#Frenchmen2018 : Veerus, patron de l’ombre

#Frenchmen2018 : Veerus, patron de l’ombre

Ils représentent la nouvelle vague du rap français. Freestyle, interview, photos : de leur style à leur flow, voici les FRENCHMEN, deuxième saison. Après PLK, 7 Jaws, Rémy, Kobo, Zed Yun Pavarotti, B-NOM… Veerus est dans la maison, entre freestyle sobre et efficace, et entretien avec un patron discret.

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Tapi dans l’ombre, il est respecté par ses pairs. Veerus n’est pas né de la dernière pluie de punchlines, car il arpente les rues du rap depuis un moment. Depuis 2011 exactement – wow, le temps passe vite… et Veerus n’était qu’un petit microbe prêt à envahir le game de son ego-trip. Au fil du temps et des projets, le emcee de Dunkerque a affiné son écriture pour gagner une crédibilité et une aisance reconnues dans le milieu.

Jusqu’à mener Veerus à monter sa propre structure, Maison Noire, et revenir en toute fraîcheur avec un album, Iceberg Slim, sorti en avril 2018. Constant et patient, le rappeur de 28 ans a le sens des affaires et gère sa carrière avec minutie depuis son quartier PS. C’est donc un honneur qu’il fasse partie des Frenchmen 2018, avec un freestyle – sur une prod’ exclusive de Seezy – aussi sobre et efficace que l’entretien à lire plus bas.

Comment t’appelles-tu ?

Veerus, avec deux E c’est important.

Où et quand es-tu né ?

Le 21 juin 1990 à Dunkerque.

Où vis-tu actuellement ?

PS, c’est un quartier de Dunkerque.

Tu as des origines ?

Je suis métisse guadeloupéen.

Tu te souviens de la première fois où tu as commencé à rapper ?

Mon premier freestyle, j’avais 7-8 ans dans une radio de ma ville. Mais la première fois que j’ai écrit un texte, j’avais 12-13 ans.

Aujourd’hui, tu considères le rap comme un travail à part entière ?

Il y a une phrase que je dis souvent et que j’aime bien, c’est que “j’ai été créé pour ça”. Pour moi, le rap ce n’est pas une performance, mais une compétence à part entière. Je veux dire, ça fait tellement longtemps que je fais ça…

Quel a été ton freestyle le plus marquant ?

Celui dont les gens parlent le plus, c’est mon freestyle à “Planète Rap”, la première fois que j’y suis allé, avec 1995, Lomepal, etc. Il y a des gens qui m’en parlent encore maintenant alors que ça fait six ans.

Le freestyle est hyper important dans le rap, pourtant, l’exercice se perd.

C’est logique, car beaucoup de rappeurs ne savent plus rapper. Donc forcément, quand tu leur demandes de faire un freestyle, c’est un peu compliqué. Quand il n’y a pas l’auto-tune, le studio et l’ingé son, c’est compliqué. Après je ne dénigre pas, moi-même j’écoute des sons de mecs qui ne rappent pas, je m’en fous. Mais c’est vrai que ça se perd. C’est un peu dommage parce que sans faire le puriste, pour moi ça reste la base du truc. Il faut être tout-terrain.

Tu peux me parler de ton tout premier projet ?

C’était en 2011 et le projet s’appelait Nouvelle Aube. Ce n’était pas aussi développé et pointu que maintenant sur beaucoup de points, mais en termes d’écriture et de sincérité, c’est un projet que j’affectionne et dont je suis fier. Souvent les premiers projets, les gens en ont honte et le cachent, moi au contraire, j’en suis grave fier. Il y a encore des morceaux que j’écoute et que je kiffe. Ce premier projet, je l’ai fait avec un gros gars de chez moi, J.KID. Il m’a aidé dans toute la partie musicale, il a produit et m’a coaché à la direction artistique.

C’est lui qui t’a mis le pied à l’étrier ?

Oui, c’est mon grand frère qui m’a instruit dans le rap, mais J.KID m’a aidé sur la partie création. À la base, je faisais ça pour m’amuser, mais c’est lui qui a reconnu mon talent et qui m’a aidé à me professionnaliser. Il m’a tout produit, permis d’enregistrer en studio, etc. Si j’en suis là aujourd’hui, c’est grâce à ces deux personnes, de loin.

Et le rôle de ton frère du coup ?

Mes premiers souvenirs de rap, c’est à lui que je les dois. Il enregistrait des clips de rap à l’ancienne. Au-delà de ça, c’est lui qui m’a soutenu quand j’ai voulu me professionnaliser. Je l’appelais pour lui donner tous les détails de ce que je faisais pour qu’il valide ou non. Son avis était très important, il avait un œil sur tout. Tout ce qu’on fait, on le fait ensemble, même la scène.

Qui est Veerus en trois mots ?

Discret dans la vie, arrogant dans la musique et ambitieux dans tous les domaines.

L’un de tes points forts, c’est l’écriture. Qu’est-ce qui t’a fait mûrir à ce niveau-là ? On sent que t’aimes écrire, chaque syllabe est à sa place.

J’étais en avance à l’école et surtout en français. J’ai toujours eu des facilités, notamment sur les sujets d’invention, j’avais des bonnes notes. Du coup, je me suis demandé comment je pouvais utiliser ça à mon avantage et ça a commencé par là. Après, c’est devenu un jeu. J’ai repéré d’autres rappeurs qui sont dans mon délire et je suis entré en compétition. Quand je fais un freestyle par exemple, je veux que les autres rappeurs qui l’entendent soient titillés. Je cherche à repousser mes propres limites et toujours trouver le mot, la punchline qui va faire mal.

