans un casino pour la projection de… Casino. 

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Il n’existe que deux manières de regarder un film. Soit vous ne vous prenez pas la tête, quitte à discuter du repas du soir au beau milieu d’une scène importante, soit vous vous impliquez vraiment. Dans ce cas-là, c’est comme quand vous vous plongez dans un bon bouquin, vous voulez ressentir l’expérience au plus profond de vous-même, vous êtes complètement pris par le film, et vous êtes tellement en immersion dans son univers que vous en oubliez votre travail, votre vie et le dîner.

Les vrais fans de cinéma sont souvent dans cet état d’esprit. Ils craignent plus les spoilers que la mort, ils ne supportent pas la lumière, ils enverraient bien en prison ceux qui osent ouvrir la bouche pendant un film et ils aiment la sensation de ne plus savoir où ils se trouvent une fois le générique de fin terminé.

Ils adorent avoir l’impression qu’ils sont vraiment dans le film. Bien sûr, c’est impossible, mais ils ont rêvé d’aller dans l’espace après avoir regardé Interstellar ou Seul sur Mars. Ils ont eu envie de s’inscrire à Poudlard après avoir vu Harry Potter. Et ils aimeraient être dans un casino pour regarder Casino de Martin Scorsese. Ça, en revanche, c’est désormais possible grâce à l’organisation Feed Me Films.

Immersion totale 

Juste avant la Saint-Valentin, les dirigeants de Feed Me Films, qui avaient déjà projeté The Big Lebowski dans un centre de bowling, se sont coupés en quatre pour faire plaisir aux excentriques amateurs de gangsters.

Cette séance de cinéma améliorée a été organisée à l’Hippodrome, temple du jeu construit en 1900 qui a vu défiler dans le passé des célébrités comme Charlie Chaplin, Audrey Hepburn, Frank Sinatra et probablement une brochette de vrais truands.

À l’entrée, un videur taciturne probablement originaire de l’Europe de l’Est accueille les visiteurs, qui ne ressemblent en rien aux touristes en anorak trempés par la pluie. Un membre du personnel nous sert un verre et immédiatement, on se sent un peu comme Ray Liotta dans Les Affranchis.

Tout le monde est habillé pour l’occasion. Sur un podium, un pianiste joue discrètement un morceau qui donne l’impression de se retrouver dans une scène classique de restaurant dans un film de Scorsese. Au moment où le film commence, les bruits des couteaux qui découpent les steaks juteux dans les assiettes et des verres de cocktails qui s’entrechoquent donnent encore plus d’effet au génrique, chef-d’œuvre graphique de Saul Bass. Tout le monde devrait regarder des films de gangsters en mangeant un steak saignant ou une bonne assiette de pâtes italiennes.

Entre réalité et fiction 

Captivés par la vie de Sam “Ace” Rothstein, on oublie presque où on se trouve jusqu’à ce que le serveuse, discrète, vienne nous resservir du vin. La lumière tamisée qui annonce l’entracte, nécessaire – Casino dure 178 minutes –, nous ramène doucement à la réalité.

C’est le meilleur moment. Quand vous sortez de la salle de projection, en marchant sur un tapis aux motifs presque indécents, le cliquetis des machines à sous prolonge l’atmosphère du film. Le seul problème, c’est que la version 2016 de l’Hippodrome est assez éloignée des casinos de Las Vegas des années 1970.

Il y a quelques décennies, les casinos étaient des endroits distingués, où les plus grandes stars venaient chanter et faire la fête, vêtues de leurs plus belles tenues. Aujourd’hui, ils sont devenus le repaire des accros aux machines à sous et des touristes d’Asie du Sud qui viennent tenter de remporter la mise.

“Aujourd’hui, ça ressemble à Disneyland”

En 1995, l’année où Casino est sorti, Martin Scorsese avait déjà observé ce phénomène. Le dernière tirade du personnage de Robert De Niro est prophétique :

“La ville ne sera plus jamais la même. Après l’hôtel-casino Tangiers, les grosses entreprises vont tout prendre. Aujourd’hui, ça ressemble à Disneyland. Et pendant que les enfants jouent aux pirates, maman et papa dépensent l’argent de leur hypothèque et des frais scolaires dans des parties de poker.

Autrefois, les trafiquants connaissaient votre nom, ce que vous buviez, les jeux que vous aimiez. Aujourd’hui, c’est comme si vous vous enregistriez à l’aéroport. Et si vous passez commande auprès du room service, vous avez de la chance s’il arrive avant jeudi. Aujourd’hui, tout est parti.”

À la fin du film, on vous emmène au sous-sol pour vous apprendre à jouer. Entouré de mecs portant des costards dignes des années 1970 et d’un personnel attentionné, qui vous donne l’impression que vous êtes quelqu’un d’important, vous en arrivez presque à croire que le trafiquant sait ce que vous buvez.

Mieux qu’une simple projection dans une salle obscure, Feed Me Films parvient à restaurer une ère disparue et donne presque la sensation que le film est une réalité. En projetant les films dans leur contexte, l’entreprise passe au niveau supérieur, car avec eux faire semblant est plus facile, l’illusion est plus convaincante.

Vous pouvez faire semblant d’être un vrai gangster de Las Vegas des années 1970. Il faut juste éviter de tirer sur tout le monde et surtout, ne pas mettre les pieds sur la table.

Pour ceux qui sont à Londres, sachez que vous pourrez à nouveau regarder Casino dans un casino le 27 février, puis à d’autres dates en mars. Il suffit de réserver ici.

Traduit de l’anglais par Hélaine Lefrançois