“L’Histoire est un organisme vivant” : 40 artistes mettent à jour l’histoire coloniale de l’Amérique latine

“L’Histoire est un organisme vivant” : 40 artistes mettent à jour l’histoire coloniale de l’Amérique latine

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© Las Yeguas del Apocalipsis/Pedro
Lemebel et Francisco Casas/Museum of Modern Art, New York/Pedro Montes

Les artistes se sont plongé·e·s "dans le passé afin de réparer des histoires de dépossession, de renouer avec des héritages culturels sous-évalués et de renforcer les liens".

À New York, le Museum of Modern Art (MoMA) propose une nouvelle lecture du passé colonial de l’Amérique latine à travers le regard d’artistes contemporain·e·s. Au total, 65 œuvres de 40 artistes de générations et de disciplines différentes mettent à jour l’histoire de la région racontée par des cartographes, des missionnaires, des scientifiques et des aventurier·ère·s.

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Peinture, photographie, sculpture ou vidéo, l’exposition “Chosen Memories” (“Souvenirs choisis”), qui court jusqu’au 9 septembre 2023, est une partie de la collection de la Vénézuélienne Patricia Phelps de Cisneros qui a fait don de 250 œuvres au musée de New York, pour 25 ans. En 2016, cette Vénézuélienne, l’une des plus grandes collectionneuses privées au monde, a créé un institut de recherche éponyme consacré à l’art latino-américain. Le MoMA possède plus de 5 000 œuvres d’art moderne et contemporain de cette région.

Dans cette exposition articulée autour de trois thématiques, les artistes proposent de nouvelles “lectures de l’histoire” des colonisations européennes en Amérique latine et de la revitalisation de son patrimoine culturel. Ainsi avec Looting, la Guatémaltèque Regina José Galindo a créé une œuvre avec les incrustations d’or qu’un dentiste a placées dans ses molaires et qui, après les avoir extraites à nouveau, sont restées comme “des empreintes de sa bouche qui fonctionnent comme de petites sculptures d’un musée archéologique imaginaire”. Comme une métaphore de la violence des économies d’extraction de matières premières.

Terra Nova, nom d’une carte publiée en Europe en 1541, sert de base à la Dominicaine Firelei Báez pour peindre une ciguapa, figure mythologique de son pays, voluptueuse et insaisissable qui, juxtaposée au schéma de la carte, “incarne les peurs et les désirs des conquérants européens” aux cultures inconnues.

L’Argentin Leandro Katz a utilisé les premières lithographies réalisées dans les années 1830 par les explorateurs John Lloyd Stephens et Frederick Catherwood, qui ont étudié la région maya qui occupe aujourd’hui le sud du Mexique, le Guatemala et le Honduras, pour reconstituer leurs expéditions. De son côté, le duo Las Yeguas del Apocalipsis (composé des Chiliens Pedro Mardones Lemebel, écrivain, et du poète Francisco Casas) présente sa version des Deux Frida dans une photographie impressionnante, faisant allusion à la peintre mexicaine Frida Kahlo.

“L’Histoire est un organisme vivant”

Les artistes se sont plongé·e·s “dans le passé afin de réparer des histoires de dépossession, de renouer avec des héritages culturels sous-évalués et de renforcer les liens de parenté et d’appartenance”, a résumé dans un communiqué la conservatrice d’art latino-américain du musée, l’Argentine Inés Katzenstein.

“Par exemple, les œuvres offrent un regard critique sur le colonialisme” européen. Pour la photographe brésilienne Rosângela Rennó, citée par le MoMA, “l’Histoire est un organisme vivant […] constamment relue et réévaluée”. Pour les organisateur·rice·s de “Chosen Memories”, les structures coloniales continuent de conditionner les systèmes de valeurs autour des cultures ancestrales, du travail et de la nature, car le “passé n’est jamais complètement passé” et “est champ fertile de possibilités pour le présent”.