Avec Spider-Man: Across the Spider-Verse, l’homme-araignée livre sa plus belle toile dans un chef-d’œuvre d’animation

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Avec Spider-Man: Across the Spider-Verse, l’homme-araignée livre sa plus belle toile dans un chef-d’œuvre d’animation

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©️ Sony Pictures Releasing France

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Par Adrien Delage

Publié le , modifié le

On a pris une vraie claque et un plaisir non dissimulé devant le dernier-né des studios Sony Pictures Animation.

Spider-Man: Across the Spider-Verse, c’est quoi ?

Il paraît toujours un peu hystérique et galvaudé de décréter une révolution cinématographique à la sortie d’un film, mais en 2018, Spider-Man: New Generation a véritablement eu un impact durable dans le monde de l’animation américaine. Le choc de cette formule ultra dynamique, picturale et originale a marqué les esprits et donné naissance à l’une des meilleures productions sur l’homme-araignée de ces 20 dernières années. D’ailleurs, on commence à percevoir récemment son influence sur d’autres œuvres du genre, comme Le Chat Potté 2 et le retour prochain des Tortues Ninja au cinéma.

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Cette disruption animée, on la doit notamment à l’écriture brillante de Phil Lord et Chris Miller, les papas du génial diptyque La Grande Aventure Lego, mais aussi à l’équipe de Sony Pictures Animation qui a repoussé les limites de l’animation en 3D. Pour ce deuxième volet de la saga (imaginée comme une trilogie, qui se conclura en 2024 avec Spider-Man : Beyond the Spider-Verse), ils prennent la même recette en poussant encore plus loin les curseurs, notamment à travers le concept exponentiel du multivers des Tisseurs de toile.

On y retrouve évidemment Miles Morales, la gentille araignée du quartier de Brooklyn, désormais candidat pour intégrer une prestigieuse université de la Grosse Pomme. Entre deux rendez-vous pour son orientation, il continue de protéger New York des criminels qui sévissent mais ne peut s’empêcher de broyer du noir depuis le départ de ses copains du Spider-Verse, Gwen Stacy et Peter Parker en tête.

Dans son propre univers, Spider-Gwen, justement, est traquée par son propre père, policier qui ignore l’identité secrète de sa fille. Au cours d’une mission périlleuse, elle affronte une version victorienne du Vautour qui provient d’un autre monde et croise alors la route des agents du Spider-Verse, menés par Miguel O’Hara aka Spider-Man 2099. Ensemble, ils vont partir à la poursuite d’un étrange énergumène, la Tache, capable d’ouvrir des portails interdimensionnels et potentiellement d’éradiquer des univers entiers du multivers.

Pourquoi c’est (hyper) bien ?

Je ne vais pas passer par quatre toiles chemins, Across the Spider-Verse est encore mieux que New Generation. Si New Generation proposait déjà une magnifique et authentique origin story de Miles Morales, englobée dans une animation virtuose, ce deuxième long va encore plus loin dans la promesse. Avec leurs trois nouveaux réalisateurs, dont Kemp Powers (coréalisateur de Soul chez Pixar), Phil Lord et Chris Miller nous embarquent pendant 2 h 30 dans une aventure vertigineuse et endiablée, au rythme particulièrement soutenu et où l’émotion se marie toujours à merveille avec la beauté du pop art.

Dès la scène d’introduction magistrale avec Gwen Stacy, Across the Spider-Verse nous propulse dans des environnements tout bonnement époustouflants. Chaque univers visité par les Tisseurs possède sa propre patte artistique, du New York sombre de Spider-Gwen à la version ultra colorée et plus pastel du Mumbattan de Pavitr Prabhakar, le Spider-Man indien. Le film, que nous avons pourtant découvert en projection presse dans une ébauche non finalisée (certains dialogues, animations voire mouvements de caméra n’étaient pas encore terminés), est sublime. On en prend plein les mirettes pendant deux heures et demie comme si on était plongé dans une frénésie totale, un trou du lapin à la richesse artistique infinie.

Visuellement, le point le plus impressionnant reste la fluidité ahurissante des scènes d’action, où se croisent le pop art et le street art (on pense beaucoup au travail de C215 notamment dans le New York de Miles). De véritables tableaux prennent vie sous nos yeux alors que Miles et ses camarades voyagent de dimensions parallèles en dimensions parallèles, avec à chaque fois une nouvelle idée créative qui surgit à l’écran. Un travail saisissant de la part des animateurs de Sony, dans un film Spider-Man qui n’a jamais autant fait honneur à Steve Ditko, John Romita père et fils, Todd McFarlane, Humberto Ramos et tous les auteurs/dessinateurs du personnage le plus populaire de l’écurie Marvel. Chapeau, les artistes.

