Émoji cœur réparé : Iliona, touche-à-tout sentimentale, est la voix francophone de 2025

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Émoji cœur réparé : Iliona, touche-à-tout sentimentale, est la voix francophone de 2025

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© Adrien “hazembsm” Antoine

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Par Flavio Sillitti

Publié le , modifié le

La musicienne belge s’apprête à sortir son premier album, l’occasion de prendre la température avant le grand envol bien mérité.

Depuis plus de quinze ans, Konbini reçoit des artistes et personnalités mondialement connu·e·s de la pop culture, mais a aussi à cœur de spotter des talents émergents.

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Musicienne bruxelloise touche-à-tout aux mille facettes, comparée à Barbara après le succès de son sublime “Moins Joli” en 2021, propulsée par les succès de ses premiers EPs Tristesse et Tête brûlée, Iliona, 24 ans, s’apprête à sortir son tout premier album. D’une sincérité et d’une modernité folles, autant porté par des piano-voix déchirants que des hybrides tournés vers le futur, ce disque baptisé WHAT IF I BREAK UP WITH U? risque bien de retourner l’année 2025 et de placer, enfin, la jeune artiste au haut des sommets qu’elle semble destinée à gravir.

“Je n’arrive pas à croire que des gens aiment ma musique”, nous lance Iliona, dont l’humilité farouche et terre à terre tranche avec la garde-robe du jour, qu’elle nous détaille tandis que le dernier album de Mk.gee, son coup de cœur de 2024, résonne dans la pièce. La première fois qu’on la rencontre, en Belgique, pour le tournage de son clip “Reste” en 2020, elle s’extasie devant un sac Off-White qu’on vient de lui envoyer, sans qu’elle ne sache trop pourquoi. Quelques années plus tard, rien n’a changé : l’humble ingénuité est toujours là — “Pourquoi moi ?” — mais les cadeaux sont plus luisants : de Chanel à Acne Studios, toutes les griffes assez clairvoyantes veulent habiller la prochaine grande voix francophone. On les comprend.

“La musique, c’est le seul endroit où je ne me regarde pas.”

Loin du nom de son premier projet, Tristesse, et des sonorités qui enveloppent la majorité de sa discographie, le sourire immaculé et l’étincelle joueuse dans les yeux d’Iliona irradient la plupart des pièces où elle passe. “En vrai, la tristesse, elle me quitte tout le temps”, partage la chanteuse. “Je suis quelqu’un d’optimiste, de joyeux, de drôle.” Sa musique, pourtant, semble toujours triste. “C’est vrai. C’est parce que dans ma vie perso, quand je ne suis pas bien, ma seule manière de le régler, c’est de voir ma psy et d’écrire des chansons.”

De ses chaos naissent des compositions complexes, souvent en désaccord avec les logiques marchandes d’une industrie qui favorise la recette toute faite plutôt que la créativité débridée. Et, miracle, ça paie. En 2020, tout démarre alors sur les chapeaux de roue pour la musicienne, qui est déjà passée par notre Trou Story, les plateaux TV influents et toutes les playlists qui propulsent.

Sauf que là où la plupart des jeunes pousses auraient battu le fer encore brûlant en cumulant les sorties et les streams dans la foulée, c’est dans un surprenant silence de deux ans qu’Iliona trouve sa paix. “Disparaître, je n’ai pas trouvé ça courageux. C’était évident pour moi qu’il ne fallait pas prendre la parole si je n’avais rien d’intéressant à dire.” Amen.

© Adrien “hazembsm” Antoine

Deux ans plus tard, le public l’attend de pied ferme, en témoigne le million d’écoutes mensuelles qui se tient fidèlement patient sur les plateformes de streaming, incluant les oreilles des pointures internationales, dont celles de l’immense Blood Orange, qui lui témoigne son admiration en DM sur Instagram. “Ce jour-là, j’ai dissocié. Pendant une demi-seconde, je me suis dit qu’il avait peut-être vraiment bien aimé. Puis ça s’arrête, le syndrome de l’imposteur revient et je me dis qu’il s’est trompé de personne.” C’est que pour Iliona, difficile de croire que les gens les aiment, elle et sa musique. Et pourtant.

