Body positivism : le prochain film d’Amy Schumer déjà (injustement) critiqué aux États-Unis

Body positivism : le prochain film d’Amy Schumer déjà (injustement) critiqué aux États-Unis

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Par Justina Bakutyte

Publié le

Avant même sa sortie, la représentativité d’Amy Schumer et le ressort comique un peu lourd du film font déjà l’objet de critiques.

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Aux États-Unis, détester Amy Schumer est actuellement très à la mode. De multiples trolls s’amusent à la descendre sur le net, pour des raisons diverses et pas toujours justifiées.

Les chefs d’accusation ? On reproche pêle-mêle à l’humoriste d’avoir volé des blagues, mais aussi de ne pas savoir parler d’autre chose que de sexe, de vagins et de contraception. Son apparence est également moquée, et l’on peut lire des commentaires particulièrement odieux sur son visage, la largeur de ses hanches ou encore sa manière de s’habiller. Sur Internet ou à propos de ses spectacles de stand-up, la comédienne ne cesse d’en prendre plein la figure.

Si une telle dose de méchanceté suffit à envoyer n’importe qui dans les cordes, Amy Schumer ne s’en laisse pas conter et sait réagir avec grâce et humour. Tant et si bien qu’elle en fait son fonds de commerce et qu’elle s’apprête à sortir un film qui traite directement de ce sujet.

I Feel Pretty raconte l’histoire d’une “femme ordinaire”, Renee, qui doit “lutter contre son manque de confiance et l’impression de ne jamais être à sa place”. Un jour, après une grave chute, Renee se réveille “persuadée qu’elle est la femme la plus belle et la plus douée sur Terre, capable de vivre sa vie sans peur et sans reproche.”

Pour résumer, le personnage d’Amy Schumer se réveille un beau jour avec une confiance en sa beauté digne de Derek Zoolander, sans avoir pour autant changé d’une once. La comédienne explique :

“Renee, elle n’a pas une bonne image d’elle-même et elle voudrait juste être belle et voir toutes ces portes qui s’ouvrent quand on est une très belle femme. Et ensuite je me casse la gueule d’un vélo d’appartement et quand je me réveille, je me vois en top-modèle.

Je suis exactement la même, mais dans ma tête, je suis Gisele [Bündchen], je suis une Kardashian, et les aventures commencent.”

Dans le trailer de I Feel Pretty, on voit que cette confiance aveugle en elle-même, provoquée par l’accident, va permettre à Renee d’être promue à son travail et de trouver l’amour. Même si le charme finit par retomber, elle en sort changée, forte d’avoir découvert que la beauté n’était pas qu’une question de physique.

Évidemment, un film qui aborde de façon humoristique des sujets tels que la confiance en soi et l’image de son corps n’a pas manqué de faire réagir les internautes, qui ont semblé pointer deux problèmes : d’une part, Amy Schumer ne peut pas être crédible du fait de sa trop grande proximité avec les standards de beauté, et d’autre part, l’idée qu’un traumatisme crânien puisse avoir des effets positifs est dangereuse. Disséquons ces deux critiques.

1. “Amy Schumer correspond à l’idéal de beauté de la société”

Ce premier argument est défendu mordicus par la comédienne Sofie Hagen, qui insiste sur le fait qu’Amy Schumer n’est qu’à quelques centimètres des standards de beauté hollywoodiens, ce qui rend difficile l’identification à son personnage.

Ce n’est pas faux : Amy Schumer n’est ni particulièrement repoussante, ni en proie à l’obésité, ni infirme. Mais Bridget Jones non plus, et cela n’a jamais dérangé personne.

“Donc en fait le dernier film d’Amy Schumer parle d’une femme à deux centimètres d’être belle selon les critères hollywoodiens (mais que le reste du monde trouve belle) et qui se met enfin à penser que les gens la trouvent belle ? Je n’y comprends rien.”

“Amy Schumer est blonde, blanche, valide, féminine et oui, elle est mince. Elle correspond à l’idéal de beauté de la société. Du coup, on lui met une queue de cheval, on la démaquille et elle devient moche ? Pourquoi pas lui mettre des lunettes, ou la grossir ? Qu’est-ce qui ne va pas dans ce monde ?”

“À qui est censé parler ce personnage ? Avant de pouvoir apprécier le film, il faut d’abord accepter qu’elle soit moche. Combien d’entre nous sont plus grosses qu’elle ? Est-ce qu’on doit accepter que c’est ça la laideur alors qu’on nous a toujours dit qu’on devait ressembler à ça ?”

En se concentrant sur le fait qu’Amy Schumer serait mal placée pour représenter toutes les femmes − rondes, de couleur, LGBTQ+ − les détracteurs semblent mettre de côté ce qui est la base même du film (du moins, c’est ce que l’on imagine) : le fait que tout le monde − quelle que soit son apparence − puisse avoir des problèmes d’estime de soi, des doutes, et être davantage obsédé·e par des questions d’apparence que de personnalité.

On ose croire que le but du film I Feel Pretty consiste à créer de l’empathie entre les femmes plutôt que de susciter un débat sur qui est assez moche, alors que chaque femme est sans cesse renvoyée à un idéal de beauté qui la dépasse. Pour le dire autrement, on est toujours la grosse ou la moche de quelqu’un.

En tant que femmes, nous devrions être sensibles au fait que chacune d’entre nous, quel que soit son tour de taille, a subi des commentaires désagréables sur son apparence. On a toutes besoin de se réconforter plutôt que de se lancer dans une guerre de la représentativité.

2. Il ne faudrait pas devoir subir un trauma crânien pour se sentir belle

L’autre motif d’énervement chez les internautes : le fait que le personnage d’Amy Schumer doive subir un traumatisme crânien avant de se sentir belle. D’après certains, ce n’est pas un bon message à envoyer aux femmes. La même Sofie Hagen expliquait : “Le film était obligé d’en passer par de la science-fiction pour devenir réaliste. Comme si elle ne pouvait se sentir belle que dans un univers magique.”

Et la licence comique ? Certains semblent l’avoir oublié, mais on parle du ressort d’une comédie, et non d’un film censé documenter précisément toutes les formes d’oppression du corps de la femme. Imaginez une comédie où Mel Gibson s’électrocute et perd par la même occasion toute sa beauferie ? Ça serait drôle, non ?

En résumé, vous n’êtes pas obligé·e d’aimer ce film, vous n’êtes pas obligé·e de le trouver super féministe. Et vous n’êtes même pas obligé·e de le voir s’il sort un jour en France. Espérons simplement que les critiques suscitées permettront de voir un jour un vrai bon film sur l’image de soi.

“En tant que personne qui lutte vraiment pour s’aimer un peu, ce film arrive au bon moment. J’aime quand on parle de sujets compliqués avec humour, et la vérité c’est que, parfois, certaines d’entre nous ont bien besoin d’un bon coup sur la tête pour se rendre compte qu’on est belles.”

Aucune date de sortie en France n’est prévue pour le moment.

Traduit de l’anglais par Dario