Le clubbing berlinois sérieusement menacé par l’extension d’une autoroute

Bolide allemand (Techno remix)

Le clubbing berlinois sérieusement menacé par l’extension d’une autoroute

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(© A.L. / Unsplash)

Au moins 5 établissements de la capitale du clubbing sont menacés.

Immortalisée par le groupe de musique électronique Kraftwerk, l’“autobahn” allemande est aujourd’hui la bête noire de la scène techno berlinoise, en révolte contre un projet d’axe routier menaçant plusieurs clubs mythiques de la capitale. L’opposition au projet d’extension de l’autoroute A100, qui ceint une partie de Berlin, a réuni samedi des milliers de clubbeurs et militants écologistes, pour une manifestation en musique, sous la forme d’une rave-party urbaine.

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Le projet prévoit d’allonger cette artère de cinq kilomètres, depuis le parc de Treptow, traversant la rivière Spree jusqu’à Friedrichshain, un ancien quartier de l’Est devenu temple de la jeunesse branchée et des clubs électros. Sous sa forme actuelle, il menacerait au moins cinq lieux nocturnes de la capitale, selon la Commission des Clubs de Berlin, qui représente le secteur.

Parmi eux, des institutions, qui ont fait les grandes heures de l’histoire du clubbing berlinois. C’est le cas d’About Blank, une discothèque de style industriel à deux pas de la gare d’Ostkreuz, et de Renate, lieu de rencontre privilégié de la communauté LGBTQIA+, niché dans un immeuble d’appartements non rénovés. “Ces clubs ont été là ces 20 à 30 dernières années. […] Ce sont eux qui rendent Berlin célèbre et que les gens aiment”, déplore Lutz Leichsenring, porte-parole de la Commission des Clubs, auprès de l’AFP.

Culture club

Lors de la manifestation, des scènes ont été installées le long de l’extension prévue de l’“autobahn”, alors que plusieurs milliers de personnes brandissaient des pancartes, habillées en shorts et autres pantalons léopard. “Les clubs de ce quartier […] sont vraiment importants pour la culture de Berlin”, selon Adrian Schmidt, étudiant de 25 ans, au crop-top noir et collier de perles. “Ce sont des endroits où tout le monde peut s’exprimer librement”, ajoute-t-il.

Carole Canale, responsable marketing de 25 ans, a eu sa première expérience en club berlinois à About Blank et fréquente régulièrement les cinq lieux menacés. “C’est un endroit où les gens ont beaucoup de souvenirs […] ce serait vraiment triste si tout fermait”, soupire-t-elle.

La scène électro de Berlin a prospéré après la chute du mur en 1989, profitant de la profusion de bâtiments inutilisés et de terrains industriels partout dans la ville. Mais les discothèques ont connu des difficultés ces dernières années, entre pandémie de Covid-19, plaintes liées aux troubles de voisinage, augmentations de loyer et multiplication des projets immobiliers.

Eli Steffen, 37 ans, membre du collectif propriétaire d’About Blank, qualifie l’extension prévue de l’A100 de “non-sens”. “Nous sommes déterminés à résister et nous croyons qu’il vaut la peine de se battre pour une ville conviviale, respectueuse du climat, pleine de couleur et diverse”, assure-t-elle.

La branche allemande du mouvement écologiste Fridays For Future a également rejoint la protestation, exprimant ses préoccupations pour l’environnement. “La construction de l’A100 doit absolument être arrêtée […] parce que les autoroutes sont un facteur majeur de la crise climatique”, déplore Clara Duvigneau, 21 ans, porte-parole du groupe.

Augmentation des flux de circulation

Mais en dehors de la bulle berlinoise, les avis sont plus nuancés, alors que le pays s’est lancé ces dernières années dans de vastes travaux de rénovation et d’extension de son réseau routier vieillissant. Selon un récent sondage du journal Die Welt, 62 % des Allemands sont favorables à ces projets d’infrastructure, et seuls 33 % estiment qu’ils doivent être arrêtés pour des raisons climatiques.

L’extension de l’A100 a été approuvée pour la première fois en 2016 sous Angela Merkel. La coalition actuelle, dirigée par le social-démocrate Olaf Scholz, s’est engagée à poursuivre cette politique. D’autant que le ministère des Transports est dirigé par le parti libéral FDP, traditionnellement favorable à l’automobile malgré les tensions avec les écologistes, troisième partenaire de la coalition. Ces travaux sont “nécessaires pour pouvoir gérer et satisfaire l’augmentation des flux de circulation à l’avenir”, défend le ministère. Le gouvernement a toutefois promis qu’il réexaminerait au besoin certains chantiers au vu de leur impact environnemental. Le projet d’A100 ne devrait pas non plus mobiliser d’opposition politique à Berlin, qui a élu en début d’année un maire conservateur, Kai Wegner, pour la première fois depuis 20 ans. Ce dernier s’est déclaré favorable à la prolongation.