Caliste, petit génie de l’e-sport, grand champion en devenir

Talents of tomorrow 2024 by Konbini

Caliste, petit génie de l’e-sport, grand champion en devenir

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Par Pierre Bazin

Publié le , modifié le

À 17 ans, il incarne cette nouvelle génération d’e-athlètes nés souris en main pour nourrir leur ambition.

Depuis quinze ans, on reçoit des artistes et personnalités mondialement connu·e·s de la pop culture, mais on a aussi à cœur de spotter les talents émergents dont les médias ne parlent pas encore.

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En 2024, après une première édition des Talents of tomorrow, on repart en quête de la relève. La rédaction de Konbini vous propose une série de portraits sur les étoiles de demain, qui vont exploser cette année. Des personnalités jeunes et francophones qu’on vous invite à suivre et soutenir dès maintenant.

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Portrait. Si vous ne suivez pas l’e-sport, il est possible que vous n’ayez pas entendu parler de Caliste, mais si vous êtes un aficionado de la scène compétitive sur le jeu vidéo League of Legends, nul doute que le nom de ce jeune joueur de 17 ans ne vous est pas inconnu. En grec, son prénom signifie “le plus beau”, mais si les Athéniens avaient eu un PC gaming, ils l’auraient sûrement traduit par “petit crack du clavier-souris”.

“Dans ma famille, on a tous des prénoms en lien avec l’Antiquité, même mes chats ils ont des noms romains !” L’avantage quand on s’appelle Caliste, c’est qu’on a peu d’homonymes, et donc c’est tout naturellement que le prénom hellène est devenu son pseudo. “J’avais pas trop d’idées”, nous confie-t-il, avant de finalement nous lâcher un de ses premiers essais de pseudonyme, “EdgeShot”.

Caliste est évidemment un gamer depuis le berceau. Originaire de Paulhan, petite ville de l’Hérault, il a souffert, comme tout bon gamer de campagne, de connexion capricieuse, mais c’est surtout une enfance passée avec deux grands frères qu’il retient. Aussi loin qu’il s’en souvienne, le premier contact de Caliste avec le jeu vidéo fut League of Legends (LoL). “Tout petit en rentrant de l’école, je voyais mon frère Cyril jouer à LoL. Moi, j’y ai joué la première fois quand j’avais 8 ans, quand mon père m’a donné un ordi portable ! Ça tournait à 30 fps maximum [rires].” Alors qu’aujourd’hui Caliste touche du bout des doigts les plus grosses instances de l’e-sport européen, portrait d’un petit prodige qui a tout plaqué pour vivre ce qu’il aime le plus : jouer.

“Je voulais être vétérinaire à la base”

S’il touche à League of Legends dès les premières saisons il y a presque dix ans, ce n’est pas le jeu auquel Caliste jouera le plus dans sa très jeune enfance. “J’étais pas très bon, niveau Bronze*, quoi ! Je jouais tout et n’importe quoi !” D’autres jeux du moment le séduisent aussi, comme Dofus ou Minecraft, des titres toujours très populaires. Le parcours de Caliste n’est pas non plus un cliché du joueur qui n’aurait eu que l’e-sport comme échappatoire ; d’ailleurs, il avait plutôt de bonnes notes à l’école. “J’adore les animaux, donc quand j’étais petit, je voulais être vétérinaire, mais malheureusement, il fallait être très bon en maths ! Plus je regardais tous les métiers possibles, moins je voyais vraiment ce qui me convenait. Ce que j’aime, c’est jouer, je sais compter les CS* !”

Le premier déclic arrive autour de sa 5e-4e, il regarde la scène professionnelle et commence à y réfléchir de plus en plus sérieusement en voyant les joueurs pro participer au LEC* ou aux Worlds*. “C’étaient des super-héros pour moi !” nous dit-il en parlant de ceux qu’il admirait comme, par exemple, le joueur français Hans Sama. Caliste se remet ainsi sérieusement à jouer à League of Legends et atteint aisément le rang Diamant*. “Je faisais un petit peu n’importe quoi et ça passait !” En effet, pourquoi pas lui ?

