Le rappeur indonésien fait table rase du passé en modifiant son nom pour la sortie de son premier album studio.
À voir aussi sur Konbini
Quelques semaines après “Crisis”, son intrépide duo avec 21 Savage, Rich Chigga présente le titre “See me”. Encore une fois, c’est lui qu’on retrouve à la prod’ de ce son tendre et minimaliste qui lui offre l’occasion de varier les flows. Ce morceau, tout comme le précédent, “Crisis”, apparaîtra sur Amen, son premier album studio annoncé pour le 2 février prochain. En vue de cette sortie décisive, le rappeur indonésien semble définitivement prêt à changer l’image qui lui colle à la peau en troquant son nom de scène pour son nom de ville.
Pour ceux qui ne le connaissent pas encore, Rich Chigga a démarré sa carrière en 2010 en créant du contenu humoristique sur Twitter et des vidéos sur Vine. Né à Jakarta en 1999 dans une famille d’origine chinoise plutôt aisée, c’est à l’âge de 13 ans qu’il commence à écouter des morceaux de hip-hop américain sur les recommandations de ses amis virtuel. Il apprend ainsi l’anglais de manière autodidacte en écoutant des artistes tels que Childish Gambino, 2 Chainz, Macklemore ou encore Tyler, The Creator. Son rap, à la confluence de la parodie et de la satire, des références hip-hop et de la culture Internet, est donc né de ce parcours en deux temps.
En février 2016, tout bascule lorsque le jeune homme sort le clip de “Dat $tick” dans lequel on le découvre vêtu d’un polo rose, déambulant avec des hommes de main armés. La vidéo totalement burlesque devient rapidement virale et cumule aujourd’hui les 80 millions de vues. À l’époque, elle lui permet de signer avec CXSHXNLY, collectif qui représente les artistes asiatiques à l’international notamment à travers la compagnie de production 88rising qui, le temps d’une vidéo YouTube, fait visionner le clip à des rappeurs aussi connus que 21 Savage ou Ghostface Killah. Ces derniers sont enthousiastes. Un des membres du trio new-yorkais Flatbush Zombies explique : “Il a trouvé un moyen de dire le mot ‘nigga’ sans vraiment le dire.”
À ce sujet, les opinions des rappeurs interrogés diffèrent. Pour beaucoup, Chigga semble régurgiter sans les mettre en perspective certaines références des artistes noirs qu’il a écoutés en grandissant et à qui il semble vouloir rendre hommage. Le rappeur use du “N-word” et reproduit avec un humour très premier degré les clichés d’une masculinité violente.
“Amen”
— Brian (@iambrianimanuel) 19 décembre 2017
My debut project. February 2nd. Thank you™ pic.twitter.com/hWGBR1KpDF
Quand le clip de “Dat $tick” a commencé à cartonner (et aujourd’hui encore), le jeune rappeur avait été vivement critiqué sur les réseaux sociaux. Les raisons : la connotation raciste que comportait son nom de scène, contraction de “chinese” et “nigga”, l’utilisation intempestive du même mot “Nigga” dans les paroles de ses morceaux ainsi que l’appropriation culturelle qui semblait imprégner sa démarche artistique. Pour certains, il s’agissait de naïveté de la part d’un jeune homme qui a grandi dans un pays où les rapports et problématiques entre les communautés ne sont pas les mêmes qu’aux États-Unis et qui a construit sa culture hip-hop uniquement en visionnant des vidéos sur YouTube.
Sur Genius, l’intéressé explique : “J’avais l’habitude de produire pas mal de contenus rap-comédie, et j’ai juste fait ça pour le fun.” Le morceau semble être pour lui l’occasion de livrer une satire de la société indonésienne, puisqu’il ajoute que le refrain dénonce les combats de rue entre jeunes mais aussi la corruption policière. Le jeune homme est donc difficile à saisir, comme le souligne le magazine The New Yorker : “Tout comme son nom de scène, le morceau est un hommage enthousiaste mais décontenançant qui soulève les questions de l’appropriation et de la sincérité”.
Interrogé par le magazine américain The Fader, le rappeur avoue juger son nom “idiot et ignorant”, et prévient : “Je pourrais le changer dans le futur, je ne sais pas.” Plus tard, quand un journaliste du New Yorker évoque avec lui les questions raciales liées à ce choix, il développe : “C’est pour ça que je le hais. Il y a la race dedans.”
Définitivement renseigné, et résolu à changer, le jeune rappeur dit d’ailleurs avoir arrêté d’utiliser le N-Word dans ses morceaux, modifiant au passage son approche de l’écriture. “J’essaye d’éviter d’écrire sur les armes et le fait de tuer des gens dans ces nouveaux morceaux. Je veux écrire à partir de ma propre expérience.” Ce 1er janvier, il a officialisé son changement de nom sur Twitter, signant désormais ses prises de parole et ses morceaux de son vrai nom : Brian (Imanuel).
Yes I now go by “Brian”. I have been planning to do this forever and I’m so happy to finally do it. I was naive & I made a mistake. new year, new beginning, happy new years™️
— Brian (@iambrianimanuel) 1 janvier 2018
Traduction : “Je continue désormais avec Brian. J’avais prévu de faire ça depuis bien longtemps et je suis heureux de finalement le faire. J’étais naïf et j’ai fait une erreur. Nouvelle année, nouveau commencement, bonne année.”