“On se demandait si les gens allaient suivre. Finalement, dès la première soirée, ça a cartonné.” — Brice Coudert
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La première Twsted a donc eu lieu en plein air, sur le bateau. On appréhendait forcément la suite, on se demandait si les gens allaient suivre s’il n’y avait plus de terrasse : il n’y avait plus ce côté open air car la première soirée Concrete a eu lieu en hiver. Finalement, dès la première, ça a cartonné. C’était magique du début jusqu’à la fin, c’est difficile de ne retenir qu’un seul moment… Et j’admets que mes souvenirs de cette soirée-là sont un peu troubles. Enfin “soirée”, c’était plutôt des sets de journée, parce qu’on n’avait encore pas les autorisations pour la nuit…
Aurélien | Mon meilleur souvenir de cette première soirée, c’était l’énergie du public présent et ce sentiment que chacun est venu pour vivre la même euphorie au même moment. C’est juste inouï comme sensation.
Quelle est, selon toi, la soirée la plus folle que tu aies vu sur le bateau ?
Aurélien | Nos anniversaires sont toujours des moments complètement dingues et improbables. Un peu comme si tout le monde — le public, les artistes et l’équipe de Concrete — se mettait à vouloir partager son énergie à 300 %. Je te laisse imaginer le résultat que peut donner la somme de ces énergies. C’est une équation qui échappe à toutes les lois de la physique, et c’est tant mieux.
Brice | Il y a une Concrete qui m’a vraiment marqué, en janvier 2015. Ce n’était pas une soirée techno mais plutôt house, avec Floating Points, Four Tet, Jeremy Underground, S3A. Il y avait Sami Naceri qui faisait son after chez nous — et qui nous un peu emmerdés, d’ailleurs. Mais c’était vraiment l’une des soirées Concrete les plus dingues en termes d’atmosphère. C’était quelques jours après le jour de l’An et en général on a un public qui n’est pas là par hasard, les gens viennent vraiment pour la musique. Ouais, c’était énorme. Je crois que c’est la première fois que Floating Points venait chez nous, d’ailleurs.
Quel est le plus beau line-up que vous ayez eu ?
Brice | Ah, le plus beau, c’est clairement l’after du premier Weather Festival en mai 2013. Il a eu lieu à la Concrete et là, on a vraiment voulu se faire plaisir. On a organisé une fête avec un budget à perte mais on s’en foutait. On avait un line-up ultime de house musique, qui comprenait Kerri Chandler, Theo Parrish, Joe Claussell, Black Coffee, Culoe De Song, Robert Hood en mode house donc Floorplan, et pas mal d’artistes français comme Molly ou S3A.
“Tous les line-up sont imaginés à partir de nos coups de cœur” — Aurélien Dubois
Il y a eu des moments assez fous. Kerri Chandler jouait dans la salle principale en bas et Joe Claussell sur la terrasse, sauf qu’il s’est mis à pleuvoir vraiment fort et l’eau traversait la tente. À ce moment-là, Kerri Chandler a fini son set, est remonté et essuyait les gouttes d’eau sur les platines pendant que Joe jouait. Tout ça avec les autres qui se marraient derrière.
Aurélien | J’ai envie de répondre que tous les line-up sont imaginés à partir de nos coups de cœur. Mais si je dois en retenir un seul, alors c’est le line-up d’une soirée Get Perlonized, avec Akufen live, Sonja, Moonear, Cabanne, Sammy Dee, Zip et Jörg Franzmann.
Quelle est la plus grosse claque que tu t’es prise ?
Aurélien | Bien que je l’ai vu en jouer de nombreuses fois, les sets de Laurent Garnier me mettent toujours à genoux. Il n’y a pas de secret, il sait y faire. Il continue à me surprendre et à m’embarquer dans une histoire qui est à chaque fois une aventure nouvelle. J’attends donc avec impatience sa prochaine prestation, le 17 décembre prochain pour le Weather Winter.
Brice | Des grosses claques, il y en a beaucoup ! Parmi les premières soirées — à la quatrième Concrete je crois —, il y avait Fred P, un artiste new-yorkais de la nouvelle génération. C’est l’un des plus talentueux et il avait rarement joué à Paris. Son set est sur son Soundcloud, et il est vraiment légendaire.
