Cannes : avant Mohammad Rasoulof, le jour où le réalisateur Yilmaz Güney a aussi fui clandestinement son pays

Cannes : avant Mohammad Rasoulof, le jour où le réalisateur Yilmaz Güney a aussi fui clandestinement son pays

Image :

© Guney Film/Cactus Film/Collection Christophel/AFP

photo de profil

Par Konbini avec AFP

Publié le , modifié le

Ça s’est passé en 1981, et le réalisateur turc Yilmaz Güney avait remporté la Palme d’or 1982.

Avant l’Iranien Mohammad Rasoulof, pressenti pour la Palme d’Or, le festival de Cannes a déjà récompensé en 1982, pour Yol, la permission, un autre exilé, le Turc Yilmaz Güney, qui avait lui aussi fui clandestinement son pays. Ce 26 mai 1982, la salle est comble à l’occasion de la remise des prix. Pour la récompense suprême, le jury fait, à l’unanimité, un choix très politique avec deux vainqueurs ex aequo : Costa-Gavras pour Missing et Güney pour Yol, la permission.

À voir aussi sur Konbini

L’attention médiatique autour du réalisateur d’origine kurde, maître du cinéma turc engagé et grande célébrité dans son pays, est d’autant plus grande qu’il est recherché par la police turque. Quelques mois plus tôt, en octobre 1981, celui qui a dirigé son film en donnant ses instructions depuis la prison où il est incarcéré a en effet profité d’une courte permission pour fuir son pays et passer la frontière, caché dans le coffre de la voiture de son producteur suisse. La Turquie est alors sous régime militaire depuis le coup d’État de 1980.

Au terme d’un parcours épique, Yilmaz Güney parvient à gagner la France où il trouve l’asile et termine le montage de son film. Là aussi, la sélection pour Cannes est rocambolesque. Le film dure 2 heures 30, est monté à la hâte et, pour convaincre le Festival de le sélectionner, il est projeté en février 1982 sans le son, Yilmaz Güney se chargeant de toutes les voix masculines en direct…

Lors de sa projection officielle en mai, dans une salle remplie d’opposants au régime turc, il a droit à quinze minutes de standing ovation. Yol, la permission dépeint le sort de cinq prisonniers en permission d’une semaine et les pressions politiques, culturelles et économiques qu’ils subissent. Le film traite de la question kurde mais aussi du meurtre pour venger l’honneur, de la condition des femmes et des duretés de la migration urbaine.

Yilmaz Güney est déchu de sa nationalité et ses œuvres sont interdites dans son pays. Il meurt deux ans plus tard à Paris, en 1984, à l’âge de 47 ans. Ce n’est qu’en 1993, après onze ans de censure, que Yol, la permission est finalement projeté en Turquie, à Istanbul.