Cannes : Horizon, le premier volet de la grosse saga western de Kevin Costner, ressemble plus à un début de série (et pas toujours bon)

Cannes : Horizon, le premier volet de la grosse saga western de Kevin Costner, ressemble plus à un début de série (et pas toujours bon)

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(© Warner Bros.)

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Par Arthur Cios

Publié le , modifié le

Faire 4 films de 3 heures, c’est ambitieux, mais dans la narration, est-ce encore vraiment du cinéma ?

Au cours du Festival de Cannes, Konbini vous fait part de ses coups de cœur ou revient sur les plus gros événements de la sélection.

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Horizon: An American Saga Chapter 1, c’est quoi ?

Kevin Costner est une légende de Hollywood, ni plus ni moins. C’est Bodyguard, c’est JFK, c’est Les Incorruptibles, c’est le papa de Superman dans le DCEU. C’est aussi un réalisateur, et pas des moindres : il y a presque 35 ans, il passait pour la première fois derrière la caméra avec une grande fresque humaniste sur la cohabitation entre un descendant de colon, militaire de profession, et une tribu d’autochtones, de natifs américains sioux dans Danse avec les loups, film culte qui lui rapporta l’Oscar de la Meilleure réalisation et du meilleur film. Rien que ça.

Sauf que depuis quelques années, le cinéaste a quelque peu délaissé le cinéma pour s’intéresser à un autre média : la télévision, car ce qui illustre bien sa carrière et ses 10 dernières années, c’est bien son implication dans Yellowstone, série de haute volée de Tye Sheridan sur un thème un peu similaire à Danse avec les loups.

Début 2022, on apprenait que Costner reviendrait au cinéma, mais aussi derrière la caméra (pour la première fois depuis plus de 20 ans), pour un projet d’une ambition rare : une fresque en quatre épisodes, de plus de deux heures, qui racontera l’arrivée de colonies près d’une réserve de natifs américains.

Il s’agit de Horizon: An American Saga, dont le premier volet était présenté hors compétition à Cannes ce dimanche 19 mai dans un Grand Théâtre Lumière rempli à ras bord.

Pourquoi c’est compliqué ?

Son expérience à la télévision a sûrement fait mûrir ce projet de longue date de Costner car, au final, ce n’est pas un premier volet de deux heures que l’on a eu, mais de trois (!). On parle donc de 4 x 3 heures. On est plus proches du format sériel que cinéma, ce qui est intéressant car autant, on entend à tout bout de champ des cinéastes passer du côté télévisuel et dire qu’ils ont fait un film de 10 heures, autant on voit rarement l’inverse.

D’autant plus que la comparaison ne se tient pas, évidemment, que sur la durée. D’un point de vue narratif, Costner décide de nous présenter pléthore de personnages et d’intrigues, qui n’ont de prime abord aucun lien, si ce n’est la destination (souhaitée ou non) d’un voyage : Horizon, une nouvelle ville visiblement idyllique.

On voit donc un couple confronté au passé de la femme ayant tué le père de son enfant (ce qui provoque une volonté de vengeance des enfants de celui-ci). Les deux hommes vont croiser un nouvel arrivant qui, lui, voulait se faire petit et a fricoté avec une jeune femme qui baby-sitte le gamin des premiers. En parallèle, on suit un arrivage de colons impliquant un couple de bourgeois face à des familles dans le besoin et un chef qui essaye de marquer son autorité. C’est sans parler du massacre d’un village, ce qui emmènera une mère et sa fille à vivre une nouvelle vie dans un autre village, ce qui provoque passions et remous, et le fils qui, lui, ira vivre avec des bandits.

Ça fait beaucoup ? Attendez, ce n’est que le début. C’est d’ailleurs l’un des soucis majeurs de ce film : il ne semble être qu’un très (trop) long épisode d’introduction. Pourquoi pas après tout, c’était déjà le cas du premier Dune de Denis Villeneuve, mais celui-ci n’avait qu’une intrigue entre guillemets. Ici, c’est un peu plus le bordel, comme dans une série qui se doit de présenter un peu les arcs de chaque personnage.

À la limite, cela ne nous dérangerait pas si le reste était du bon artisanat. Or, autant côté production, c’est du beau travail (les décors et les costumes, pour ne citer que ça), mais la réalisation est bien plus fade que sur son premier long. Ce qui faisait la beauté de Danse avec les loups, c’était ses sublimes paysages, cette sensation de grandeur issue de ces cieux immenses. Ici, tout semble étonnamment plat et sans relief. Comme à la télévision, vous dites ?

Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas des moments de bravoure mais ces derniers ne compensent pas le reste des problèmes parce qu’à vrai dire, ça, on pourrait facilement le pardonner, surtout vu l’ampleur du projet. Non, le problème est plutôt sur les personnages en eux-mêmes. Ils sont bien caractérisés mais avec des dialogues clichés au possible, et rarement bien interprétés. Comme dans les mauvais téléfilms, en gros, et un peu plus réacs qu’à l’accoutumée (les natifs sont absents, mis de côté, montrés comme des bêtes, soit vraiment l’opposé de Danse avec les loups).

C’est donc un gloubi-boulga indigeste, par moments prenant, et dans l’ensemble impressionnant, mais qui ne peut que décevoir. Peu étonnant qu’aucun distributeur ne se soit positionné pour sortir le film en France pour l’instant. C’est un récit trop américain pour que l’imperfection de celui-ci puisse être mise de côté par le public.

On retient quoi ?

L’actrice qui tire son épingle du jeu : Difficile à dire, peut-être Jena Malone ou Ella Hunt, à la limite.
La principale qualité : Une ambition démesurée, c’est bien ce qu’il fallait pour raconter la naissance d’un pays, et pas n’importe lequel.
Le principal défaut : Trop, trop long, trop d’intrigues, trop de dialogues mauvais, top d’acting à côté de la plaque.
Un film que vous aimerez si vous avez aimé : Alors, au risque de vous surprendre… Danse avec les loups et Yellowstone ?
Ça aurait pu s’appeler : Horizon: An American Saga, épisodes 1, 2, et 3.
La quote pour résumer le film : “Si le projet est impressionnant par son ambition et sa production, Kevin Costner rate le coche pour son retour au cinéma, et oublie ce qui faisait la force de Danse avec les loups, pour s’emprisonner dans les plus gros défauts de certaines séries.”