Depuis plus de 10 ans, le photographe Hasan Belal documente les conditions de vie du peuple syrien

Depuis plus de 10 ans, le photographe Hasan Belal documente les conditions de vie du peuple syrien

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© Hasan Belal

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Par Lise Lanot

Publié le

Le photographe syrien fait partie des nombreux artistes qui se sont réunis pour venir en aide aux victimes des séismes dans le cadre du projet "0602".

À 29 ans, Hasan Belal se rappelle encore parfaitement la première fois où il a tenu un appareil photo entre ses mains : “J’empruntais celui de ma cousine, ma famille me demandait de les prendre en photo […] et je me souviens des frissons qui me parcouraient quand je prenais les photos. Ma famille n’avait pas assez d’argent pour m’en offrir un donc j’ai demandé à ma tante de m’en apporter un.” C’était en 2009.

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Plus tard, lorsque la guerre civile débute en Syrie, le jeune homme devient bénévole dans une ONG de Tartous, sa ville natale. Il commence à “documenter les programmes et activités” du centre avant de partir pour “Douma, dans la Ghouta orientale, une des villes les plus dangereuses de la guerre”. Les images qu’il y prend, notamment de l’impossibilité pour la population de circuler dans la ville, lui permettent d’obtenir une bourse d’apprentissage du photojournalisme.

Syrian Thoughts on Public Transportation. (© Hasan Belal)

Depuis, Hasan Belal documente les réalités vécues par ses compatriotes, des problèmes liés au transport dans les villes syriennes (avec sa série Syrian Thoughts on Public Transportation) aux conséquences désastreuses des séismes survenus début février. Décidé à mettre en lumière les “grandes difficultés” subies au quotidien par le peuple syrien, le photographe n’omet pas les obstacles qui entravent sa volonté documentaire.

“D’un côté, il y a les gens qui vivent tant de difficultés, qui ont déjà perdu tant de choses pendant la guerre, à cause de la crise économique, qui sont épuisés mentalement, sont sous pression et avec qui il peut être difficile de créer un climat de confiance. Et de l’autre, il y a les politiques du gouvernement qui font que tu ne peux pas prendre ton appareil et arpenter librement les rues pour prendre des photos”, nous écrit-il depuis Damas.

Syrian Thoughts on Public Transportation. (© Hasan Belal)

Chacun de ses projets documentaires débute par une “importante” relation de “confiance entre [lui] et les protagonistes afin de recueillir leurs réactions réelles et rassembler davantage d’informations”. Hasan Belal raconte passer “du temps à visiter et à observer les lieux, à rencontrer les gens” et à leur expliquer son intention avant de prendre ses photos.

Cet attachement au respect des personnes qu’il photographie est constamment présent dans son esprit. “En ce qui concerne le photojournalisme et les actualités, c’est plus compliqué. J’ai ressenti beaucoup de sentiments complexes à l’idée de couvrir les dégâts des tremblements de terre en Syrie. Avant d’arriver sur place [à Lattaquié, ndlr], je m’étais promis que je demanderais la permission à tout le monde avant de prendre des images, qu’il s’agisse d’un consentement verbal ou d’une confirmation avec un regard. J’ai perdu quelques clichés importants, mais au moins, j’étais aligné avec mes valeurs.”

© Hasan Belal

Tout en refusant de participer à une surenchère de la représentation du traumatisme chez ses compatriotes, le photographe a tout de même ressenti le besoin de montrer au plus grand nombre la situation du peuple syrien, déjà si fragilisé par une guerre qui dure depuis plus de 12 ans et d’autant plus mis à mal par les séismes de février dernier.

Afin de mettre en lumière ces quotidiens peu relayés dans la sphère médiatique internationale, Hasan Belal a également décidé de participer au projet 0602, une vente d’art organisée “dans le but de soutenir les mesures d’urgence en Syrie à la suite des multiples catastrophiques séismes ayant eu lieu le 6 février 2023”.

L’engagement d’artistes et de la société civile

Les organisatrices du projet trouvent toutes trois leurs origines dans la région MENA (acronyme pour “Middle East and North Africa”). Jade Kahhaleh est trésorière du Collectif Syrien N’est Fait et coordinatrice du réseau We Exist!, une alliance de 20 organisations de la société civile syrienne présentes à travers le monde.

© Hasan Belal

Sara Kontar est une artiste et photographe syrienne exilée en France depuis 2016. Elle est également fondatrice d’Al-Ayoun, un espace visant à mettre en valeur le travail des photographes et des cinéastes syrien·ne·s et de la région MENA. Enfin, Aude Nasr est une illustratrice qui travaille principalement avec des médias indépendants au Moyen-Orient et en Europe.

Ensemble, effarées par les dégâts humains et matériels qui n’en finissant pas, elles ont rapidement monté leur initiative bénévole :

“Dès que les séismes ont frappé la Turquie et la Syrie, comme tou·te·s les Syrien·ne·s et ‘ami·e·s des Syrien·ne·s’, nous nous sentions démunies, dévastées mais aussi prises d’un fort sentiment d’avoir besoin d’agir vite et de nous rendre utiles pour venir en aide aux Syrien·ne·s, privé·e·s de toute aide dans les jours qui ont suivi la catastrophe.

Les dégâts humains et matériels sur place sont véritablement catastrophiques, d’autant plus que les premier·ère·s à répondre à l’urgence sont directement touché·e·s par les séismes, ont perdu des proches, leur logement. Beaucoup travaillent depuis leurs voitures ou depuis des camps […]. Les besoins sont énormes et vont durer sur le long terme”, retracent-elles pour nous.

© Hasan Belal

Une grosse soixantaine d’artistes, originaires ou basé·e·s dans la région MENA, ont accepté ou directement proposé leurs œuvres afin de venir en aide à “quatre organisations de terrain qui sont impliquées dans la réponse d’urgence” : Molham Team, Hurras Network, Basmeh & Zeitooneh et le Syrian American Medical Society (SAMS).

“On a choisi de soutenir des associations actives en Syrie car la Syrie est un pays isolé des aides, surtout en ce qui concerne les zones dans le Nord. Contrairement à la Turquie, les moyens de répondre à la catastrophe étaient et sont encore à ce jour extrêmement limités”, conclut le trio de bénévoles, qui espère venir en aide, à son échelle, à une population délaissée.

© Hasan Belal

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Vous pouvez retrouver le travail de Hasan Belal sur son site et sur son compte InstagramVous pouvez soutenir le projet 0602 sur le site et le compte Instagram du projet.