Amatrice bien réelle du YouTube ménager, Gabrielle Stemmer s’apaise, elle aussi, devant les centaines de vidéos de ces housewives nord-américaines qui rangent, nettoient et astiquent leur intérieur pour le plaisir de leurs millions d’abonnés. Devenue familière du quotidien factice des cleaning influencers, elle a voulu interroger ces images et l’envers du décor d’un étrange phénomène de mode internet en questionnant la féminité et la dépression.
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Pour réaliser son film de fin d’étude, la réalisatrice diplômée de la section montage de la Fémis a dû respecter une contrainte imposée par l’école : intégrer à son projet des images d’archives et exploiter la multitude d’images préexistantes. Son film documentaire, intitulé Clean with Me (Ater Dark), est donc exclusivement tourné sur un écran d’ordinateur, et sa trame narrative est uniquement constituée de vidéos d’archives disponibles sur Internet.
Après avoir remporté plusieurs prix en festival, il est actuellement disponible gratuitement et en intégralité sur Tënk.
Inspirée par le long-métrage Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles de Chantal Akerman, qui filmait le quotidien aliénant d’une veuve et mère de famille bruxelloise régie par des tâches répétitives, Gabrielle Stemmer scrute sans aucun cynisme ces influenceuses ménage pas très #Metoo qui performent l’acte ménager dans des challenges vidéo.
Mais très vite, ce montage ingénieux et silencieux, sans aucun commentaire ni interview, va esquisser une autre histoire, et Gabrielle va nous entraîner dans les recoins plus sombres et moins propres du quotidien de ces femmes. À l’affût de détails qui trahissent les failles de leur vie parfaite, elle tente de comprendre ce qui se passe derrière les vitres propres des pimpantes maisons de banlieues américaines hautement cinéphiles qu’elle scrute sur Google Maps.
Car pour nombre de ces influenceuses, le ménage a également une vocation thérapeutique, et leurs vidéos sont surtout l’occasion de tromper leur solitude de femmes au foyer et de se confier sur leur mal-être, leur anxiété et leur charge mentale. Avec Clean with Me (Ater Dark), Gabrielle Stemmer recycle des images préexistantes pour composer un patchwork qui interroge ces nouveaux modèles de féminité sans les juger.