Si “Moins joli” a séduit par son écriture à fleur de peau, la même magie opère sur ce premier album, notamment sur un morceau charnière pour elle, piano-voix de plus de cinq minutes qui massacre la gueule et le cœur — elle a d’ailleurs écrit le titre au même moment que “Moins joli”, à 18 ans seulement. 

À propos de ce morceau, qui semble constituer le nœud névralgique de l’album, elle raconte : “Je n’osais déjà pas sortir ‘Moins joli’ à l’époque, alors celui-là, encore moins. C’était au placard. Mais c’est une chanson qui était très importante pour moi et qui l’est restée. Je ne savais pas si j’allais l’assumer un jour.” C’est qu’entre les textes déversés dans l’intimité et le vertige du partage, l’écart est grand. “Écrire une ligne sincère, c’est facile. Tu sais que tu peux la jeter s’il faut mais la garder, l’assumer et la chanter, ça, c’est chaud.”

Six ans plus tard, pourtant, pour son premier album, Iliona semble enfin prête à passer le cap : “Si elle ne sort pas maintenant, elle ne sortira jamais. Je n’ai même pas touché au texte.” Le titre, central pour sa discographie, raconte l’enfance et l’adolescence de la jeune femme, et s’inscrit dans une chronique passionnante du passage à l’âge adulte croisé par un récit de cœur brisé, laissant place à des instants de vulnérabilité touchants, qui lui font pourtant pitié, comme elle le chante sur un titre autobiographique présent sur le disque. “En vrai, c’est insupportable de s’entendre pleurnicher sur son piano”. 

“J’adore être présente de la seconde 1 à la toute fin, en totale autonomie.”

Ne vous étonnez pas à la lecture des crédits des disques, des clips et de toutes les productions d’Iliona : elle est partout, tout le temps. Elle écrit, compose, enregistre, mixe, réalise, supervise. C’est important. “Je n’ai jamais travaillé autrement”, nous confie celle qui a fait naître ses deux premiers jets, Tristesse et Tête brûlée, depuis l’antre de sa chambre bruxelloise. Si on était vulgaires, on parlerait de bedroom pop, mais sa musique se passe volontiers d’étiquette, entre beats jungles sur “Le Lapin” et minimalisme électronique sur “Rater une rupture pour les nuls”, singles déjà disponibles. “Quand on me demande ce que je fais comme musique, je ne sais pas quoi répondre. Allez écouter”.

Pour ce premier album, toutefois, Iliona quitte le confort de sa chambre pour les studios Rue Boyer, dans le XXe arrondissement de Paris, qui ont déjà vu défiler des noms comme ceux de ROSALÍA, Pharrell Williams, Jack Antonoff (le producteur de Taylor Swift) et même Beyoncé. De sa chambre d’enfance à l’un des plus prestigieux studios d’enregistrement du globe, il y a un monde, mais Iliona ne change pas sa formule pour autant : entre spontanéité naturelle dans les paroles et minutie millimétrée dans les compositions instrumentales, qu’elle coud main avec maestria. “La musique, pour moi, elle doit être impeccable.”

“J’espère juste que mes chansons rencontreront les gens qui ont besoin de les entendre.”

Quand on lui parle de futur, Iliona nous arrête net : “Je t’avoue que je n’arrive pas du tout à me projeter. Je ne me projette que très rarement dans le futur, même à court terme.” Tout ce qu’elle peut se souhaiter, à elle et ses chansons, c’est une rencontre “avec les gens qui ont besoin de les entendre”.

C’est notamment la dimension cathartique d’une œuvre qui l’intéresse et qui la guide dans son processus : “J’aimerais juste que les chansons fassent du bien à au moins une personne, comme moi, je peux être touchée et guérie par les chansons que j’écoute. C’est pour cette raison que je fais de la musique depuis toutes ces années et je pense que ce sera le cas pour toujours.”

Les recos d’Iliona

  • Une série : New Girl créée par Elizabeth Meriwether.
  • Un restaurant bruxellois : Primo, à Ixelles. “Pâtes fraîches exceptionnelles, pas très cher. Ils sont trop sympa !”
  • Un compte Instagram : @longszn. “Des petits personnages poétiques.”
  • Un disque : QWERTY de Saya Gray

Vous pouvez suivre Iliona sur Instagram et écouter sa musique via les plateformes de streaming.

© Adrien “hazembsm” Antoine