Après avoir craint l’impact de la pandémie, les studios commencent à reprendre confiance dans le box-office. Les salles du monde entier rouvrent, et les chiffres sont de plus en plus imposants, surtout pour certains marchés, comme en Chine. On imagine qu’Universal était très confiant pour sortir son mastodonte Fast & Furious 9, blockbuster bodybuildé qui doit et va tout truster à travers le monde. Mais tout ne s’est pas passé comme prévu.
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Sorti dans une dizaine de pays, dont la Chine, le film a récolté plus de 200 millions de dollars en une semaine. Sachant qu’il n’est pas encore disponible outre-Atlantique, c’est raisonnable. Mais bien en deçà des attentes initiales : sur son premier week-end, F9 a rapporté rien qu’en Chine 136 millions de dollars. Mais sur le week-end suivant, le dernier du mois de mai, il n’a gagné que 20,8 millions. Soit une chute de 85 % assez rare.
Juste pour se faire une idée, au bout de deux semaines sur le marché chinois, Fast & Furious 7 avait déjà récolté 390,9 millions de dollars, et Fast & Furious 8 environ 392,8 millions. Il est estimé que ce neuvième volet finira sa course à 211,9 millions de dollars en Chine. Sachant qu’au sein des salles chinoises, la pratique de la distanciation sociale n’a plus lieu. Un chiffre faible.
Pourquoi le public chinois s’est soudainement mis à bouder le film de Justin Lin ? Certes, le long-métrage n’a pas eu beaucoup de bonnes critiques. Mais cela aurait dû refroidir le public dès le début. Le bouche-à-oreille peut avoir un impact, mais pas aussi énorme. Et en face, aucun film n’a vraiment fait de l’ombre, sachant que Sans un Bruit 2 n’a récupéré que 15 millions de dollars sur son premier week-end. Non, il faudrait regarder ailleurs pour découvrir l’origine du four.
The Hollywood Reporter indique que, bien qu’il soit difficile de mesurer l’impact de celle-ci sur le box-office, cela pourrait provenir d’une polémique. Jeudi 25 mai, John Cena, nouvel acteur à rejoindre la franchise, a posté une vidéo sur Weibo, le Facebook chinois. Il y parle mandarin, et présente ses excuses au peuple chinois.
En cause ? Une phrase, balancée à la volée dans un entretien avec une chaîne taïwanaise : “Taïwan est le premier pays à pouvoir voir [Fast & Furious 9, ndlr]”. Il n’a pas fallu attendre longtemps pour que le “bad buzz” pointe le bout de son nez. Appeler Taïwan “un pays” peut provoquer un véritable tollé — en Chine en tout cas.
Le cas de Taïwan et de la censure chinoise
Car cet agrégat d’îles a un statut un peu bâtard. Depuis la Seconde Guerre mondiale, la Chine a repris le contrôle de ce territoire, même si Taïwan a son propre gouvernement, son propre drapeau… Jusqu’aux années 1990, on ne considérait Taïwan que comme une province chinoise colonisée mais depuis, l’administration a cherché à devenir plus démocratique et à se détacher de la maison mère. Non sans difficultés.
Une volonté qui s’est traduite par un mouvement pour l’indépendance de Taïwan chez certains, de plus en plus fort ces dernières années ; ce qui ne plaît pas à la République chinoise, qui a menacé à plusieurs reprises d’une invasion armée.
Cette phrase innocente a donc été perçue par les Chinois comme une parole de soutien au mouvement de libération, et donc comme une trahison. Et pourrait expliquer le boycott du film, et cette chute drastique au box-office.
Cela prouve en tout cas que Hollywood, si elle veut continuer de gagner du terrain sur le box-office chinois, va devoir continuer à marcher sur des œufs et essayer de ne pas provoquer des polémiques qui pourraient irriter le gouvernement chinois, comme Nomadland a pu en faire les frais récemment.
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La question que l’on devrait plutôt se poser est celle-ci : les studios ont-ils raison de s’écraser ou non ? À l’heure de l’ultralibéralisme roi, on sait que la réponse ne sera pas dans le camp de la raison, mais dans celui des rendements économiques.