De Madonna et Elvis Presley à Troye Sivan : pourquoi tout le monde a peur de la pop sexy ?

De Madonna et Elvis Presley à Troye Sivan : pourquoi tout le monde a peur de la pop sexy ?

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Par Flavio Sillitti

Publié le

Le show du chanteur australien a choqué Internet, et l’histoire de la pop se répète.

Cette semaine sur Internet, vous ne trouverez rien de plus gay que les vidéos de Troye Sivan, chanteur australien de 28 ans, et de sa tournée qui accompagne son album Something To Give Each Other, paru en octobre 2023. Lancé à Lisbonne, Barcelone et Paris pour sa première semaine de tournée, le show de l’artiste rend hommage aux cultures queers, pop et dance, et suit la même philosophie hédoniste et sex-positive que l’album, donnant lieu à des tableaux hautement suggestifs, une simulation de fellation avec un micro et une séquence olé olé sur le tube “One Of Your Girls”, qui nous rappellerait presque l’âge d’or de Madonna.

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D’un autre côté, cette semaine sur Internet, vous ne trouveriez rien de plus vénère et révolté que les commentaires sous ces mêmes vidéos jubilatoires de Troye Sivan : “Le monde va très mal”, “Honteux”, “Banalisation de la vulgarité”, “Choquant ! Épargnez nos enfants !” peut-on lire sous notre propre post, notamment. Si on se doutait que la vidéo ferait forcément parler d’elle, les réactions suscitées dépassent l’entendement et témoignent d’une peur bleue du sexy, dans un monde où la bienséance se conjugue différemment pour chacun et chacune. Et ce n’est pas la première fois que ça se produit en musique.

Une histoire vieille comme le monde

Troye Sivan sait très bien ce qu’il fait, et l’assume d’ailleurs pleinement entre deux morceaux de son set au Primavera Sound de Barcelone : “J’aime le sexe. J’aime la musique pop. Je voulais célébrer les deux.” Ce mouvement de libération sexuelle, qui fait forcément froncer les sourcils des plus conservateurs, n’en est pas à son premier rodéo dans la sphère pop. À travers l’histoire, de nombreux exemples ont montré l’efficacité du médium choc pour marquer la pop.

On pense d’abord à Elvis Presley, en 1956, et son fameux roulement de bassin dégainé en direct à la télé, jugé inapproprié, causant à la fois un énorme scandale, mais aussi le début de son succès. À l’époque, le mouvement était considéré comme trop sexuel et suggestif, et beaucoup l’accusaient de ne pas être approprié au public adolescent du chanteur à l’époque. En réalité, c’est le climat raciste et suprémaciste de l’époque qui justifie le tollé, et notamment le fait que tout ce qui touchait de près ou de loin à la culture noire était diabolisé et sexualisé.

On pense aussi à Madonna, en 1990, avec sa performance de “Like A Virgin” qui lui a même valu des soucis avec la police. Dans le documentaire de 1991 Madonna: Truth or Dare du réalisateur Alek Keshishian, qui chronique la vie de la superstar durant sa tournée “Blond Ambition World Tour” de 1990, une scène montre la répression à laquelle la madone a dû faire face, dans un monde patriarcal où les femmes n’ont droit à la sexualisation que sous l’égide des hommes.

On retient tout spécifiquement une séquence à Toronto, où les autorités locales l’ont menacée de mettre un terme à son show si elle effectuait un quelconque geste suggestif sur scène. “I’m not changing my show, buddy”, a simplement répondu la patronne. Reine.

Et puis impossible de ne pas penser à Miley Cyrus et son twerk qui a marqué la pop culture au fer rouge, ou encore à Lady Gaga et ses détournements de symboles religieux qui ont fait couler beaucoup d’encre.

Pour Troye Sivan et son show libéré et résolument queer, il est légitime de se poser la question d’une certaine forme d’homophobie qui se cacherait derrière toute cette indignation en ligne. Le chanteur australien simule des actes à “connotations sexuelles” (pas toujours, d’ailleurs) avec d’autres hommes sur scène, tout comme plusieurs tandems hétérosexuels l’ont toujours fait sur scène depuis la nuit des temps. Sauf qu’ici, ça pose problème.

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C’est que le corps féminin, mis en scène dans des dispositions que l’imaginaire collectif patriarcal a bien assimilées (le long d’une barre de pole dance ou courbé contre l’entrejambe d’un partenaire masculin), ça ne dérange plus personne. Mais quand un homme décide lui-même de se sexualiser avec un autre homme, le groupe dominant (l’homme cisgenre hétérosexuel) n’a rien à en tirer, et prolifère sa frustration en commentaire. Bref, beaucoup de bla-bla pour vous dire que si vous êtes choqué par les chorégraphies olé olé de Troye Sivan aujourd’hui, vous êtes peut-être du mauvais côté de l’histoire – ou en tout cas le moins drôle. Pour les autres, profitez-en bien et régalez-vous !