À vrai dire, l’animation folle du film est parfois à la limite de devenir sa faiblesse. Plus précisément, il se passe tellement de choses à l’écran qu’on est parfois à deux doigts de se demander si on ne va pas faire une crise d’épilepsie. Toutefois, on ressort de la séance avec une seule envie : celle de le revoir de suite. Parce qu’on sait qu’on a manqué une poignée d’easter eggs, de caméos (où ils ont osé des trucs dingues mais tellement kiffants), de références à la mythologie gargantuesque de l’homme-araignée. Parce qu’on sait qu’une grande œuvre se digère pour mieux s’en imprégner et la comprendre. Parce qu’on sait qu’on chialera toujours autant à entendre l’oncle Ben prononcer solennellement : “Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités”, et ce, peu importe l’univers où l’inéluctable tragédie survient.

©️ Sony Pictures Releasing France

Mais la grande force de ces films d’animation Spider-Man, c’est de ne jamais pousser l’aspect graphique au détriment de l’émotion. L’histoire racontée par Phil Lord et Chris Miller risque de vous mouiller les yeux si vous avez grandi avec les comics Marvel. L’intrigue du Spider-Verse, exploitée d’ailleurs récemment dans le run de Dan Slott paru en 2014, prend ici une grande dimension humaine à travers l’écriture des personnages. Que ce soit Miles, Gwen, Miguel ou encore Peter Parker, notre petit chouchou, on se prend davantage d’affection pour eux à chacune de leurs apparitions.

Car comme l’avait si bien dit Alain Chabat au Vidéo Club, d’où il était d’ailleurs reparti avec le Blu-ray de New Generation : “Ça joue super bien”. Nous n’avons pas vu la version française (où l’on retrouve notamment Stéphane Bak, Shirine Boutella et Mathieu Kassovitz dans les rôles principaux) pour en juger, mais les voix originales sont toujours aussi bonnes. Mention spéciale à Jason Schwartzman, qui incarne la Tache, un méchant vraiment spécial, à la limite du grotesque, et pourtant tellement touchant. On apprécie aussi énormément l’engagement émotionnel de Hailee Steinfeld et Oscar Isaac dans les rôles respectifs de Gwen Stacy et Miguel O’Hara, très appliqués malgré les nombreuses réécritures de Lord et Miller lors du tournage comme ils l’expliquaient dans une interview avec Empire.

Sans trop en révéler (car le film vaut le détour pour ses twists jouissifs), les enjeux d’Across the Spider-Verse prennent un peu de temps à véritablement s’installer, mais ils puisent directement dans la quintessence même du super-héros new-yorkais : la figure du père. Le scénario de Lord et Miller, mature et plutôt sombre, grandit au même rythme que Miles et donc très certainement des jeunes spectateurs et spectatrices qui auront la chance de découvrir ses aventures pendant leur adolescence.

Entre ses toiles, le film parle du deuil dans sa version la plus universelle possible. En termes de références, on y a vu un peu de The Leftovers, le chef-d’œuvre sériel de Damon Lindelof, dans la capacité, ou non, des personnages à surmonter la mort d’autrui via un chemin introspectif et le “pouvoir” du collectif. Mieux encore, Lord et Miller font appel à des poncifs traditionnels de Spider-Man pour mieux les sublimer voire les transgresser : la notion de sacrifice, qui prend ici une tournure cauchemardesque lorsque Miles se retrouve face à une armée d’hommes-araignées endeuillés et jaloux pour une certaine raison. En définitive, Across the Spider-Verse pose des questions existentielles sur le bonheur et la fatalité : faut-il se sacrifier pour le plus grand nombre au risque de ne plus jamais atteindre une forme de plénitude intérieure ?

C’est beau, c’est touchant, c’est intelligent, et on se demande si les équipes du film vont vraiment pouvoir faire encore mieux avec le prochain, alors qu’on est clairement face à un chef-d’œuvre de l’animation contemporaine et à une grande démonstration de force à tous les haters qui croyaient encore que l’animation n’était pas du cinéma.

©️ Sony Pictures Releasing France

On retient quoi ?

L’acteur qui tire son épingle du jeu : Jason Schwartzman, qui prête sa voix à la Tache avec une gestion exemplaire de la dualité entre humour et gravité.
La principale qualité : la maîtrise virtuose des grands thèmes de Spider-Man et la fluidité éblouissante de l’animation.
Le principal défaut : une fin en mode Cliffhanger ultra frustrante.
Un film que vous aimerez si vous avez aimé : Spider-Man: New Generation, la trilogie Spider-Man de Sam Raimi, voire tout ce qui a un rapport de près ou de loin avec le Tisseur de New York.
Ça aurait pu s’appeler : Miles and Gwen, on the road again.
La quote pour résumer le film : “on est clairement face à un chef-d’œuvre de l’animation contemporaine”.