Face à la crise du papier, la presse cinéma appelle à l’aide

Face à la crise du papier, la presse cinéma appelle à l’aide

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Par Manon Marcillat

Publié le , modifié le

Douze magazines spécialisés ont pris la plume pour adresser une lettre au gouvernement.

Déjà fragilisée, la presse écrite subit de plein fouet la pénurie de papier, due à la crise du Covid et la guerre en Ukraine, qui ont radicalement augmenté ses coûts. À l’initiative de la corédactrice en cheffe de Cinemateaser, Emmanuelle Spadacenta, et de la directrice de publication de Revus et Corrigés, Eugénie Filho, douze magazines spécialisés dans le cinéma ont donc décidé d’unir leurs forces pour lancer un appel à l’aide dans une lettre adressée à la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, et à Dominique Boutonnat, président du CNC, le 1er septembre dernier.

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Cinemateaser, Revus et Corrigés, Les Cahiers du cinéma, Les Fiches du cinéma, French Mania, Mad Movies, Répliques, Rockyrama, La Septième Obsession, Sofilm, Sorociné et Positif ont donc pris la plume pour les alerter les pouvoirs quant à “la survie et la liberté de la presse culturelle indépendante”.

Face à l’augmentation des coûts d’impression et de transport pouvant “atteindre près de 50 %” qui ont mis les éditeurs indépendants de presse cinéma dans une “urgence financière et économique”, les signataires appellent le gouvernement à “une aide d’urgence à l’impression jusqu’à ce que la hausse du tarif du papier” cesse et à revoir à la hausse l’enveloppe de l’aide annuelle à la revue de cinéma (de 64 000 euros en 2021 pour 13 titres) “afin de pérenniser l’économie de [leurs] titres face à des prix qui ne baisseront pas de sitôt”.

Voici l’intégralité de la lettre intitulée “Quel avenir pour la presse indépendante” relayée par Télérama :

Nous, éditeurs indépendants de presse cinéma, tenons à vous faire part de l’urgence financière et économique dans laquelle nous nous trouvons. Pendant la crise sanitaire, due au virus du Covid-19, que les salles de cinéma soient ouvertes ou fermées, fréquentées ou désertées, soumises ou pas au pass sanitaire ou vaccinal, nous avons continué à publier en dépit des changements de dates de sortie ou des réductions drastiques de copies des films. Nous avons continué à informer, chroniquer, interviewer, alerter, encourager nos lecteurs à voir, revoir, louer ou acheter. Nous les avons incités à ne pas oublier l’importance de la culture en général, du cinéma en particulier, notamment en développant de nouveaux supports en ligne tout en maintenant notre activité imprimée.

Cette activité, nous l’avons maintenue en dépit de la fermeture par décret des points de vente pendant les confinements, dont les plus visités comme ceux des gares et des aéroports, lieux de passage où pendant très longtemps plus personne n’est passé. Nous sommes aujourd’hui témoins et victimes de la fermeture définitive de nombreux kiosques, maisons de la presse et librairies. Nous avons continué à publier à perte à cause de l’arrêt d’activité des distributeurs qui comptent parmi nos annonceurs. Aujourd’hui, nous sommes soumis à une crise publicitaire, conséquence directe d’une situation économique désastreuse qui n’est pas près de s’améliorer… Nous subissons les dommages collatéraux du délaissement alarmant des salles par les spectateurs.

Et comme un coup de grâce, les pénuries dues au Covid mais aussi à la guerre en Ukraine – viennent augmenter radicalement le prix du papier. Ces hausses sont répercutées par nos imprimeurs français qui nous imputent également les prix croissants de l’énergie pour la fabrication et la livraison. En six mois, les coûts d’impression et de transport d’un exemplaire ont augmenté au minimum de 20 % et peuvent maintenant atteindre près de 50 %. Nous subissons une pression de plus en plus importante pour baisser la qualité de notre papier et diminuer la pagination de nos titres. Certains d’entre nous déplorent déjà une détérioration qualitative de leur publication, qu’ils portent à bout de bras face aux groupes de presse. D’autres encore songent désormais à imprimer à l’étranger – alors que l’impression française était un choix éthique et politique important – tant cela met en danger la rémunération et l’emploi de leurs collaborateurs.

Nous offrons du texte, mais nous offrons aussi de l’image. Nous ne voulons pas imprimer sur des papiers qui ne rendent pas honneur aux cinéastes et à leurs techniciens. Nous désirons continuer à mettre en valeur leur travail. Nous ne voulons pas couper drastiquement dans notre pagination mais souhaitons offrir toujours plus d’espace aux sorties les plus fragiles, aux personnalités les moins connues. Nous ne voulons pas avoir à trier nos sujets en fonction de leur attrait commercial. Nous ne voulons pas arriver au stade critique où notre éditorial serait esclave d’accords financiers. Nous sommes des éditeurs indépendants et souhaitons le rester.

Il nous paraît également important que la presse écrite cinéma soit considérée à sa juste valeur. Aujourd’hui, comparativement aux aides à la création vidéo sur internet du CNC, l’avenir de la presse cinéma ne semble pas préoccuper les autorités. Quand cette aide à la création vidéo de plusieurs centaines de milliers d’euros par commission (et cinq commissions par an) bénéficie – très justement et nous ne souhaitons pas dévaloriser cette production – à quelques créateurs, une poignée de sociétés de production, peu d’employés et la société américaine Youtube, la presse écrite cinéma embauche, produit et diffuse en France, créant de la TVA et du chiffre d’affaire pour les imprimeurs, les distributeurs, les kiosques, les librairies… L’enveloppe de l’aide annuelle à la revue de cinéma – de 64 000 € en 2021 pour 13 titres – ne reflète pas cette réalité-là.

Nous sollicitons ainsi auprès de vous une aide d’urgence à l’impression jusqu’à ce que la hausse du tarif du papier cesse, ainsi qu’une revalorisation des aides annuelles à la presse cinéma afin de pérenniser l’économie de nos titres face à des prix qui ne baisseront pas de sitôt. La survie et la liberté de la presse culturelle indépendante sont en jeu.