Julia Ducournau est une cinéaste cohérente. C’est le moins que l’on puisse dire. En 2011, diplômée de la section scénario de la Fémis, elle réalise Junior, sélectionné à la Semaine de la critique du Festival de Cannes et reçoit le Prix du rail d’or. Dans ce court-métrage sur l’adolescence et la transformation du corps dans toute son ingratitude, elle posait déjà les bases de Grave, et dans une moindre mesure, de Titane.
À la frontière entre le gore et le fantastique, Junior révélait une jeune Garance Marillier, alors âgée de tout juste 12 ans, dans les vêtements trop grands de Justine, un personnage qu’elle reprendra quelques années plus tard, devenue étudiante vétérinaire et végétarienne dans Grave, puis danseuse dans les salons de tuning dans Titane. Dans ce court-métrage annonciateur de son affection pour la matière organique, la future lauréate de la Palme d’Or explorait la puberté par le prisme de la mue, au sens littéral du terme.
Collégienne, considérée comme masculine et mal dans sa peau, Justine, alias Junior, entamait une étrange transformation après avoir été diagnostiquée d’une gastro-entérite fulgurante. Perdant sa peau par lambeaux et sécrétant en abondance un étrange liquide visqueux, l’adolescente ingrate va alors se muer en une belle jeune fille selon les diktats collégiens.
La transformation d’un corps dont on n’est plus maître est au cœur de ce court-métrage dérangeant. Cinq ans plus tard, Grave et son personnage de végétarienne prise de pulsions cannibales qu’elle ne peut réprimer reprendra, en substance, cette thématique de la perte de contrôle. Junior explorait également les questions du genre et de la féminité, également centrales de Titane.
Dans le dernier numéro de So Film, Julia Ducournau révélait vouloir tourner en Floride pour filmer les pérégrinations d’une culturiste américaine sur fond de motels en carton-pâte et risque donc de malmener une nouvelle fois les corps. En attendant, Unifrance a mis Junior en ligne gratuitement et ce jusqu’au 21 août 2021.