Sinon, DJ Deep la première fois qu’il est venu chez nous. C’était à l’époque où il était encore à cheval entre la house et la techno, il mêlait pas mal les deux. Et ça avait un peu un air de règlement de comptes : il est arrivé et a montré qui était le patron. Les gens s’arrachaient les cheveux sur le dancefloor. Ça, ça fait partie des grosses performances. Il y a eu Floating Points aussi… Enfin, il y en a eu beaucoup.
Quel est le moment le plus émouvant que tu aies ressenti lors de cette aventure ?
Brice | Ce qu’il faut savoir, c’est que dès la première année on a monté une équipe de résidents avec Antigone et François X. C’était des artistes parisiens dont certains étaient alors complètement inconnus au bataillon et partis de rien. Deux ans après, on a organisé pour la première un évènement entier tout le dimanche juste avec les résidents, et on a été complet toute la journée !
“On a senti que les gens étaient prêts à se déplacer pour nos artistes à nous” — Brice Coudert
Cette ambiance de folie n’aurait pas pu se produire avant, il fallait vraiment avoir de gros noms. On a senti que les gens étaient prêts à se déplacer pour des artistes parisiens, en l’occurence nos artistes à nous. C’était un dimanche de camaraderie, tous les artistes jouaient avec les autres, c’était vraiment amical et émouvant. L’aboutissement de notre travail, si on veut.
Aurélien | Quand j’ai reçu l’autorisation officielle pour pouvoir ouvrir la nuit à Concrete, après des années de discussions avec l’administration. J’avais le smile.
Et quel est le plus beau souvenir que tu as du Weather Festival ?
Brice | Le premier Weather était une rave, dans le sens où il faisait 50 degrés et il y avait de l’eau qui coulait du plafond : c’était des conditions extrêmes. Le genre d’évènements où tu sues, t’enlèves ton t-shirt parce qu’il fait trop chaud, et les gens se lâchent complètement. Aujourd’hui, beaucoup de DJs reparlent de cette édition comme d’un instant mythique. Il y a eu ce fameux moment où Ark, qui faisait son live Copacabannark avec Cabanne, a pris le micro et s’est mis à crier : “Ici, c’est pas Londres. Ici, c’est pas New York. Ici, c’est pas Berlin. Ici, c’est Paris.” Et là, la salle a explosé dans tous les sens.
Aurélien | Je me souviens de la journée avec les Africains du Sud sur la terrasse, avec un B2B improvisé de Joe Claussell et Kerri Chandler. C’est l’after du premier Weather en 2013. Ce jour-là, il y avait une tempête comme jamais il n’y en a eu sur Paris. Sur le dancefloor, une troupe de danseurs a embarqué tout le monde dans une danse sans fin, pendant que Kerri Chandler rejoignait à l’improviste Joe Claussell. Alors que le vent et la pluie ravageaient la capitale, Concrete vivait l’un de ses plus beaux moments. C’était surréaliste.
Quelle a été la soirée la plus compliquée à organiser ?
Aurélien | Elles le sont toutes, car elles sont toutes différentes. Il faut faire à chaque fois comme si c’était la première, mais la réouverture après les attentats de Paris fut particulièrement chargée en émotions.
“Quand on organise une soirée, il faut faire à chaque fois comme si c’était la première” — Aurélien Dubois
Brice | On a eu beaucoup de moments compliqués, surtout avec ce problème d’autorisation de terrasse. Une fois, on a eu interdiction de l’utiliser alors qu’on avait déjà fait tous les plannings pour l’hiver. Pour plusieurs évènements, on a occupé une salle sous le bateau. C’était assez compliqué, le sol bougeait beaucoup, donc les platines sautaient… On a dû aller dans une imprimerie à Asnières pour quatre évènements. C’était la période un peu dure, fin 2012.
Avec le recul, quelle est la chose dont tu es le plus fier ?
Aurélien | Ce que je retiens est sans nul doute l’aventure humaine partagée entre le public, les artistes et mon équipe. Les trois réunis forment une famille, et c’est ce qui me plaît.
Brice | Tout. Ce dont je suis fier, c’est qu’on a vraiment eu une vision depuis le début. Plus qu’une vision, même : un rêve. L’idéal pour nous, c’était de devenir une nouvelle institution en France avec un club qui compte un peu comme le Rex, et d’arriver à développer un public à Paris qui serait de plus en plus grand, en éduquant les gens avec de la bonne musique. Et aussi d’aider les artistes locaux en les faisant booker. Au bout de cinq ans, c’est ce qu’on a réussi à faire. Je le rêvais sans vraiment y croire et voilà, c’est là.