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The Glory, ou l’art de la vengeance à la coréenne

The Glory, ou l’art de la vengeance à la coréenne

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© Netflix

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Par Sophie Laroche

Publié le

Victime de harcèlement, Moon Dong-eun prend sa revanche pour nous offrir un récit cathartique et puissant.

Le 10 mars dernier, Netflix mettait en ligne la seconde partie de la dernière série coréenne à succès The Glory. Le temps de 16 épisodes, la scénariste Kim Eun-sook (connue pour Goblin and Descendants of the Sun) met en scène le parcours du combattant de Moon Dong-eun, une professeure de 36 ans qui souhaite se venger de ses camarades de lycée qui ont déchaîné sur elle toute leur violence jusqu’à la briser.

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À la manière d’une Lady Vengeance, le personnage iconique de Park Chan-wook, Moon Dong-eun passe toute sa vie de jeune adulte à élaborer un plan de vengeance visant à détruire socialement son ennemie Park Yeon-jin et sa bande. Mettant sa vie et ses aspirations de côté pour se consacrer à ce projet dévastateur, elle choisit de vivre uniquement pour cette échéance. On découvre alors son passé d’étudiante abusée, la lutte pour sa survie et l’élaboration de son plan méticuleux qui la pousse à s’investir dans certaines relations ou plan de carrière.

De l’autre côté du prisme se révèle la vie plus ou moins parfaite de ses harceleurs. Les espaces feutrés où ils s’épanouissent, prospèrent et perpétuent leurs comportements nocifs. Park Yeon-jin est devenue une présentatrice télé, une mère de famille et une épouse comblée. Elle n’échappe pas pour autant à son passé et Moon Dong-eun s’attache à le faire ressurgir refermant petit à petit son piège sur elle.

Le harcèlement scolaire au centre du drama

The Glory s’attaque de front à un sujet abondamment traité dans les séries coréennes (Extracurricular, All of Us Are Dead, Weak Hero Class 1…) : le harcèlement scolaire. Dès les premières minutes, la caméra nous plonge sans détour dans l’enfer vécu par la protagoniste Moon Dong-eun dont le quotidien est rythmé par les humiliations et les sévices physiques. Ses bras et ses jambes sont régulièrement brûlés au fer à friser rappelant l’histoire vraie d’une lycéenne coréenne dont s’inspire la série. Une violence qui s’inscrit dans un système : celui des inégalités sociales qui soumettent les uns et protègent les autres.

Moon Dong-eun est une lycéenne pauvre dont la mère est maltraitante et Park Yeon-jin, la cheffe des harceleurs, est l’héritière d’une famille riche et influente de la ville. Cela semble un peu manichéen dit comme ça, mais le drama réussit à mettre en scène la complexité des systèmes de domination. Car Park Yeon-jin ne s’entoure pas uniquement de camarades aisés. Son cercle d'”amis” est aussi constitué de jeunes aux origines plus modestes, conscients de leur place fragile dans la hiérarchie, qui exécutent pour elle, et par désir de pouvoir, les pires tourments.

Ainsi, la série dévoile avec succès les multiples visages du harcèlement qui fonctionne comme une organisation où chacun à sa place, mais aussi sa propre identité. En effet, dans ce groupe tyrannique, chacun est rongé par un conflit interne (addiction, trahison, adultère…) ou animé par un objectif propre (s’extraire de sa classe sociale, se marier…) ce qui permet de déployer un arc narratif dense et des leviers de vengeance plus importants donnant à la série un rythme dynamique.

Soumis à ces rapports de pouvoir, on trouve aussi les institutions qui échouent à protéger les victimes. Face à la violence subie, Moon Dong-eun choisit de parler. Elle se rend au commissariat et au bureau des professeurs où elle est rejetée par les figures d’autorité qui refusent de s’opposer aux familles puissantes. Les adultes la laissent tomber, nous offrant une triste impression de déjà-vu. Démunie face à la situation, elle choisit alors de quitter l’école et son rêve d’architecture pour commencer à travailler et mettre en place son plan de vengeance qui la fera tenir pendant près de 18 ans.

© Netflix

Lady vengeance

The Glory n’est pas un récit sur la résilience. Moon Dong-eun ne surmontera jamais ses traumatismes. Les marques sur son corps ne disparaissent pas avec le temps, comme les blessures psychologiques qui se réveillent au rythme des crises de panique déclenchées par des stimulations sensorielles la replongeant dans son passé. Ces traumatismes la hantent, la consument et orientent tous ses choix. Moon Dong-eun ne veut pas se reconstruire, elle souhaite se venger sans se salir les mains, usant de stratégie et de manipulation pour aboutir à la mort sociale de son ennemie. Un coup fatal dans un pays où l’apparence, le conformisme et la bonne réputation prévalent sur le reste.

C’est ce qui rend le récit et le genre de la vengeance particulièrement jouissif. Dans un monde de développement personnel où il s’agit d’être la meilleure version de soi-même, cela fait du bien de voir les auteurs de crimes payer le prix de leurs actions. Ici, le choix d’exécuter la vengeance comme un jeu de go (sorte de jeu d’échecs chinois populaire en Corée) qui consiste à créer des territoires en isolant ceux de l’adversaire plutôt que par la violence pure à la Kill Bill rend la série plus engageante en termes d’intrigue. Mais pour voir sa protagoniste triompher, le scénario tombe cependant dans quelques facilités.

Afin de faire avancer ce récit complexe, les auteurs misent sur des coïncidences ou des incohérences — une femme de ménage aux skills d’espionne digne du FBI qui vient en aide à la protagoniste — rendant l’évolution de certaines intrigues peu crédibles. The Glory reste un récit cathartique complexe qui nous happe et a le mérite de mettre en lumière les ficelles du harcèlement scolaire et ses ravages sur le long terme. Il nous rappelle aussi que la vengeance est bel et bien un plat qui se mange froid.

La première saison de The Glory est disponible sur Netflix.