L’incroyable histoire d’Elizabeth Thompson, peintre de guerre qui a inspiré un drag show

Drag, guerre et anti-impérialisme

L’incroyable histoire d’Elizabeth Thompson, peintre de guerre qui a inspiré un drag show

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© Elizabeth Southerden Thompson/The Royal Collection Trust

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Par Lise Lanot

Publié le

80 ans après la mort de la peintre, ses œuvres, ses transgressions et son fort caractère sont mis à l’honneur dans une pièce aux allures de drag show.

Célébrée de son vivant, oubliée après sa mort, la peintre Elizabeth Southerden Thompson fait aujourd’hui l’objet de Modest, une pièce de théâtre aux inspirations drag. Écrite par la dramaturge Ellen Brammar, la pièce est jouée par “certains des plus grands talents du drag britannique” et mélange “le music-hall, le théâtre et des drag-kings”, souligne la compagnie qui produit l’œuvre.

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Modest vise à redonner ses gallons à une artiste britannique qui a rayonné entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle tout en subissant le sexisme de son époque. Bien que – classe ultime – la reine Victoria ait acheté une de ses œuvres (The Roll Call, une scène montrant des soldats blessés et fatigués après une bataille), la postérité d’Elizabeth Southerden Thompson n’a fait que décliner après sa mort.

Modest. (© Photo : Jessica Zschorn)

Peut-être son nom aurait-il pu davantage traverser les époques si elle avait été élue membre de la Royal Academy en 1879. Malheureusement, elle ne deviendra pas la première femme à intégrer la prestigieuse institution à cause de deux voix manquantes de la part de ses collègues masculins. La première femme membre associée de l’Académie, Annie Swynnerton, ne sera élue qu’en 1922, la première membre totale, Laura Knight, en 1936.

Il semblerait que ce pour quoi elle était admirée ait également causé sa perte de succès. La peintre s’était fait une spécialité de montrer des scènes de guerre, mais plutôt que de montrer de sanglantes scènes de combat, elle préférait montrer les moments de calme, l’après, lorsque les corps sont relâchés et expriment toute la fatigue, la peur, l’incertitude des soldats.

Longtemps, la sincérité émanant de ses peintures a ému le public de l’artiste, rapporte The Guardian. Rare femme à représenter des scènes de guerre, on raconte qu’elle pouvait difficilement entrer en compétition avec ses homologues masculins qui avaient le droit de voir les batailles en vrai avant de les peindre, tandis qu’on lui en interdisait l’accès et qu’elle ne pouvait s’inspirer que de comptes-rendus.

Elizabeth Southerden Thompson, The Roll Call, 1874. (© The Royal Collection Trust)

Un sacré personnage

80 ans après sa mort, le nom de la peintre retrouve la lumière grâce à cette pièce qui met l’accent sur les transgressions qu’elle se permettait et les différences entre ses personnages public (doux, presque effacé) et privé (“résolument arrogante et confiante”).“Elle transgressait les genres et les attentes des femmes de l’époque”, décrit le cometteur en scène de la pièce, Luke Skilbeck. L’artiste s’est également fait connaître pour ses positions anti-impérialistes, venues plutôt vers la fin de sa vie.

Une des interrogations de la mise en scène résidait dans la représentation de ces artistes hommes qui entouraient Elizabeth Thompson et “lui refusaient une place à leur table”. Pour “bouleverser un peu les choses”, ce sont donc des drag-kings qui jouent les compétiteurs de l’artiste. “Si c’était des hommes qui disaient les choses qu’ils disaient à l’époque, ce serait dégueulasse”, élabore Ellen Brammar. L’objectif principal reste de remettre en lumière le travail de l’artiste sans pour autant faire d’elle un étendard queer ou féministe puisque, Luke Skilbeck le confie au Guardian : “Je me demande parfois si elle aimerait ce qu’on fait de son histoire. Et en fait, je n’en suis pas sûr.”

Modest sera visible au théâtre Hull Truck du 23 au 27 mai 2023 avant de partir en tournée en Angleterre jusqu’au 15 juin 2023.