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Et côté famille ? Avec ses parents, il y a “plus d’une génération d’écart”, mais ses deux grands frères ont tout de même déblayé le terrain avant lui. Avec un père informaticien et trois garçons à la maison, le jeu vidéo prend nécessairement une grande place dans le quotidien. Il a toujours eu le soutien de sa famille, de ses proches, même lorsqu’il décide d’arrêter les cours et de ne pas passer le bac. “Pendant deux mois, j’avais préparé tout un discours pour ma mère, j’étais super stressé, et au final, elle m’a juste dit : ‘OK, si c’est ce que tu aimes, vas-y !'” Exit, donc, les études et bonjour les débuts dans la scène compétitive. Le “tryhard”, c’est l’état d’esprit qui résume le mieux Caliste. Le jeune homme de 17 ans nourrit une forte ambition depuis déjà plusieurs années. “C’est ma mentalité de vouloir absolument tout gagner, de me donner à fond. Le tryhard, pour moi, c’est d’avoir une éthique de travail et de me mettre dans les meilleures conditions possibles pour essayer de performer.”

“Je me suis mis à tryhard quand j’ai vu que j’avais les capacités d’aller loin”

La compétition commence réellement pour lui avec l’Open Tour, scène compétitive qu’on pourrait qualifier de troisième division de la scène LoL française. Il n’a que 14 ans et les règles de l’Open Tour imposent une limite d’âge de 16 ans. “Bon, je sais que je ne suis pas le seul à avoir grugé [rires] !” plaisante-t-il. De partie en partie, il se fait des amis, des contacts dans le ladder*, et il se voit proposer une place dans une équipe pour participer à l’Open Tour, dans une structure plutôt solide au sein de cette division : Omerix Esport. Caliste rejoint d’abord l’équipe académique puis fait forte impression durant la saison 2022 dans l’équipe principale.

À partir de là, tout s’enchaîne très vite. “Mon nom était dans les petits papiers.” Il faut dire que, comme pour n’importe quel autre sport, le “scouting” de nouveaux talents est très présent sur cette scène. Chacun espère débusquer la nouvelle perle rare pour son équipe. Caliste en est bien conscient, et chaque jour, il s’entraîne et fait des tryouts auprès de différentes structures, mais il sait qu’il y en a une bien particulière qu’il souhaite intégrer : la Karmine Corp. La structure e-sport fondée notamment par le streamer Kameto jouit d’une notoriété sans précédent. L’équipe LoL, elle, excelle depuis plusieurs années en LFL et cumule pas moins de quatre titres (dont trois d’affilée) aux EMEA Masters, une distinction européenne de League of Legends comparable à une victoire de la Ligue Europa en football.

Mais début 2023, la KC n’est pas dans sa plus grande forme. “Je ne savais pas trop si la Karmine cherchait à renouveler ses joueurs, alors je continuais à m’entraîner à fond pour ne pas avoir l’air d’un plouc s’ils venaient me voir.” En mai 2023, Caliste va finalement devenir leur ADC* attitré à seulement 16 ans. Quelques mois plus tard, il soulève la coupe des EMEA Masters pour la Karmine.

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Car qui dit jouer pour la Karmine Corp dit avoir la pression d’une fanbase importante. La KC fait beaucoup de matchs en public devant les supporters les plus motivés d’Europe – certains diront du monde, et honnêtement, on a aucun souci avec ça. Mais les expériences sur scène, Caliste les boit aussi facilement qu’il lave ses adversaires. “En fait, je suis assez angoissé de nature, même si ça ne se voit pas [rires] ! Ma première expérience sur scène aux LFL Days à Nice, j’étais assez stressé avant le lever de rideau. Mais au final, une fois que j’ai entendu les ultras crier mon nom, le public qui était en folie, tout a disparu et j’avais juste envie de gagner !”

Le “pitchoun” de la KC fait forte impression auprès des fans français – qu’ils soient pour la KC ou pas, d’ailleurs. À 16 ans seulement, Caliste se voit dûment récompensé du titre de MVP du Summer Split de la LFL 2023. En seulement six mois, il conquiert un public, trouve sa place auprès d’une équipe déjà soudée de vétérans et épate par son talent et sa progression constante.

“Tu progresses beaucoup plus quand tu perds !”

Au moment où nous rencontrons Caliste, il revient de Berlin. Il a participé à la première édition de la Red Bull League of Its Own, un événement unique et spécial qui voit s’affronter les meilleures équipes européennes face à T1, meilleure équipe sud-coréenne du monde (et probablement de l’Histoire), qui venait de gagner les Worlds 2023 quelques semaines plus tôt. Caliste a ainsi eu la chance d’affronter l’équipe menée par la superstar Faker pour tester ses capacités face aux meilleurs joueurs du monde.

