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Rencontre avec la réalisatrice Ramata-Toulaye Sy, benjamine de la compétition officielle à Cannes

Rencontre avec la réalisatrice Ramata-Toulaye Sy, benjamine de la compétition officielle à Cannes

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(© Daniele Venturelli / Getty Images)

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Par Manon Marcillat

Publié le , modifié le

Entre Wes Anderson et Ken Loach, pour son coup d’essai, la jeune réalisatrice de 36 ans s’est hissée parmi les plus grands.

Après seulement un court-métrage, Astel, sorti en 2021, la cinéaste franco-sénégalaise s’est vu propulser en compétition officielle à Cannes avec son premier film, Banel et Adama — un conte sénégalais hybride sur l’amour fusionnel qui unit les deux héros du titre. Libre, Banel espère vivre son histoire loin de sa communauté, ses traditions et ses règles, mais la nature, dans ce qu’elle a de plus primaire et cruel, changera le cours de leur destin intime.

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Ramata-Toulaye Sy n’avait été qu’une seule fois à Cannes. Encore étudiante en cinéma et sans accréditation, elle n’avait vu “que deux ou trois films” et c’est donc en compétition officielle qu’elle vient pour la première fois sur la Croisette. On l’a rencontrée au lendemain de la projection officielle de son film en mai dernier dans le célèbre et impressionnant Grand Théâtre Lumière, quelques heures avant Killers of the Flower Moon, le dernier et très attendu long-métrage de Martin Scorsese.

Konbini | La dernière fois qu’un premier film a été nommé en compétition officielle, c’était en 2019 avec Les Misérables de Ladj Ly et Atlantique de Mati Diop. Est-ce que vous avez pu échanger avec eux sur leur expérience ?

Ramata-Toulaye Sy | Non, je ne les connais pas donc je n’ai pas discuté avec eux, mais c’est une erreur, j’aurais dû les contacter, particulièrement Mati Diop qui est franco-sénégalaise comme moi. Il n’y a qu’eux qui peuvent comprendre et expliquer cette expérience tellement particulière. Hier était une journée difficile, pleine d’émotions différentes, il y a eu la projection officielle du film avec tous ces gens puis toutes les critiques qui sortent en même temps. Je conseille aux cinéastes qui ont leur premier film en compétition officielle de nous contacter car maintenant, je sais, je leur ferai un brief très précis !

Qu’est-ce que vous leur diriez ?

De prendre de la distance et de ne pas pendre ça au trop au sérieux, même si c’est Cannes et la compétition officielle. Il ne faut pas s’en fiche, mais il ne faut pas tout le temps être dans la projection et penser à la suite, sinon on ne profite pas. Je crois qu’avant hier, je prenais tout ça un peu trop au sérieux. Pendant la projection officielle de mon film, j’avais l’impression d’entendre chaque respiration, chaque bâillement. On ne m’avait pas prévenue que des gens partaient à toutes les séances et que c’était normal. J’aurais aimé être préparée et je ne l’étais pas.

Donc vous n’avez aucune préparation au marathon promotionnel qu’est le Festival de Cannes ?

Non, aucune, même si je suis très bien entourée par mes producteurs et mes attachées de presse. Mais ils ont représenté beaucoup de grands cinéastes et c’est possible qu’ils ne sachent pas vraiment comment accompagner quelqu’un qui présente son premier film. Mais je leur ferai part de mon retour d’expérience pour qu’ils sachent pour les prochains après moi.

Comment apprend-on qu’on est en compétition officielle ?

Par un simple appel de Christian Jeune à minuit la veille de la conférence de presse, en haut-parleur avec toute l’équipe de Cannes autour. Je leur ai demandé deux fois s’ils n’allaient pas changer d’avis. Je savais déjà que j’allais à Cannes mais on m’avait dit que je serai à Un certain regard, pour cacher le fait que j’allais en compétition officielle.

Et à quoi pense-t-on quand on regarde son film pour la énième fois, entourée de milliers de personnes ?

Je n’étais pas là, je ne regardais rien. Surtout que la veille, à 3 heures du matin, après la séance de minuit, on a eu des répétitions pour régler la lumière, le son, avec la production, le chef opérateur pour l’image et le mixeur qui règle le son. Mais ils ne nous accordent que 40 minutes donc on ne voit pas tout le film, on a choisi des séquences. Là, j’ai vraiment regardé mon film. Puis c’est tellement impressionnant de voir le Grand Théâtre Lumière vide.

Vous êtes nommée aux côtés de grands habitués de la Croisette. Ça doit être une sensation particulière d’être en compétition officielle tout en sachant que l’attente se cristallise autour d’autres films ?

Oui, mais c’est aussi ça qui me protège car personne n’a d’attente sur mon film. Ladj Ly et Mati Diop avaient déjà un nom qui résonnait déjà dans le cinéma quand ils ont été nommés en compétition officielle, grâce à Kourtrajmé ou à leurs courts-métrages. Pas moi. Personne ne me connaissait, mais je pense que l’attente s’est déplacée vers une sorte de curiosité à mon égard et dont il fallait aussi que je me protège.

Vous étiez déjà venue à Cannes avant aujourd’hui ?

Oui, une fois mais je n’avais pas d’accréditation, j’étais là avec des amis de la fac, on a vu deux ou trois films seulement. Je me souviens avoir vu Les Amours imaginaires, c’était la première fois que je voyais un film de Xavier Dolan. Mais on a plus traîné à la plage avec mes potes que vu des films, donc je considère que cette année est ma première à Cannes.

Pour le moment, quel serait votre souvenir le plus marquant du festival ?

Je crois que c’est d’avoir rencontré Alfonso Cuarón à un dîner officiel. C’est une de mes inspirations principales, j’adore Roma et Les Fils de l’homme est un de mes films préférés. Il m’a dit qu’il voulait absolument voir mon film. Les autres réalisateurs de la compétition officielle aussi, mais qu’on n’a pas le temps de voir des films. Mais j’attends beaucoup le film de Nuri Bilge Ceylan, Les Herbes sèches, car j’adore Sommeil d’hiver, ainsi que Les Filles d’Olfa et Ken Loach également, car ça fait longtemps. J’ai l’impression qu’il y a particulièrement de bons films cette année, il semble y avoir un engouement autour du festival à ce niveau. J’ai particulièrement de la chance d’être nommée cette année.