Adoubée par Harry Styles sur les réseaux sociaux, catapultée au sommet des (meilleures) playlists Spotify, la jeune protégée du mégaproducteur Mark Ronson est une bombe à retardement prête à exploser. On l’a rencontrée.
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“I love it when we play 1950”, énonce la voix suave de King Princess dans son premier tube, judicieusement intitulé “1950”. Des paroles en apparence simplistes, qui pourtant font une subtile référence aux relations homosexuelles qui se devaient de rester cachées dans les fifties, reprises par Harry Styles dans un tweet cryptique. Ce coup de pouce inopiné de l’ex-leader des One Direction octroie à la jeune musicienne new-yorkaise un intérêt soudain du grand public. À une vitesse fulgurante, son titre inaugural se hisse en tête des tops des plateformes de streaming, Spotify en particulier, et fait inévitablement sensation.
Derrière le pseudonyme royal de King Princess, on retrouve Mikaela Straus, 19 ans, pur produit made in Brooklyn. Avec un père ingénieur du son qui la pousse vers le domaine musical, elle élit domicile sur la West Coast, avec l’idée d’entreprendre des études de musique à l’université de Californie du Sud. “J’y ai fait une année et ensuite j’ai abandonné, nous confie-t-elle. Ce n’était pas fait pour moi parce que j’avais envie de bosser sur ma musique à temps plein.” Pari tenu, comme en atteste son premier EP, Make My Bed, tout juste disponible, où elle fait l’étalage de toute l’étendue de son talent.
“Je joue de tous les instruments qui sont sur mon disque, précise King Princess. Je joue de la basse, de la guitare, du piano, de la batterie. C’est la partie que je préfère.” Pas de doute, cette brune, plus lumineuse que ténébreuse, n’est pas du genre à se faire mâcher le travail, bien au contraire. En plus d’être en charge des instrus, Mikaela produit ses propres morceaux et en rédige les paroles, ponctuellement épaulée par ses ami·e·s. Un effort de groupe qui a abouti à cinq titres résolument pop, soignés et entêtants, mais surtout aux tonalités diamétralement différentes.
D’un côté, il y a l’envoûtant “Talia”, teinté de mélancolie, faisant référence à une séparation toute fraîche et aux sentiments forts qui persistent malgré tout. De l’autre, “Holy”, une sorte d’ode enivrante à la confiance en soi et un pur ego boost auditif. “J’ai écrit cet EP après une rupture et j’étais minable, dévoile King Princess, non sans une pointe d’autodérision. Quand j’écrivais ‘Talia’, j’essayais de remonter la pente. ‘Holy’, c’est plutôt la chanson optimiste pour te remettre d’aplomb”. Les deux titres opèrent comme deux œuvres parallèles, avec un tempo assez similaire. “C’est quelque chose que j’aime faire”, reconnaît l’artiste.
Avec son nombre croissant de fans, King Princess se situe dans la trajectoire du #20GAYTEEN, un hashtag lancé par la communauté LGBTQ+ pour souligner la montée en puissance de contenus culturels mettant en avant ces minorités en 2018. De pair avec des artistes comme Hayley Kiyoko ou Troye Sivan, l’interprète de “1950” est ouvertement lesbienne et n’hésite pas à genrer ses chansons. “Pour moi, la question ne se posait même pas, nous raconte Mikaela Straus. Je me souviens avoir été nerveuse au début lorsque je jouais des morceaux qui étaient aussi queer, et j’ai ensuite réalisé qu’il n’y avait quasiment personne qui faisait ça dans la pop.”
Jusqu’ici, la musique populaire américaine était un nid d’icônes queer, avec des personnalités comme Cher ou Christina Aguilera érigées au statut de déesses par la communauté. Le hic, c’est qu’on retrouve trop souvent des femmes hétérosexuelles et cisgenres, peu représentatives de la diversité des LGBTQ+. “C’est en train d’évoluer, c’est évident, remarque King Princess. Je pense qu’on prend conscience que ça ne peut pas rester tel quel et que le monde est prêt à accueillir des artistes ouvertement gays et pas seulement les Madonna ou les Britney, bien que je les adore tellement”.
Pour King Princess, le changement est en train de s’enclencher et les minorités sexuelles et de genre devraient obtenir gain de cause au fil du temps :
“Les gens ont vraiment soif d’authenticité. Et je pense que, historiquement, ce sont les gays qui ont donné au monde cette authenticité dont on a besoin. Ça remonte aux poètes de la beat generation, à l’époque Paris is Burning… c’est une communauté extrêmement créative. Je ne peux pas imaginer un monde où les LGBTQ+ ne s’infiltrent pas dans la musique. On n’a encore personne du niveau de Lady Gaga. […] Je suis aussi excitée à l’idée d’avoir plus de personnes trans dans l’industrie musicale, c’est une perspective unique que j’ai envie de découvrir. J’ai aussi l’impression qu’il y a beaucoup de femmes queer et pas assez d’hommes queer.”
Tout en apportant sa pierre (arc-en-ciel, évidemment) à l’édifice, Mikaela Straus fait preuve de grandes ambitions du haut de ses 19 ans. Forte du succès rencontré par “1950”, elle entame une petite tournée avec plusieurs dates triées sur le volet aux quatre coins des States, sans omettre la production de son tout premier album. “Je veux pouvoir sortir de nouveaux morceaux constamment”, déclare-t-elle avec un mélange d’excitation et d’appréhension. Et si elle devait envisager un featuring ? “C’est une question difficile, répond King Princess avant de lâcher un petit rire. Je ne sais pas, pourquoi pas Nicki Minaj ?” On ne demande qu’à écouter ça.
Make My Bed, le premier EP de King Princess, est disponible depuis le 15 juin 2018 sur iTunes, SoundCloud et Spotify.