Disiz frappe fort avec le clip “Hiroshima”, et nous raconte son retour

Disiz frappe fort avec le clip “Hiroshima”, et nous raconte son retour

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Par Henri Margueritte

Publié le

“Il fallait que je laisse sortir le dragon.”

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C’est un retour précoce mais visiblement nécessaire. Moins de deux ans après la sortie de son superbe album Pacifique, Disiz reprend du service avec le clip “Hiroshima”, premier avant-goût de son douzième album, Disizilla, dont la sortie est prévue le 14 septembre prochain.

18 ans après la sortie de son classique Poisson rouge, Disiz s’apprête à écrire un nouveau chapitre de sa longue carrière, innovante et éclectique. Et si Pacifique était une forme de quête mûrement réfléchie de la paix intérieure, ce n’est pas le cas de Disizilla, bien au contraire.

Dans cet album, le rappeur de 40 ans mène une bataille frontale contre lui-même. Comme une envie soudaine d’aller en studio et d’y mettre toutes ses tripes, sans trop réfléchir, qu’il définit lui-même comme “une pulsion fulgurante”. Disiz le rappeur est avant tout un artiste qui cogite et en perpétuelle remise en question. “Hiroshima” en est la parfaite illustration.

Entre deux séquences lors du tournage du clip qui illustre ce nouveau titre, il a répondu à nos questions. Le temps pour lui de livrer son ressenti sur ce nouveau projet.

Konbini | Salut Disiz ! Ça fait un peu plus d’un an que tu as sorti Pacifique. Qu’est-ce qui a motivé un retour aussi rapide de ta part ?

Disiz | Une espèce de colère, de rage, et surtout un regain de puissance qui a fait que j’avais une envie fulgurante d’aller en studio, d’écrire sans réfléchir et de poser sur des intrus, tout simplement. C’est la première fois que je fais un disque dans ce genre, c’est complètement à l’opposé de Pacifique. Il est irréfléchi. J’avais cette pulsion en moi depuis longtemps. Je me suis autorisé à la lâcher.

Dans “Hiroshima”, tu dis avoir été “irradié” par ton passé. Qu’est-ce qui a provoqué ces radiations ?

Je pense que c’est un contexte familial, l’histoire chaotique entre mes parents, le fait de grandir dans la précarité, dans un quartier assez chaud. Mais on est tous irradiés, c’est juste que ce ne sont pas les mêmes radiations. Tu peux grandir dans le 16e, avoir un père absent et être irradié par ce manque d’affection.

Entre Pacifique et aujourd’hui, qu’est-ce qu’il s’est passé dans ta tête ?

Dans Pacifique, je laissais déjà transparaître mes tortures et tourments. Sauf que j’avais envie de les comprendre, les accepter, les nuancer et les peindre. Alors que là, dans Disizilla, c’est frontal. J’ai accepté de mettre du laid dedans, parce que la laideur fait partie de moi, fait partie du monde.

J’ai une anecdote à ce sujet : j’étais sur l’autoroute, je rentrais sur Paris avec mes enfants. Là, il y a un mec qui me fait une queue de poisson. Je lui fais un appel de phares, le mec pile, puis il se met à mon niveau et me lance : “Pourquoi tu fais des appels de phares ?” Il est reparti en me refaisant une queue de poisson.

À ce moment-là, j’ai vrillé. C’est comme si tous mes stigmates de banlieusard ressortaient. Comme si je faisais abstraction de ma situation de père de famille. Je l’ai suivi parce que je n’avais qu’une envie : le démonter. Je me sentais comme hypnotisé par la violence.

Quand je suis rentré, je me suis demandé comment ce curseur de violence pouvait se “réenclencher” aussi vite. Ce rapport à la violence, c’est ce que je raconte dans le morceau avec Niska. Même si tu as 40 ans aujourd’hui, quand tu grandis dans un certain milieu, ce rapport à la violence peut ressortir comme un bouton d’herpès.

C’est ton 12e album. Est-ce que tu as l’impression de prendre un tournant avec ce projet ?

J’ai subi une espèce d’enchaînement d’évènements un peu douloureux dans ma vie après Pacifique. Ma matière première, ce sont les émotions. Il y a une espèce de retour à “J’pète les plombs”. Cette impression d’être en porte-à-faux vis-à-vis de la société fait que, parfois, il y a des frictions et tu pètes un câble.

Il y a des artistes qui donnent volontairement une fausse image d’eux. Moi, c’est involontaire. J’ai une image de quelqu’un de posé, de cool, mais j’ai une folie en moi qui a toujours existé. Parce que je suis père de famille, parce que j’ai une certaine forme de spiritualité, c’est quelque chose que je contrôle et que j’éteins. Mais avec tout ce que j’ai vécu récemment, je ne pouvais pas le contrôler.

Est-ce qu’on doit s’attendre à ce que ton nouvel album soit aussi “pacifique” que le précédent ?

Non, non, non… Déjà, je pense que Pacifique était un mauvais titre d’album. Parce que je le comprenais dans le sens “je cherche l’apaisement” et pas “je suis apaisé”. C’est pour ça que, celui-là, je l’ai appelé Disizilla. Ça parle de monstruosité, d’alter ego, du Zilla qu’il y a en chacun de nous.

C’est quoi le message que tu veux faire passer avec cet album ?

Je pense que la notion de message sur cet album est complètement absente. Parce que, justement, j’ai enlevé le verrou. Il fallait que je laisse sortir le dragon. Il n’y a pas de message, c’est une énergie pure, sans analyse.

Disons que le bleu est la couleur de Pacifique. De quelle couleur est Disizilla ?

Vert fluo, vert rouillé. Quelque chose de frelaté, de toxique, qui sent comme de l’éther.

Tu peux m’expliquer ton délire avec le dragon sur Insta ?

C’est la vision asiatique des monstres que j’ai voulu évoquer. Quand tu regardes Le Voyage de Chihiro ou même Akira, la notion de monstre n’est pas manichéenne, n’est pas bien ou mal. Si tu prends Godzilla, il nique tout mais, en réalité, il ne calcule personne, il livre un combat séculaire, millénaire avec un autre monstre qui est encore plus balèze.

Là, le message que j’ai voulu transmettre, c’est : on s’en fout de vos petits problèmes d’humains, il y a des combats qui nous dépassent.

Si tu devais retenir juste un mot pour définir ton album ?

Déflagration.

Disizilla, le 14 septembre dans les bacs. Pour ceux qui ne peuvent pas attendre jusque-là, des sessions d’écoute en public auront lieu le 27 août à Nantes, le 28 à Lille, le 29 à Marseille et le 31 août à Paris.