“Je veux juste m’amuser” : Shygirl nous emmène danser en club, parce qu’on en a tous bien besoin

La reine de la nuit

“Je veux juste m’amuser” : Shygirl nous emmène danser en club, parce qu’on en a tous bien besoin

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© Shygirl

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Par Flavio Sillitti

Publié le

L’une des artistes britanniques les plus fascinantes du moment revient avec un mini-EP et un projet de soirées club, de passage à Paris cette année.

Elle a collaboré avec Lady Gaga, Björk, Arca, Tinashe, a assuré la première partie de Beyoncé durant son “Renaissance World Tour”, et n’a qu’une seule volonté : ramener les gens se déhancher dans les clubs. Shygirl, artiste prolifique et plurielle venue tout droit du sud de Londres, est clairement l’une des voix de la musique de demain, mais pas que. Si son premier album, Nymph, acclamé en 2022, a dévoilé toute sa verve musicale pop expérimentale, son nouvel EP Club Shy nous ramène à ses racines club.

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Le projet Club Shy découle du concept éponyme d’expériences club lancées en octobre 2022 dans une boîte de nuit de l’est de Londres, le Metropolis, avant de donner lieu à plusieurs itérations à travers le monde, comme à Los Angeles avec PinkPantheress ou encore à São Paulo avec Charli XCX, Pabllo Vittar, VTSS et LSDXOXO. Alors qu’elle s’apprête à étendre son concept de soirées partout dans le monde et notamment à Paris, Shygirl cristallise tout son concept en un projet de six morceaux qui sentent bon les corps suants qui se déhanchent dans les clubs. Rencontre.

Konbini | Ce disque est une extension de ton concept Club Shy, qui explore ton côté club. C’est quoi ton lien avec la culture club ?

Shygirl | Il y a un côté nostalgique dans mon approche de la musique club. J’écoute ce genre de musique depuis mes 14 ans, âge auquel je n’avais évidemment aucune idée de ce à quoi pouvait bien ressembler un club à l’époque. [rires] Mais j’étais fascinée par la trance et toutes les histoires qu’on entendait à propos de la culture club. Aujourd’hui, je peux expérimenter cet univers, partout dans le monde, et j’avais envie de cristalliser ce sentiment sur un disque.

D’où viennent ces morceaux ?

Les six morceaux du projet traînent dans mes disques durs depuis un moment. Ils n’ont jamais trouvé leur place sur un de mes projets précédents. Avec eux, je teste mes limites en tant que productrice, alors que sur Nymph, mon premier album, j’ai surtout testé mes limites en tant que musicienne. Club Shy est moins expérimental que le reste de ma discographie, ce sont des sons beaucoup plus classiques, voire un retour à la musique club commerciale. Et je sens que je peux me permettre de sortir ce genre de musique maintenant, parce que je n’ai plus besoin de prouver quoi que ce soit. Je veux juste m’amuser, et je veux que les gens s’amusent aussi.

C’était urgent pour toi de t’amuser à nouveau ?

J’ai dû jouer une centaine de concerts sur l’année écoulée. Donc oui, il est temps de faire la fête maintenant. [rires] Les concerts restent des expériences extraordinaires, évidemment, mais j’ai envie d’une autre forme de performance. D’autant plus que les DJ sets me permettent de m’enrichir énormément, d’expérimenter en live avec les sons que je propose. C’est derrière les platines que j’évolue le plus, c’est comme mon laboratoire.

Contrairement aux concerts plus classiques, c’est ça ?

Le contexte d’une tournée de concerts est assez atypique, et quand tu voyages beaucoup, la vie devient un peu… existentielle. [rires] Tu te retrouves à passer d’un avion à une voiture, à regarder par la fenêtre, et forcément, ça influence la musique que tu produis. Dès que je me suis rendu compte que mon mode de vie induisait une certaine musicalité dans mon projet, j’ai décidé de reprendre le contrôle. Il fallait que je retourne en boîte. Il fallait que je fasse la fête, que je voie mes amis. Pour influencer ma musique différemment.

Après le succès de ton album Nymph, tu n’as pas ressenti la pression de te focaliser sur un deuxième album, plutôt qu’un EP comme celui-là ?

Pour ça, j’adore mon label. Ils connaissaient la plupart des morceaux qui sont sur l’EP, j’ai beaucoup, beaucoup, beaucoup de musiques qui ne sont jamais sorties ! [rires] Évidemment qu’après le succès de Nymph, tout le monde se demande quand je vais sortir le prochain, ou espère en tout cas que je bosse dessus. Mais quand je leur ai parlé du projet Club Shy, mon équipe a été la première à m’encourager à le sortir. À un moment, j’ai même changé d’avis en dernière minute, parce que je voulais me consacrer entièrement au deuxième album. Et ce sont eux qui m’ont rappelé à quel point j’avais envie de cette parenthèse et à quel point j’aimais ces morceaux.

