Jeunesse sonique : l’éducation musicale de Frànçois and The Atlas Mountains

Jeunesse sonique : l’éducation musicale de Frànçois and The Atlas Mountains

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Par Arthur Cios

Publié le

Alors que vient de sortir le sublime nouvel album de Frànçois & The Atlas Mountains, on a discuté avec le chanteur du groupe au sujet de sa jeunesse musicale, du metal et du fait de grandir “à la campagne”.

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Il existe deux types de personne. Ceux qui ont toujours écouté un genre musical et qui y sont restés fidèles, puis ceux qui ont fait un grand virage pour se diriger vers quelque chose de franchement différent (évidemment, il y a des entre-deux, mais vous avez compris l’idée). Frànçois Marry, chanteur et leader du sublime groupe Frànçois and The Atlas Mountains, fait partie de ceux-là.

Alors que vient de sortir Solide Mirage, un album subtil qui parfait un peu plus le son du groupe, enchantant, pop et doux à souhait, nous sommes à 10 000 kilomètres des Deftones qu’adorait le jeune François lorsqu’il grandissait à Saintes, en Charente-Maritime, avant de s’installer à Bristol et de se lancer une fois pour toutes dans la musique.

Notre format Jeunesse sonique, où l’on retrace le parcours d’un artiste à travers les goûts musicaux de son soi adolescent, semblait parfait pour l’intéressé. Alors qu’il vient de sortir un nouveau clip façon Twin Peaks et s’apprête à entamer une tournée britannique, François Marry revient sur son adolescence, de Mass Hysteria à ses premières Fêtes de la musique.

1. C’est quoi le premier disque que tu as acheté ?

The President of the United States of America, un album avec “She’s lump, she’s lump, she’s in my head” [il chante le morceau “Lump”, paru sur l’album The President of the United States of America en 1995, ndlr]. Voilà. Je devais avoir 14 ans, je pense. Je ne sais pas si tu connais, c’était de la pop des années 1990 un peu grungy, un peu joviale, un peu gaie.

C’est pas un genre qui t’as suivi par la suite…

Ah non, après j’écoutais des trucs différents. J’ai plongé dans Nirvana, puis dans le metal, Deftones, tout ça…

C’est quand même assez loin de ce que tu fais comme musique, tout ça !

Ouais, j’ai changé [rires].

Tu le situes où ce changement dans ta vie musicale, justement ?

Je pense que c’est quand j’ai rencontré mon premier Atlas Mountain, en l’occurrence mon pote Victor, de Saintes, dont le père avait une collection de musique pop. Je me faisais des compiles de pop chez lui, des trucs que j’enregistrais sur cassette. Je me souviens de cette pochette jaune, qui allait bien avec le style léger de cette musique. C’est la douceur de cette musique justement, la mélancolie, qui me touchait beaucoup.

Et puis, tu vois, j’habitais à Saintes, c’était une petite ville, il n’y avait pas de disquaire, donc c’était compliqué d’avoir accès à la musique, vraiment. Heureusement que je suis tombé sur la discothèque de son père. Après, il y avait aussi la musique de mon frère et de ses potes. Ils écoutaient beaucoup The Prodigy, Led Zeppelin, les Red Hot Chili Peppers – les premiers –, et des trucs français aussi. Mais voilà, Victor m’a initié à la pop vers l’âge de 17 ans, j’ai découvert Beck, Low, tout ça…

2. Est-ce qu’il y a un album, ou un artiste, qui t’as vraiment donné envie de te lancer dans la musique ?

Ouais, ouais, il y en a plein. Nirvana, Led Zep, tous ces trucs.

Tu te souviens du moment où t’as décidé de te lancer ?

Aux Fêtes de la musique, je pense. Le seul endroit où on était accueillis [rires], c’était au fast-food du coin, donc on faisait des petits concerts, de la noise. On savait pas bien jouer, on faisait du boucan… Moi, je jouais sur une guitare qui était désaccordée deux tons en dessous pour faire plus grave, on avait un gros bidon sur lequel on frappait pour faire Slipknot [rires]. C’était vers 1998, quelque chose comme ça. Ouais, j’avais environ 18 balais.

3. Le premier morceau que tu as appris à la guitare ?

Ah, je pense que c’était “About a Girl” de Nirvana. En fait, j’avais fait un an de piano quand j’étais gamin, j’étais hyper mauvais, je n’arrivais pas à lire les partitions, donc j’ai arrêté et je me suis tourné vers la guitare. J’étais content d’avoir une guitare, une petite guitare, que ce soit un instrument plus près de moi, près du cœur un peu, parce que le piano, c’était pas facile [rires].

Donc tu as appris ça dans ton coin, sans prendre de cours ?

