Fin mars, Teen Vogue consacrait un sujet sur l’hypersexualisation des femmes asiatiques à Hollywood, une pratique cinématographique qui participe largement au racisme insidieux qui touche la communauté. Sous la plume d’India Roby, le média fait le lien entre les représentations racistes des Asiatiques au cinéma et leur cruel manque de représentation dans l’industrie hollywoodienne.
Selon les chiffres de l’U.S. Census Bureau en 2019, les Asiatiques ou les Américain.e.s d’origine asiatique représentent 5,7 % de la population des États-Unis. À titre comparatif, ces derniers ne représentaient que 3,1 % des rôles au cinéma en 2016, selon Hollywood Diversity Report, une étude du UCLA rendue publique en 2018.
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#ExpressiveAsians, #StarringJohnCho… Outre les hashtags qui rendent justice sur Twitter, de nombreux·ses acteur·rice·s prennent la parole pour alerter sur les pratiques d’Hollywood, qui ne distribuerait que 1 % des rôles principaux à des acteurs asiatiques ou qui obligerait les artistes à changer de nom, sous prétexte qu’il n’est pas facile à retenir.
(Uma Thurman et Lucy Liu dans Kill Bill © Miramax)
Le concept de la “Dragon Lady”
Actrice phare de Kill Bill, Lucy Liu incarne O-Ren Ishii, la leadeuse charismatique des Yakuzas qui a fait ses armes dans le Détachement international des vipères assassines. Pour Teen Vogue, son rôle est problématique car elle répond au stéréotype de la “Dragon Lady”. Considérées comme fortes, trompeuses, dominatrices, mystérieuses et sexuellement séduisantes, ces figures féminines sont également réputées pour menacer la masculinité.
Dans les colonnes du Washington Post, Lucy Liu a exprimé son désaccord face aux analyses d’India Roby, qui considère O-Ren Ishii comme l’illustration contemporaine parfaite de la “Dragon Lady”. L’actrice insiste sur le fait qu’elle ne doit pas être un cas isolé, juste parce qu’elle est d’origine asiatique et réfute cette interprétation :
“‘Kill Bill met en scène trois autres tueuses à gage, en plus d’Ishii. Pourquoi ne pas dire qu’Uma Thurman, Vivica A. Fox ou Daryl Hannah sont des ‘dragon ladies’ ? La seule conclusion que je peux en tirer c’est parce qu’elles ne sont pas asiatiques. J’aurais pu porter un smoking ou une perruque blonde, j’aurais toujours été une ‘dragon lady’ à cause de mon appartenance ethnique.”
S’il est évidemment primordial pour elle de s’éloigner des stéréotypes nuisibles, Lucy Liu reconnaît qu'”il n’est pas facile de se débarrasser de près de 200 ans d’images réductrices et de condescendance”.
Une actrice à part
Dans le Washington Post, la comédienne estime qu’elle a été très chanceuse de mener une carrière aussi riche, refusant systématiquement d’être choisie pour des rôles dits “typiquement asiatiques“. Faisant assurément partie de ces gens qui préfèrent voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide, Lucy Liu souligne l’importance d’un autre de ses rôles phares, dans la franchise Charlie’s Angels :
“Si l’on veut parler d’une chose iconique, mon personnage d’Alex Munday a permis une certaine normalisation de l’identité asiatique auprès du public mainstream et a encouragé l’Amérique à devenir un peu plus inclusive.”
Par ses rôles éclectiques et sa grande renommée à Hollywood, Lucy Liu peut se targuer d’avoir ouvert la brèche à un cinéma progressiste. D’abord découverte dans la saison 2 d’Ally McBeal en 1998, Lucy Liu s’est bâti une carrière remarquable au cinéma avant de revenir, très récemment sur le petit écran.
Après sept saisons dans la peau de Joan Watson dans Elementary, on a pu la voir l’an passé dans Why Women Kill, la série anthologique de Mark Cherry, le créateur de Desperate Housewives. Au regard de ces derniers projets et avec cette prise de parole radicale, Lucy Liu prouve qu’elle a su évoluer en refusant de se formater à l’industrie du cinéma.