C’est quoi être une femme en Russie aujourd’hui ? Des portraits forts ouvrent l’horizon

C’est quoi être une femme en Russie aujourd’hui ? Des portraits forts ouvrent l’horizon

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© Gouzelle Ishmatova

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Par Lise Lanot

Publié le

Gouzelle Ishmatova travaille depuis plus de dix ans sur My Country is Female, une série puissante qui célèbre le courage et la résilience des femmes russes.

Le livre photo de Gouzelle Ishmatova My Country is Female s’ouvre sur le portrait d’une vieille femme assise, qui fixe l’objectif d’un air calme et confiant. Au fil des lignes qui accompagnent l’image, on apprend qu’il s’agit de Kortyi, l’arrière-grand-mère de l’autrice, née en 1903 et décédée en 1997.

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Kortyi a traversé un siècle d’histoire, de la révolution russe de 1905 à la chute de l’URSS en passant par deux guerres mondiales. Pour son arrière-petite-fille, elle représente la Russie : “Elle est maltraitée, elle souffre, elle pardonne et elle n’abandonne jamais.”

Kortyi, 1903-1997. (© Gouzelle Ishmatova)

Issue de générations de “femmes fortes”, Gouzelle Ishmatova rapporte avoir grandi “en apprenant leurs histoires et les observant construire des vies, pour elles et leur famille, malgré les incertitudes politiques et sociales”. Fascinée par leur résilience et leur dévouement, elle en est venue à “la conclusion que la vraie force de la Russie était basée sur le courage des femmes”.

C’est cette “force mentale” déployée à travers les âges et les classes sociales qu’elle a voulu mettre en avant dans son livre My Country is Female, où le portrait de son arrière-grand-mère côtoie ceux de dizaines d’autres femmes – et quelques hommes.

© Gouzelle Ishmatova

Dans une mise en page d’une simplicité efficace et réfléchie, Gouzelle Ishmatova fait dialoguer des documents d’archives avec des photos documentaires. Elle interroge le temps qui passe et les évolutions des mentalités tout en soulignant ce qui perdure : la sororité, le devoir de prendre sur soi, les inégalités, certaines traditions.

Le livre présente également des mises en scène et natures mortes plus conceptuelles, qui intensifient le propos de la photographe et incorpore au livre un souffle poétique bienvenu. Son départ pour l’Europe de l’ouest n’a pas fait faiblir son intérêt photographique pour la Russie.

© Gouzelle Ishmatova

Au contraire, cette émigration permet à son regard d’osciller entre l’intérieur et l’extérieur, entre recul et lien indéfectible. Lorsqu’elle photographie son pays natal, elle confie que son “œil revient toujours vers ces femmes : leurs visages, l’espace qu’elles occupent, leurs rôles et la façon dont elles choisissent de se présenter”.

Le projet au long cours de Gouzelle Ishmatova, entamé il y a une dizaine d’années, tente de répondre à la question : “Qu’est-ce que c’est que d’être une femme russe aujourd’hui ?” Évidemment, aucune réponse ne saura enclaver une conclusion exhaustive et satisfaisante, mais la dialectique proposée par l’autrice à travers ses images ouvre le champ des possibles. Est déployé un horizon qui ouvre la porte à la réflexion et barre la route aux stéréotypes et pensées réductrices.

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My Country is Female de Gouzelle Ishmatova est publié aux éditions Kehrer Verlag.