“C’est vrai qu’il y a un écart entre l’Europe et l’Asie [la Chine et la Corée du Sud sont les deux grandes nations dominantes sur LoL, ndlr] mais je suis pas non plus du genre défaitiste à dire comme certains que c’est impossible de rattraper le retard. L’Europe a surtout du retard sur comment faire fonctionner une équipe et tout l’environnement autour. Je pense que les joueurs ont besoin d’avoir plus de motivation aussi.” La motivation, Caliste n’en manque pas. Il incarne cette nouvelle jeunesse résiliante pour qui chaque défaite est synonyme de progrès : “Je passe énormément de temps à revoir mes games, analyser mes erreurs, chaque jour, j’essaie d’apprendre des trucs et de les implanter dans mon jeu.”

À 17 ans, celui qui était encore un lycéen il y a quelques mois impressionne par sa maturité et sa vision. Malheureusement pour lui, une bonne nouvelle s’accompagne d’une moins bonne. D’un côté, la Karmine Corp a enfin obtenu son slot en LEC, mais de l’autre, l’éditeur Riot Games a implanté une nouvelle norme dans les règles de la compétition du plus haut niveau européen : l’âge minimum requis pour être joueur est de 18 ans.

À un an près, Caliste ne peut donc pas tout de suite rejoindre ses coéquipiers en LEC. Coup dur, mais le jeune ADC ne se laisse pas abattre, et si on loue souvent la vitesse de prise de décision (decision making) chez les joueurs e-sport, on retrouve cette qualité dans le mental de Caliste. “C’était un peu dur la première semaine après l’annonce, j’avais peur que ça freine ma carrière. Mais j’ai relativisé, c’est pas la fin du monde non plus ! Après le match contre T1, j’ai d’autant plus vu que j’avais des capacités, mais que je devais aussi travailler encore plus.”

Le jeune joueur jouera néanmoins dans l’équipe désormais “académique” de la Karmine Corp pour une deuxième saison 2024 en LFL. Il a en effet signé un contrat qui s’étend jusqu’en 2026 avec la KC. Alors qu’il n’atteindra la majorité que l’été prochain, le jeune prodige a devant lui une carrière qui s’annonce grandiose. “J’ai toujours mon âme d’enfant”, nous rassure-t-il, “celui qui adore ce qu’il fait et qui veut juste aller au bout. Il y a toujours ces petits rêves en tête, comme gagner les Worlds”.

Petit lexique de League of Legends (LoL), jeu vidéo compétitif le plus regardé du monde qui voit s’affronter des équipes de cinq jusqu’à la destruction de la base adverse.

  • ADC : Attack Damage Carry. Poste qu’occupe Caliste. Rôle de “tireur” qui fait le plus de dommages aux adversaires dans la partie mais qui est aussi un des plus “fragiles” face aux attaques adverses.
  • CS : Creep Score. Dans LoL, les joueurs doivent éliminer des vagues successives de “minions”, des petits monstres contrôlés automatiquement par l’ordinateur. En tant que Carry, Caliste doit savoir gérer au nombre près chaque sbire qu’il élimine.
  • Bronze, Diamant, ladder, etc. : comme beaucoup de jeux, LoL dispose d’un ladder, un classement général entre tous les joueurs d’un continent. On qualifie le niveau d’un joueur selon le rang qu’il atteint : Fer, Bronze, Argent, Or, Platine, Émeraude, Diamant, Maître, Grand Maître, Challenger. La moyenne des joueurs se situent dans l’Argent-Or, les professionnels oscillent entre le Grand Maître et le Challenger.
  • LEC : League of Legends EMEA Championship, plus haut niveau européen. L’Europe est une des quatre grandes régions dites “majeures” sur League of Legends aux côtés de la Corée (LCK), l’Amérique du Nord (LCS) et la Chine (LPL). Atteindre les premières places du LEC donne un ticket d’entrée pour les Worlds.
  • LFL : Ligue française de League of Legends. Principale ligue professionnelle de LoL en France. Même si cela reste une ligue “régionale”, elle est une des plus importantes d’Europe en termes de niveau et surtout d’audience.
  • Worlds : Championnat du monde de League of Legends, surnommé simplement “Worlds”. Il regroupe les meilleures équipes du monde. Plus grand tournoi sur la scène League of Legends mais également plus grande compétition e-sport du monde (tous jeux confondus) en termes d’audience.

Vous pouvez suivre Caliste Henry-Hennebert, alias Caliste, sur X/Twitter.