La folle histoire cachée d’Eminem avant qu’il ne devienne Eminem

La folle histoire cachée d’Eminem avant qu’il ne devienne Eminem

photo de profil

Par Jérémie Léger

Publié le

Juré, si vous connaissez cette histoire, c’est qu’Eminem n’a plus aucun secret pour vous.

Bientôt 30 ans après ses débuts dans le game, tout a déjà été dit sur Eminem. Sans parler des milliers d’articles de presse publiés à son sujet, les Stans n’ont pas perdu de temps pour scruter tous ses textes à la loupe et décortiquer l’intégralité de ses rimes au microscope. De nos jours, l’aura du rappeur de Détroit est telle qu’il apparaît presque impossible de découvrir de nouvelles choses à son sujet. J’ai dit presque, car aujourd’hui, on prend le pari de vous apprendre quelque chose que vous ignorez au sujet du rappeur le plus populaire de tous les temps.

À voir aussi sur Konbini

Comme chacun sait, Marshall Mathers a toujours mis un point d’honneur à raconter son histoire sans artifices. Disons-le, transmettre son héritage a toujours été au cœur de sa démarche artistique. Mais aussi authentique soit-il, Eminem est loin de nous avoir tout dit sur ses débuts dans le rap. L’histoire officielle affirme que la carrière d’Em a commencé en 1996, à la sortie de son premier album Infinite. Si je vous disais qu’en vérité, il rappait déjà depuis presque dix ans avec un groupe local nommé Bassmint Productions (renommé rapidement Soul Intent) ? À cette époque, Marshall Bruce Mathers III a tout juste 17 ans et est encore loin de s’appeler Eminem.

Il était une fois Bassmint Productions/Soul Intent

Retour en 1988 : il y a 35 ans, Eminem s’appelle encore MC Double M et forme son premier groupe, New Jacks, aux côtés de son pote de Détroit DJ Buttafingaz. Ensemble, ils enregistrent une première démo du nom de leur groupe et, l’année suivante, rejoignent le label créé par les frères Mark et Jeff Bass, Bassmint Productions. Dans cette écurie, Marshall fera la connaissance d’un autre groupe, Hype-n-Effect, dont fait partie Manix, le frère jumeau de DJ Buttafingaz.

À la fin de l’automne 1989, les deux groupes se dissolvent pour ne former plus qu’une seule formation nommée Bassmint Productions. Sous cette étiquette, ils donneront quelques concerts et sortiront même plusieurs projets : l’album Under New Management / Cold Room On This Defin Tape (1990) ainsi que les EP The Most Suckerish (1990), Steppin’ on to the Scene (1990) et Still in the Bassmint (1992). À noter par ailleurs que la même année, MC Double M (renommé entre-temps M&M) a sorti sa première démo de morceau solo.

Photo rare d’Eminem prise en 1991 avec Manix, DJ Buttafingaz et Chaos Kids, les trois autres membres fondateurs de son groupe Soul Intent.

Toujours en 1992, le groupe Bassmint Productions changera de nom et deviendra Soul Intent, afin de ne pas créer la confusion avec la structure mère des frères Bass. À ce moment-là, le groupe de Détroit est au complet et se compose alors de sept membres : M&M, Manix, DJ Buttafingaz et Chaos Kid, mais aussi DJ Stezo, Vitamin C et Maximum qui les ont rejoints. Si ce dernier blase ne vous dit rien à première vue, celui qui se cache derrière n’est autre que Proof, le meilleur ami d’Eminem.

Forts de leur dalle insatiable, les membres de Soul Intent deviendront les chouchous de Lisa Lisa, une DJ et animatrice radio bien connue de Détroit. Grâce à elle, ils seront stars des sessions open mic de la radio locale 96.3 WHYT pendant trois ans. C’est justement de ces sessions radio que sont issus les morceaux “Fuckin’ Backstabber” et “Biterphobia”, ces titres qui composent l’ultime projet du groupe, l’EP du nom du groupe, Soul Intent, publié uniquement au format cassette en 1995. À noter que Chaos Kid n’est présent sur aucune des deux chansons, officiant désormais avec son propre groupe, The Some of Wizdum. Le seul autre rappeur convié sur cet EP est Proof (Maximum).

Après quatre ans de bons et loyaux services auprès de Bassmint Productions, le groupe Soul Intent va finalement se séparer. À partir de là, Eminem débutera sa carrière solo et formera le groupe D12 avec Proof, Bizarre, Kuniva, Kon Artis et Bugz, d’autres rappeurs de Détroit. En d’autres termes, c’est la fin d’une ère et le début d’une autre, mais si vous êtes nostalgique des véritables premiers pas d’Eminem dans le rap, sachez qu’en 2020, DJ Buttafingaz a mis en ligne plusieurs morceaux inédits de Soul Intent sur sa chaîne YouTube, en souvenir d’une époque révolue.