Pourquoi tu les aimes autant ?

Je suis du genre à me mettre énormément de pression quand il s’agit de ma musique. Mais avec ces morceaux, tout a été si simple et facile. La musique club, pour moi, c’est quelque chose d’amusant à faire, et il fallait que ça le reste. La plupart de ces morceaux sont le fruit d’une seule session studio. Tout a été fait naturellement et facilement.

Pourquoi avoir hésité à les sortir, du coup ?

Justement, parce que tout était trop simple ! [rires] En tant qu’artiste, on se dit trop souvent que les choses doivent être compliquées pour être de qualité. Alors qu’ici, tout était si simple. Heureusement, j’étais bien entourée, et mon équipe me rassurait en me disait que ces sons méritaient de sortir. Du coup, je les ai sortis, j’ai commencé à jouer “thicc” à mes shows, et les gens aimaient ça. Ça m’a fait comprendre que ce n’est pas parce que c’est simple que ça ne vaut rien.

Les morceaux sont principalement guidés par des beats, mais on retrouve quand même quelques paroles dessus.

Ça m’a fait tellement de bien de me dire : “Voilà, j’ai écrit un couplet et demi. Et c’est fini.” [rires] En club, j’ai besoin d’avoir des mots, même quelques-uns, pour me guider. Je me souviens de soirées techno à Berlin durant lesquelles j’avais tendance à m’inventer des paroles dans la tête sur des morceaux lancinants purement instrumentaux. C’est ma façon de me connecter au morceau. Quand je danse, j’aime les textes très directs, qui te disent de faire quelque chose, “Do this”, ou qui te demandent ce que tu veux, “What do you want?”. C’est ce que j’aime entendre dans les clubs, des mots qui se connectent à moi directement.

Ce sont des textes courts, souvent quelques mots. C’est facile de les trouver ?

C’était beaucoup de freestyle, dans la continuité du côté spontané de l’ensemble. Et c’est aussi pour ça que la plupart de ces morceaux sont nés en plein milieu de sessions studio pour l’album Nymph. Quand je bloquais sur un morceau ou que je me prenais la tête sur une mélodie, j’envoyais tout valser pour enregistrer quelque chose de fun, léger et rapide, histoire de rebooster mes batteries puis m’attaquer à nouveau à un morceau plus émotionnel de l’album. La plupart des morceaux qu’on retrouve sur l’EP sont nés comme ça.

Ce serait donc ça, le secret derrière de bonnes paroles de musique club ?

Peut-être ! Bon, ce n’est pas assuré pour tout le monde. Certains artistes écrivent de la même manière, mais c’est de la m*rde, au final. [rires]

Tu finis à peine ta tournée Nymph que tu repars en tournée pour célébrer le projet Club Shy. Tu ne t’arrêtes jamais ?

[rires] C’est vrai qu’à ce stade, la plupart des artistes prendraient une pause ! Mais j’ai du mal avec ça. D’autant plus que je suis en convalescence suite à une opération des cordes vocales, donc je suis vraiment cloîtrée à la maison, je n’ai même pas l’excuse du studio pour m’occuper car je ne peux pas chanter. Et, du coup, je fais quoi maintenant ? [rires] C’est drôle, ça va faire plus d’un an que je demande un break, et maintenant que je l’ai, j’ai envie de faire plein de choses.

Ta tournée sera composée de plusieurs dates, avec des DJ invité·e·s pour partager les platines avec toi. C’est comme si tu ouvrais tes propres clubs partout dans le monde, finalement.

Avec le concept Club Shy, je peux créer le club dans lequel j’ai toujours rêvé d’entrer. C’est surtout une façon pour moi de retrouver ma passion du monde extérieur, ma passion pour l’amusement aussi. Mon expérience club initiale s’est faite dans l’anonymat le plus total, j’étais vraiment autorisée à me laisser aller sur la piste de danse et me connecter à cette partie de moi-même qui ne s’éveille que là-bas. Sauf que j’ai perdu ça avec le temps et avec mon statut d’artiste, qui fait que désormais on me reconnaît dans ces endroits. Plutôt que d’abandonner la scène club, je me suis dit : “Quitte à ne plus être anonyme en soirée, autant être en contrôle total de la nuit.”

Tu comptes organiser un Club Shy à Paris ? Ces événements seront-ils les mêmes d’une ville à l’autre ?

Il y aura une date à Paris, mais on finalise encore les derniers détails quant à la tournée qui arrive. C’est surtout parce que j’ai à cœur de sélectionner avec soin les endroits où auront lieu les événements. J’ai envie que chaque lieu reflète l’essence même de la ville, donc le show parisien sera différent du show new-yorkais ou des shows que je ferai cet été en festival. Chaque date sera unique, avec des invité·e·s différent·e·s à chaque fois.

Avant son passage parisien, l’artiste présentera également son Club Shy au Sónar Festival de Lisbonne, le 24 mars prochain.