L’occasion pour ce jeune artiste de nous parler de son admiration pour David Bowie, de l’importance de la musique noire, et de sa relation avec Solange, qu’il considère comme “une héroïne hors norme”.
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Sa musique semble tout droit sortie des années 1970, pourtant, Bryndon Cook est un pur produit des années 1990. Officiant sous le nom de Starchild & The New Romantic, clin d’œil à l’alter ego du musicien George Clinton (l’un des pères fondateurs de la funk), ce natif du Maryland distille une musique joyeusement nostalgique, coincée quelque part entre la funk enjouée de Prince et le R’n’B délicat de Sade, qu’il revendique comme deux de ses influences majeures.
Après avoir travaillé aux côtés de Blood Orange, Chairlift, Kindness et Solange, qu’il a accompagnée en tant que guitariste sur sa tournée A Seat at the Table, l’auteur, compositeur et chanteur de 24 ans dévoilait en 2016 l’EP Crush. Une première entrée en matière, remarquée par Pitchfork et le New York Times, qu’il précise aujourd’hui avec Language, son tout premier album. Placé sous le signe du romantisme, ce disque, intemporel, se joue des contraires en interrogeant les notions de rétro et de moderne, de noir et de blanc, de religiosité et de sexualité. À cette occasion, Starchild & The New Romantic nous ouvre les portes de son monde.
“Je suis très inspiré par la musique anglaise provenant de l’époque des Nouveaux Romantiques”
Konbini | Ta musique semble venir d’un autre temps, inspiré par des genres aussi variés que le hip-hop, le R’n’B, la soul et la funk, surtout. Comment la définis-tu ?
Starchild & The New Romantic | C’est un mélange constant, de plein de choses, effectivement. Mais si je me repose beaucoup sur la funk, comme tu l’as noté, c’est que c’est un genre profondément basé sur le groove, et que je façonne une musique principalement basée sur le groove, à laquelle je greffe des éléments qui serviront au mieux la musicalité et les idées que je souhaite partager à travers elle.
Pourquoi avoir choisi ce nom, Starchild & the New Romantic ?
Parce qu’il représente cette idée de mélange, justement. Le mot “starchild” évoque à lui tout seul la tradition de la funk, de la soul et du hip-hop. L’expression “new romantic”, en revanche, fait référence à l’imagerie, à l’essence du beau. Je suis très inspiré par la musique anglaise provenant de l’époque des Nouveaux Romantiques [mouvement apparu dans les années 1970 en Angleterre, ndlr], tout particulièrement par celle créée par David Bowie, lorsqu’il travaillait avec Nile Rodgers, qui comprenait beaucoup de guitare, de saxophone… des sons que j’aime profondément.
J’ai l’impression que la performance, le fait d’être sur scène, est également très importante pour toi. Qu’as-tu réussi à trouver dans cette idée de performance musicale que tu n’as jamais réussi à trouver dans aucune autre forme d’expression artistique ?
C’est une bonne question. Depuis aussi longtemps que YouTube existe, je passe un temps fou à regarder et à décrypter les performances de nombreux artistes. Je fais ça à chaque fois que je n’arrive pas à dormir la nuit, en fait. Et c’est comme ça que j’ai commencé à me mettre à danser, petit à petit, de façon assez naturelle. C’est comme ça que les performances de ces artistes s’expriment à travers mon corps. Et quand je me donne à fond là-dedans, je ressens une espèce de connexion avec quelque chose qui me dépasse, me transcende.
“Dev Hynes est une grande source d’inspiration pour moi, ainsi que pour beaucoup de jeunes musiciens noirs”
Tu as fait partie de la tournée A Seat at the Table de Solange, qui était très puissante en termes de performance scénique, et de danse. Que retiens-tu de cette expérience ?
Cela fait déjà six ans que j’accompagne Solange en tournée, depuis la sortie de son premier EP True [en 2012, ndlr]. Depuis, nous avons joué deux fois à Glastonbury, trois fois au Radio City Music Hall, et nous avons fait le tour du monde plusieurs fois. Cela prendrait trop de temps à expliquer, tout ce que j’ai appris lors de ces différentes tournées. Mais pour résumer, je dirais que j’ai acquis un sens beaucoup plus grand de l’espace, que je suis bien plus conscient de ce qui m’entoure. Solange est une héroïne hors norme.
Outre Solange, tu as également collaboré avec Devonté Hynes, avec lequel tu as d’ailleurs fondé le duo VeilHymn. En quoi t’inspire-t-il ?
C’est une de mes personnes préférées sur cette Terre. New York, où je me suis installé il y a quelques années, est une ville très dure, très froide. Mais Dev est quelqu’un de très chaleureux, de généreux, de drôle, aussi. Et donc, c’est très facile, très naturel de travailler avec et pour lui. Avec lui, tout paraît possible. C’est une grande source d’inspiration pour moi, ainsi que pour beaucoup de jeunes musiciens noirs.
Y a-t-il d’autres artistes avec lesquels tu aimerais collaborer dans le futur ?
Frank Ocean, si tu m’entends : viens me chercher s’il te plaît [rires] ! J’adorerais me retrouver en studio avec Kanye aussi, et produire quelque chose avec lui.
“La musique noire est en vie, et elle ne mourra jamais”
Après l’EP Crucial en 2016, tu dévoiles aujourd’hui ton premier album : Language. Qu’est-ce qui a changé depuis ?
Bonne question. Beaucoup de journalistes ont expliqué que mon dernier projet ne contenait pas de “morceaux” à proprement parler. J’espère qu’ils sentiront la différence avec Language, via lequel, je trouve, je joue de façon plus intense, et exprime des idées plus dures.
As-tu l’impression que la musique te permet d’exprimer des idées, des sentiments que tu n’arrives pas à extérioriser dans la vie de tous les jours ?
Oui ! Je veux que les gens sachent qui je suis, mais je ne peux pas me décrire dans toute ma complexité avec de simples mots. D’où l’importance de la musique, qui me permet d’exprimer mes pensées à travers des textes et des mélodies différentes.
Finalement, quelle est la ligne directrice qui anime ce premier long format ?
Que la musique noire est bel et bien en vie, et qu’elle ne mourra jamais. Aussi, je tiens à dire que ceux qui le décriront comme “un album de Prince” passeront à côté de quelque chose. La musique de Prince ne peut pas être réduite à un seul type de son. Et il n’a pas fait tout ce travail pour que les gens le résument à une idée homogène – de la même façon que le discours mythique de Martin Luther King Jr ne peut être réduit à la seule idée “d’unité”. J’aimerais que les gens prennent leur temps avec cet album, le temps d’apprécier la diversité de la musique soul, placée dans un contexte moderne. Voilà le but de ma carrière musicale, et cet album n’en est que le premier chapitre.