La face cachée d’Eminem

Qu’on se le dise, rassembler et recouper ces informations a été pour nous un véritable travail de Titan, pour la simple et bonne raison qu’il est aujourd’hui difficile de trouver des traces claires et des témoignages fiables de cette époque sur la Toile. Or, s’il existe si peu de ressources au sujet de Bassmint Productions et Soul Intent, en dépit de la notoriété d’Eminem, c’est tout simplement parce que le rappeur ne s’est que très peu exprimé publiquement sur cette période pourtant clé de sa carrière. Il en a d’ailleurs si peu parlé qu’on en arrive à se demander s’il n’a pas tout simplement voulu nous la cacher.

Que ce soit dans des livres, films, documentaires, mais surtout à travers sa musique, Em n’a jamais manqué une occasion de se livrer à cœur ouvert. De son enfance chaotique à sa lutte contre la dépression et les addictions après la mort de Proof, en passant par sa relation tumultueuse avec Kim, il a toujours su parler des moments les plus sombres de son existence sans aucun tabou. Pourquoi diable a-t-il si peu évoqué ses véritables débuts dans le rap ?

Bien entendu, il n’existe pas de réponse fiable à cette question. Pour autant, quelques hypothèses ont d’ores et déjà été formulées. L’une d’entre elles est développée dans le documentaire The Untold Story of Detroit Hip-Hop réalisé par Brian Harmon, aka Champtown, et complétée par un utilisateur reddit. Elle appuie l’idée qu’Eminem serait indirectement responsable du suicide de l’un des membres de son ancien groupe.

Oui, Chaos Kid s’est donné la mort le 28 septembre 2011 après avoir lutté pendant des années contre la dépression et d’autres lourds problèmes de santé mentale. Or, selon cette théorie, Eminem aurait joué un rôle bien malgré lui dans la descente aux enfers de son ancien ami. En effet, dans des lettres écrites de son vivant et depuis rendues publiques, le membre fondateur du groupe Hype-n-Effect accusait Marshall de ne jamais avoir gardé contact avec ses anciens potes de Bassmint Productions après qu’il a connu le succès. Il lui reprochait également de n’avoir jamais répondu à ses correspondances. Ils étaient amis et avaient commencé à rapper ensemble : après tout, il lui devait bien ça.

Sauf que l’histoire est un peu plus complexe que ça : lors du célèbre clash qui opposa Eminem et Benzino en 2003, Chaos Kid, apparemment frustré que son ancien ami ne lui fasse pas plus que ça profiter de sa réussite, aurait donné du grain à moudre au magnat des médias et rédacteur en chef du magazine hip-hop The Source. Alors que le paternel de Coi Leray cherchait à tout prix à déterrer des squelettes du passé d’Eminem pour le décrédibiliser, il avait trouvé l’intermédiaire parfait.

Le pauvre Chaos Kid était déjà rongé par la colère, la folie et la maladie et lui aurait, intentionnellement ou non, donné les infos compromettantes qu’il cherchait. On parle ici des morceaux “Foolish Pride” et “So Many Styles”, deux titres enregistrés en 1990 que Benzino avait fait fuiter dans le but de faire passer Eminem pour un raciste.

Chargement du twitt...

Le rappeur de Détroit avait d’ailleurs répondu à ces accusations lors d’une conférence de presse : “Ces morceaux sont le fruit de la colère, de la stupidité et de la frustration qui m’animait quand j’étais ado. Je venais de rompre avec ma petite amie, qui était afro-américaine, et j’ai réagi comme le gamin en colère et stupide que j’étais. J’espère que les gens le prendront pour la folie que c’était, et non pas pour ce que quelqu’un essaie d’en faire aujourd’hui”.

Bien qu’Eminem n’ait pas manqué de remettre Benzino à sa place au travers certaines des diss tracks les plus mémorables de l’histoire du rap US, il n’a en tout cas jamais explicitement évoqué, ni pointé du doigt la responsabilité de son ancien ami dans cette affaire. Qu’en est-il en vérité ? Nous n’aurons sans doute jamais le fin mot de cette histoire, mais une chose est sûre : si le rappeur nous donnait l’occasion de lui poser n’importe quelle question tout en promettant qu’il y répondrait sans détour, celle-ci serait “Mais que s’est-il réellement passé avec Chaos Kid ?”.