Comment décrirais-tu ton rap en trois adjectifs ?

Technique, tout-terrain et instinctif.

Qu’est-ce qui t’inspire le plus ?

La vie. Il y a d’abord la musique que tu écoutes, mais il y a un moment où toi-même tu construis ton univers avec ce que tu vis et tes expériences passées. Aussi, le rap US, la culture urbaine pour le côté technique, les films des années 1990 et l’art.

Qui est ton beatmaker fétiche ?

J.KID, je ne travaille plus trop avec lui aujourd’hui, mais il reste le premier le plus marquant. Mais sinon, c’est Ikaz Boi. C’est avec lui que je suis le plus proche affectivement parlant, on partage tout, il y a un échange.

Si je te dis Iceberg Slim ?

C’est le premier album que j’ai fait avec mon label Maison Noire, en collaboration avec Pias. C’est un concentré de ce que je sais faire en termes de rap et d’ambiance. J’invite les gens à écouter. Il y en a pour tous les goûts, pour ceux qui aiment le rap, mais aussi d’autres influences. Aussi, pour ceux qui aiment l’écriture. Au niveau des prod’, c’est un album très américain. C’est que le début et j’espère que vous ne serez pas déçus.

Le morceau dont tu es le plus fier dans Mercure, projet sorti juste avant ?

Je dirais “Audio” parce que la première fois que je le jouais en concert, c’est la première fois que je faisais sauter les gens. Il y avait un truc avec ce son que je n’avais pas avec mes autres sons. C’est à partir de là que j’ai réussi à simplifier mon rap, à la rendre plus instinctif et plus rapide.

Le clip dont tu es le plus fier ?

“Périple” avec Deen Burbigo. Ce n’est peut-être pas le meilleur clip techniquement, mais c’est un bon souvenir. Je tournais en même temps que j’étais en vacances. Quand je revois ce clip, j’ai des souvenirs en tête qui remontent et tous les tournages ne te procurent pas ce sentiment.

La punchline dont tu es le plus fier ?

Je dirais dans “Jefe”, qui est sur mon dernier album : “Ils sont livrés à eux-mêmes, comme s’envoyer son propre courrier.” Et dans “Maison Noire” : “Dope Boy dans les bails, il stresse mais il voit la maille le contenir. Fier de l’apport de son chiffre, il aime son pactole comme son fils et porte un 38 à la hanche comme si c’était la taille de son jean.”

L’album de ton adolescence ?

Rien à perdre rien à prouver, de Hifi.

Ton artiste favori ?

Jay-Z, depuis que je suis né. Je pense qu’il n’y aura jamais un rappeur qui me fera le même effet, même si je suis fan de Kendrick. La vie, le business, l’ambition, il a tout pour lui.

Le morceau de rap français qui t’a marqué ?

Lalcko, “Les Voix suprêmes”. Ce morceau m’a traumatisé.

À quoi es-tu accro ?

Au foot.

Ta plus grande peur ?

Décevoir mes parents.

Ta couleur préférée ?

Le noir.

Ta basket préférée ?

Nike Cortez.

Si t’étais un animal ?

Un aigle.

Si tu ne faisais pas de rap, tu aurais aimé faire quoi ?

Dans le management d’artistes, pas forcément dans le rap d’ailleurs.

Une saison ?

L’hiver.

Une rue ?

Mon quartier, à Capesterre-Belle-Eau, c’est mon village en Guadeloupe. Je n’y suis pas allé depuis longtemps, mais j’y suis très attaché.

Si tu étais un film ?

Un film avec DiCaprio, je ne peux pas choisir. J’aime trop son jeu et son attitude.

Une série ?

Game of Thrones.

Un plat ?

Colombo.

Ton mot préféré ?

“Du coup”.

Une vidéo YouTube favorite ?

Brak, c’est un youtubeur Fifa qui casse une manette [rires].

La question que tu voudrais qu’on te pose en interview mais qu’on ne te pose jamais ?

Comment tu fais pour avoir un rap aussi génial ?

La réponse ?

I’m just me man !

Ton plus grand rêve ?

Acheter un club de foot.

Si tu pouvais voyager dans le temps, à quelle époque irais-tu ?

Être ado dans les années 92-93 pour voir Tupac et Biggie exploser.

Si t’avais un super-pouvoir, ça serait lequel ?

Lire dans les pensées des gens.

Si tu ne devais garder qu’une seule photo, sur ton téléphone, pour toujours ?

Une photo avec mes parents et mon frère.

Et un album ?

Kendrick Lamar – Good Kid, M.A.A.D City.

Ta plus grande qualité ?

Sûrement pas modeste, mais ouvert d’esprit.

Ton plus grand défaut ?

Têtu.

Quels sont tes projets à venir ?

Des dates pour défendre l’album Iceberg Slim sur scène. Après, pas mal de choses vont arriver, des visuels, des morceaux, des collaborations.

Comment te vois-tu dans 10 ans ?

Sur la Côte d’Azur, bronzé toute l’année et entouré des gens que j’aime. Toujours à rapper j’espère.

Auteur et réalisateur du projet : Rachid Majdoub

Photos : Benjamin Marius Petit

Merci aux artistes qui ont bien voulu participer, et à leurs équipes. À la prod vidéo de Konbini, d’Adrian Platon à Simon Meheust en passant par Manuel Lormel, Paul Cattelat, Jérémy Casanova, Luca Thiebault, Mike Germain, Nicolas Juares et Rédouane Boujdi au montage. À Jérémie Léger. Aux DA, Terence Mili et Arthur King.