En Europe, la restitution des œuvres pillées pendant les colonisations est bien lente

En Europe, la restitution des œuvres pillées pendant les colonisations est bien lente

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© Dim Hou/Unsplash

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Par Konbini avec AFP

Publié le , modifié le

État des lieux concernant les situations en Belgique, en Allemagne, au Portugal et au Royaume-Uni.

Comme la France, où un projet de loi-cadre attend toujours d’être examiné au Parlement, plusieurs pays européens sont engagés dans un long processus de restitution d’œuvres d’art pillées durant la colonisation, sur le continent africain notamment.

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Belgique

La Belgique a transmis en février 2022 à la République démocratique du Congo un inventaire de plus de 80 000 objets culturels, provenant essentiellement de son ancienne colonie du Congo. Quatre mois plus tard, la Belgique a adopté une loi pour encadrer les restitutions des biens spoliés entre 1885 à 1960, période pendant laquelle le Congo (actuelle RDC) a été la propriété personnelle du roi Léopold II, puis une colonie belge.

Les deux pays travaillent à la mise en œuvre effective des restitutions, selon Bruxelles qui signale “un effort de recherche sur la provenance des collections fédérales”, mené principalement au Musée royal de l’Afrique centrale avec l’implication de chercheur·se·s congolais·es. À la fin des années 1970, ce musée avait rendu au pays, à l’époque le Zaïre, 114 objets, mais de qualité secondaire. Au printemps 2022, avant le vote de la loi, un masque géant kakuungu qui était utilisé pour des rites d’initiation de l’ethnie Suku, a été “prêté” pour une durée “illimitée” au Musée national à Kinshasa.

Allemagne

Un document-cadre visant à accélérer les restitutions a été signé en mars 2019 par les autorités culturelles allemandes. Berlin a restitué quelques mois plus tard à la Namibie la croix en pierre de Cape Cross, érigée au XVe siècle pour guider les navigateurs portugais et expédiée dans les années 1890 à Berlin, pendant la colonisation allemande. 23 autres pièces ont ensuite été remises en 2022 à la Namibie, sous la forme d’un prêt à durée indéterminée au Musée national à Windhoek.

Après des années de négociations, un accord a par ailleurs été conclu en juillet 2022 entre Berlin et le gouvernement nigérian pour la restitution d’environ 1 100 œuvres de l’ancien royaume de Bénin (situé dans l’actuel Nigeria), pillées par les Britanniques à la fin du XIXe siècle et aujourd’hui réparties entre une vingtaine de musées allemands. Les 22 premiers bronzes ont été restitués en décembre 2022. Mais la région de Saxe a mis les démarches sur pause après la promulgation en mars 2023 au Nigeria d’un décret conférant la propriété des œuvres rapatriées au Oba de Bénin (chef traditionnel), et non à l’État nigérian, disant se demander si elles seront dans ces conditions accessibles au public. La Bavière ne s’est pas engagée non plus.

Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, des lois datant des années 1960 et 1980 empêchent les musées nationaux d’effectuer des restitutions, et le cadre juridique ne semble pas près d’évoluer. Ceci bloque notamment un retour en Grèce des frises du Parthénon, au cœur d’une brouille de longue date, devenue très symbolique, entre Londres et Athènes.

Concernant les biens culturels africains, le British Museum et le Victoria and Albert Museum ont récemment conclu, après un demi-siècle de discussions, un accord pour le prêt à long terme de 32 objets en or et en argent de la cour royale ashanti dérobés à l’époque coloniale dans l’actuel Ghana.

D’autres musées non nationaux et universités ont ces dernières années effectué des restitutions. L’université de Cambridge a par exemple remis en 2021 au Nigeria un coq en bronze volé par les forces britanniques en 1897 lors de la destruction de Benin City, alors capitale du Royaume du Bénin. En 2022, le musée Horniman de Londres a rendu 72 artefacts pillés à Benin City. L’Éthiopie a récupéré en 2021 des trésors antiques pillés au XIXe siècle et d’autres objets, dont une réplique des tables de la loi, en septembre 2023.

Portugal

Au Portugal, une proposition de loi sur le sujet a été rejetée en 2021. Le ministère de la Culture a toutefois lancé fin 2022 la constitution d’un inventaire d’œuvres susceptibles d’être restituées.