La guitare ? Ouais, ouais, c’était l’époque où il y avait des magazines de guitare genre Guitare Part. J’achetais ça chez le petit buraliste du coin, et je découvrais plein de musiques, vu qu’il y avait plein d’artistes dedans que je ne connaissais pas. Et puis, il y avait deux-trois potes de mon frère qui me montraient des accords, comment fonctionnait une guitare, une distorsion, toutes ces choses-là. C’était avant Internet, ça n’a rien à voir. Je pense que l’adolescence musicale aujourd’hui n’a plus rien à voir avec ce qu’on a vécu. Il y avait tout une part de fantasmes, de projections, qui doit être radicalement différente.

4. Tu te souviens de ton premier concert ?

Quand j’étais enfant, ma mère m’a emmené voir Manu Dibango, c’était assez bluffant. Je me souviens que tout le monde s’est mis à danser, à chanter et j’avais adoré. J’avais trouvé une sorte d’élan de générosité, d’éveil des corps, j’ai complètement halluciné. Je trouvais ça génial.

Ensuite, le premier concert que j’ai fait seul, c’était Mass Hysteria. Je me rappelle que j’avais pris le train pour y aller, parce qu’il n’y avait pas de concert à Saintes. J’étais avec une copine mais je ne sais plus du tout comment on est rentrés, c’était l’aventure. On s’était préparés, genre on avait acheté des pansements parce qu’on pensait qu’elle allait se faire arracher son piercing [rires]. On partait voir ça comme si on partait à la guerre, on était parés. C’est là que j’ai découvert le stage diving, et vu que j’étais tout léger, j’ai pas arrêté de le faire. C’est un beau souvenir.

C’est marrant que tu aies écouté autant de metal…

Ouais, mais encore une fois, c’est le seul truc qu’il y avait dans les campagnes, il ne faut pas l’oublier. T’avais le metal ou le reggae, j’avais fait mon choix.

Et maintenant, avec le recul et l’expérience que tu as, ça ne te dirait pas de refaire une formation comme ça ?

Il faudrait que je me muscle un peu plus le cou, mais… En fait, il y avait un truc très cérébral. J’ai vraiment évolué après. J’ai vu que Gojira a reçu un prix aux Grammys, c’est fou, t’as entendu parlé de ça ? Han, c’est tellement fou ! Roh là là, t’imagines ? Tu vois, typiquement, c’est le genre de groupe qu’on écoutait dans les années 1990, c’était le groupe de metal du coin. Trop bien pour eux. En tout cas, je pense qu’en ce qui me concerne, il y avait aussi un peu un effet de groupe avec les potes de mon frère, qui avait des dégaines outrageantes, des dreadlocks, tout ça. Donc c’était une manière d’être en groupe, un esprit de communauté. Ça n’aurait pas trop de sens de faire ça maintenant.

5. Est-ce que tu te souviens d’un truc que tes parents écoutaient et que t’aimais pas…

Je me souviens qu’ils écoutaient beaucoup Queen, Supertramp, Dire Straits. Et je peux te dire que j’ai vraiment appris à aimer ça. Maintenant, quand j’écoute ça, je trouve pas ça mauvais, mais ça me rappelle un peu la nausée que j’avais à l’arrière de la Ford d’occasion où on voyait rien. Du coup, j’ai jamais vraiment pu aimer ces groupes à cause de ça. Et c’est très con.

6. Est-ce que tu avais un guilty pleasure que tu n’assumais pas auprès de tes potes ?

Il y avait un morceau que j’aimais bien, c’était “Je préfère dormir dehors” de Daran et les chaises. Je me souviens de ce morceau, j’avais arrêté de l’écouter parce que mes potes le trouvaient nul, et je me suis rendu compte qu’il était effectivement nul.

7. Le disque que t’as le plus écouté et que t’écouteras toute ta vie ?

Les Gymnopédies d’Erik Satie. Ouais, c’est le disque que mes parents écoutaient, quasiment tous les dimanches matin. J’ai toujours trouvé ça merveilleux. J’ai appris à les jouer au piano, donc je pense que ça me suivra toute ma vie.

Ah ouais ?

Ouais, bah tu sais, j’ai appris tout seul, tu vois. C’est hyper simple à jouer, Satie.

Euh…

[Rires] Ça, c’est un truc que je me suis forcé à apprendre. Mais après, j’ai bossé dans mon coin, tout seul.

Je ne réalise pas trop à quel point ça a pris du temps d’affiner ton projet François and the Atlas Mountain…

Je fais de la musique depuis que je suis ado, mais le projet a commencé quand j’ai déménagé à Bristol, en 2004. Donc ça fait 13 ans, ouais. Après, à chaque fois, ça change et tu fais évoluer la chose.

Ton nouvel album est moins mélancolique justement, tu l’expliques comment ?

Je pense que c’est le fait de me retrouver en ville, d’être un peu plus dans le concret de la vie moderne. Je crois que je me suis toujours protégé de tout ça, à jamais vouloir habiter dans une capitale. Pourtant, j’ai choisi une capitale soft, parce que Bruxelles est une ville extrêmement douce à vivre, mais je crois que ça vient de là.