De la SF française à un anime sur le jazz : nos 6 plus belles pépites d’animation vues au Festival d’Annecy

De la SF française à un anime sur le jazz : nos 6 plus belles pépites d’animation vues au Festival d’Annecy

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(© Gebeka / Haut et court / Eurozoom / Annecy)

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Par Arthur Cios

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De l’ambition, de la beauté et beaucoup de poésie : ce fut une édition 2023 particulièrement riche du côté du Festival d’Annecy.

Tous les ans, début juin, la ville d’Annecy accueille les plus grands noms de l’animation et des milliers de fans, étudiants et professionnels pour ce qui est sans doute le plus grand rendez-vous au monde du cinéma dessiné/animé. Le Festival est une institution, on ne vous apprend rien.

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On y trouve chaque année des petites pépites qui méritent absolument toute votre attention. On ne parle pas des blockbusters ou grosses machines comme Élémentaire des studios Pixar, comme le nouveau Tortues Ninja produit par Seth Rogen, comme Ruby, l’ado Kraken, la dernière production de Dreamworks ou comme Nimona, la nouvelle grosse sortie de Netflix avec Riz Ahmed et Chloë Grace Moretz — ce qui ne veut pas dire qu’elles ne valent pas le détour, bien au contraire.

Voilà six plus “petits” films et productions, qui nous ont enchantés lors de l’édition 2023 du festival. Avec de la SF, du patrimoine, de l’anime, et du cinéma pour enfants… Vous devriez pouvoir y trouver compte.

Linda veut du poulet !, de Sébastien Laudenbach et Chiara Malta

Paulette engueule sa fille de manière un peu trop injuste et pour se rattraper, veut lui faire le plat de son choix : un poulet aux poivrons. Sauf que c’est la grève, c’est la merde et c’est compliqué. Compliqué parce qu’elle ne sait pas cuisiner. Compliqué parce que c’était la spécialité du papa, récemment décédé. S’ensuit un kidnapping de poule, une course-poursuite avec la police et plus encore.

Le pitch paraît simple, voire étrange. Le film est en réalité très beau, doux, avec une très belle représentation de la France, de ses classes populaires et de ses banlieues, et une animation sublime — un dessin peinturé, coloré, vivant et charmant comme pas deux.

Une très belle vision, récompensée à juste titre du Cristal cette année, et qui sortira en salle le 18 octobre prochain.

Mars Express, de Jérémie Périn

Si, après avoir visionné le trailer ci-dessous, vous apprenez que Périn a bossé sur Lastman avant d’attaquer son premier long-métrage, vous ne serez guère surpris. Pourtant, le cinéaste a dépassé cette expérience pour transcender son art afin de créer ce qui est et restera l’un des plus grands films de 2023 — on pèse nos mots.

Imaginez bien ceci : un film d’animation française, de SF, porté par Léa Drucker (incroyable dans le rôle), qui parle d’une enquête-complot autour de meurtres dans une société où les robots cohabitent avec les humains et où les plus aisés vivent désormais sur Mars, le tout avec un mélange d’animation et de folie visuelle rappelant autant Satoshi Kon qu’Ugo Bienvenue, qui réussit à inventer tout un monde, un univers, des codes de société, en moins d’une heure trente et de manière absolument intelligible.

Une leçon. Vraiment. Que tout le monde pourra, et devra, découvrir en salle le 22 novembre 2023.

Sirocco et le Royaume des courants d’air, de Benoît Chieux

Qui a dit que l’on ne pouvait pas faire des films à destination des enfants, qui ne les prendraient pas pour des imbéciles, voire qui se perdraient dans la poésie et la beauté d’un monde imaginaire difficile à cerner ? C’est le pari ambitieux — et réussi — de Benoît Chieux avec son Sirocco et le Royaume des courants d’air.

Si le dessin et l’univers rappellent une certaine version d’Adventure Time, en plus lent et moins loufoque, cette histoire de deux sœurs perdues dans le monde imaginaire de leur livre préféré est d’une réelle splendeur. C’est un monde vaste, complexe et pourtant charmeur, qui plaira à tout le monde, qu’importe l’âge.

Sirocco et le Royaume des courants d’air, qui a récupéré le Prix du Public, sortira en salle le 13 décembre prochain.

Blue Giant, de Yuzuru Tachikawa

Ici, on adore la franchise de manga Blue Giant (c’est une franchise car on a eu trois autres séries dérivées). Mais il y a toujours eu une petite frustration : lire un livre sur la musique sans l’entendre est toujours au mieux un peu perturbant, au pire vraiment triste. Vous imaginez, vous, un bouquin sur Whiplash ? On aura beau vous décrire l’intensité du jeu, la ténacité et la rapidité des coups de baguettes, sans son, c’est un peu compliqué.

Quelle fabuleuse idée d’adapter Blue Giant et les aventures de Dai, fraîchement arrivé à Tokyo pour devenir le meilleur jazzman, accompagné d’un talentueux pianiste et d’un batteur débutant. Cette adaptation a été faite de la meilleure des manières : en raccourcissant des actes, en prenant des risques, en permettant à la géniale Hiromi Uehara de s’éclater avec des chansons inédites, en donnant une ampleur rare aux solos et au jeu des musiciens, et surtout, en ayant la bonne idée de faire de la motion capture pour les séquences de concert. Il n’y a rien de plus agaçant pour les fans de musique que de voir des acteurs ou des personnages ne pas jouer ce qu’on entend. Ici, c’est le cas ; dans une 3D particulière qui va en perturber plus d’un, mais qui offre un souci du réalisme qui fait du bien.

Bien que non daté, Blue Giant sera distribué prochainement par Eurozoom.

L’Histoire du soldat, de R.O. Blechman

R.O. Blechman est un grand nom du dessin, connu pour ses unes du New Yorker. Son dessin faussement hésitant, cartoonesque — un peu copié dans la D.A. des pubs Red Bull depuis plusieurs années —, est aussi beau que sensible. Redécouvrir une de ses œuvres est une chance.

Le festival d’Annecy, dans sa branche Classics, ressort des pépites de patrimoine. Mais plus que René Laloux ou Leiji Matsumoto, l’évènement de cette année était la rediffusion, presque 40 ans après son Grand Prix à Annecy, de L’Histoire du soldat de Blechman — son seul long-métrage.

Le simple récit d’un soldat revenant de la guerre, adaptation de la pièce de Ramuz mise en musique par Stravinsky, peut se transformer en réflexion politico-sociale sur l’avenir de la société et les laissés-pour-compte, et avec un pessimisme aussi glaçant que fascinant. Une grande séance de ce cru 2023.

Heavies tendres, de Carlos Perez-Reche et Joan Francesc Tomas Monfort

On reconnaît volontiers que l’on ne connaissait ni la BD ni la série animée que reprend ce long-métrage. On reconnaît également que l’on avait peur que l’univers visuel nous refroidisse un peu. Ce ne fut pas le cas.

Cette histoire d’amitié entre deux ados paumés et fans de metal dans le Barcelone des années 1990 est une petite pépite, dont la plus grande force est ce récit particulièrement bien écrit, et la manière dont l’animation réussit à faire de la faiblesse de ses petits moyens une force. Il n’y a pas besoin de caractériser les personnages visuellement autrement que par une coupe de cheveux, dans des dessins qui semblent non terminés. Pas besoin : la magie opère.

Ce film n’a pas de distributeur pour l’instant, mais on vous souhaite de pouvoir découvrir ce duo terriblement attachant.