John Casablancas fut le fondateur de l’agence de mannequins Elite. À l’occasion de la sortie de Casablancas : l’homme qui aimait les femmes, nous avons retracé sa vie mouvementée avec Hubert Woroniecki, le réalisateur de ce documentaire fascinant.
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John Casablancas a mené une vie à cent à l’heure. Né à Manhattan en 1942 de parents issus de la bourgeoisie industrielle espagnole, il fonde Elite, à Paris, en 1972. En une poignée d’années, son entreprise devient la plus grosse agence de mannequins au monde. Avec son flair infaillible, il participe à la création des “super-models” et fait des jeunes Naomi Campbell, Linda Evangelista ou encore Cindy Crawford de véritables icônes, dont les noms résonnent encore aujourd’hui.
Alors forcément, quand il conte son existence à son ami de longue date, le réalisateur français Hubert Woroniecki, le résultat est plus que rocambolesque. Casablancas : l’homme qui aimait les femmes, qui sort ce mercredi 29 juin en salles, est un film à la frontière entre le documentaire et la fiction. Narré par la voix grave et envoûtante de John Casablancas lui-même, ce long métrage retrace l’existence d’un homme charismatique, entreprenant et visionnaire, qui a réécrit les règles du jeu tout au long de sa vie.
“Je me suis rendu compte que rien d’intéressant n’avait été fait sur les agences de mannequin au cinéma, relate Hubert Woroniecki pour expliquer la genèse de son projet. J’ai eu envie de faire un film positif parce que j’ai passé huit années de ma vie à exercer ce métier, pendant lesquelles je me suis vraiment marré.” Et d’ajouter :
“Bien sûr, il y a des côtés obscurs ; mais l’ensemble des personnes que j’ai rencontrées auraient eu des vies vachement moins drôles sans le mannequinat ! Et puis, j’avais la personne idéale pour raconter tout ça : John Casablancas. Un vrai personnage de cinéma.”
“Son amour des femmes a guidé toute sa vie”
John Casablancas avait deux atouts principaux. D’abord, il était un redoutable businessman qui a su créer, avec une audace infinie, un empire vertigineux. “Il est arrivé sur un marché dominé par les Américains, principalement par Eileen Ford [de l’agence de mannequin Ford, ndlr] qui était une femme très conservatrice, très classique, rappelle Hubert Woroniecki. Et lui, il est arrivé avec son côté playboy européen, qui emmerde tout le monde… c’est ça qui a fait avancer les choses. Ça lui a permis de faire exploser les codes jusqu’alors établis.”
Surtout, John Casablancas aimait profondément les femmes. Un amour qui a souvent suscité la jalousie, voire la polémique – notamment quand il est sorti avec Stéphanie Seymour lorsqu’elle avait 16 ans, et lui 42 – mais qui l’a surtout guidé tout au long de son existence :
“Tout le monde voit John comme un grand playboy qui a couché avec les plus belles femmes du monde parce qu’il avait créé Elite. Mais en réalité, et c’est ce qui m’a intéressé, c’est tout l’inverse : c’est parce qu’il couchait avec les plus belles femmes du monde qu’il a créé Elite.
Son amour des femmes a guidé toute sa vie. Du moment où il se fait dépuceler sur la plage de Cannes à celui où il couche avec la bonne de l’école, un acte pour lequel il se fait virer et ne peut donc pas faire les études qu’il souhaitait… Tout a toujours été comme ça.”
“Il me reste six mois à vivre”
En 2012, tandis qu’Hubert Woroniecki travaille à son rythme sur ce documentaire, les choses s’accélèrent brutalement. “À l’époque, je travaillais à temps plein avec le photographe Peter Lindbergh, donc je faisais ce film sur John un peu à côté, quand j’avais le temps, dans ma cuisine…, se souvient le réalisateur. Et puis un jour, il m’appelle et me dit : ‘Je sors de chez le docteur. Il me reste six mois à vivre.’” Il poursuit :
“En apprenant la nouvelle, je lui ai montré une première version du film. C’était très émouvant, parce qu’il regardait sa vie défiler tout en sachant qu’il allait mourir quelques mois plus tard – il avait un cancer.
Il s’est battu comme une brute. Il avait même trouvé une ferme à Cuba où les gens se soignent avec du venin de scorpion. Comme la médecine classique le condamnait, et que par ailleurs il avait encore des enfants assez jeunes, Cecile et Julian, il a tout fait pour rester en vie le plus longtemps possible.”
Après des mois de bataille, John Casablancas décède des suites du cancer le 20 juillet 2013 à Rio, au Brésil, où il vivait après avoir revendu les parts d’Elite en 2000, époque à laquelle son fils, Julian Casablancas, dévoile avec son groupe The Strokes l’album Is This It, qui connaît un succès notable. “Finir le film par le morceau ‘Is This It’ des Strokes était une façon de dire que l’histoire continue : le père tire sa révérence, mais le fils devient une rock star“, analyse Hubert Woroniecki. Et de conclure :
“John Casablancas avait énormément d’appétit pour la vie. On peut même dire qu’il en a eu plusieurs, et qu’il n’en a regretté aucune. La seule chose qu’il aurait aimé, c’est vivre plus longtemps pour voir ses enfants grandir. Ou faire un deuxième tour de manège, si ça avait été possible.”
Le film Casablancas : l’homme qui aimait les femmes d’Hubert Woroniecki est à découvrir au cinéma dès le mercredi 29 juin.