Avec Arcadia, le rappeur liégeois Bakari nous invite au cœur d’un vaisseau mélodique et profond

Avec Arcadia, le rappeur liégeois Bakari nous invite au cœur d’un vaisseau mélodique et profond

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© Jonographe

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Par Simon Dangien

Publié le

Il s’agit là du cinquième EP en solo de Bakari et clairement, le niveau ne baisse pas, bien au contraire.

Un regard vers les nuages qui se font rares depuis quelques semaines et une apparition soudaine, furtive. Sûrement une hallucination… Rapide tour sur la plateforme de streaming du téléphone, histoire d’égayer le trajet. Nous sommes en pleine semaine à ce moment-là et un projet apparaît alors, comme diffusé par une magie venue d’un autre univers et d’un autre espace-temps. Arcadia de Bakari vient d’atterrir, bonne nouvelle.

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La Belgique regorge encore de nombreux talents et le nouvel opus de sept titres de Bakari montre qu’il ne faut pas cesser de compter sur lui lorsqu’on parle de la scène belge. Dans Arcadia, on ne perd pas l’artiste que l’on connaît via ses précédents projets. Le mot est toujours juste, travaillé à la perfection, d’un point de vue purement technique comme introspectif. Bakari continue de se livrer sans filtre, parfois de manière crue mais toujours avec poésie et SURTOUT mélodie. Le rappeur de 27 ans assume ses failles et ses doutes avec un talent indéniable. On peut notamment entendre dans le single éponyme du projet : “Des mots sur une mélodie, je peins des toiles qui décorent le temps”, avant d’enchaîner avec “Évidemment, j’suis pété everyday”.

Malgré cette profondeur textuelle et une impression qu’à chaque note effectuée par le rappeur, notre cœur va se serrer un peu trop fort, c’est un projet qui se prête étrangement à l’été. Un été complexe, certes, mais rempli d’émotion, où tout semble décuplé : la nostalgie, la mélancolie comme l’amour, la haine, avec quelques larmes qui perlent parfois sur nos joues. L’exemple parfait réside dans le titre “Petit Pierrot”, l’une des merveilles de ce projet qui va ajouter son grain de sel à un été sucré. Si on regarde la magnifique pochette réalisée par Jonagraphe ou si on écoute attentivement l’EP, on est vite frappés par la notion de “don” qui accompagne Bakari, comme obnubilés par sa quête : “honorer le don”, “comme si j’ai été touché par la grâce” (“Angels”). Son don pour la musicalité ressort dans Arcadia où les refrains sont pour la plupart délicieux et travaillés à la perfection.

Pour les non-fans d’Albator, Arcadia est le nom du vaisseau avec lequel le corsaire spatial parcourt l’univers. Bakari a découvert le dessin animé en arrivant en Belgique et a été fasciné par ses explorations en solitaire. Comme pour exprimer une nouvelle étape, le franchissement d’une nouvelle marche, Bakari nous fait monter dans son vaisseau, en bien meilleur état qu’auparavant. En effet, il explique avoir grandi depuis son dernier EP, changeant quelque peu de mode de vie avec plus d’ouvertures, “d’autres inspirations” et moins de “défonce”, afin de vivre la vie d’adulte. Pour Arcadia, il est aussi accompagné de mademoiselle lou sur le titre “Allô maman”.

Alors oui, sept titres, c’est court, mais le résultat est ultra-condensé (avec de très bons titres comme “Le Génie” ou “Free Thugga”, la conclusion de l’EP). Ce format, Bakari commence peu à peu à nous y habituer même si son album est prévu et devrait arriver pour la fin de l’année. Surveillez le ciel (pour le coup, ce n’est pas qu’une simple expression démodée).

Un vaisseau qui a fait du chemin

Bakari est né au Congo mais est rwandais d’origine. À l’âge de 7 ans, il part avec sa mère vivre à Liège en Belgique pour rejoindre son père. La langue française s’impose donc à lui qui n’en parle, à cette époque, pas encore un mot. Cela va très vite changer : il développe rapidement un amour pour cette langue et son maniement, jusqu’au commencement de son rap à l’âge de 17 ans, comme il l’explique dans cette interview qu’il nous accordait en 2019. Les influences musicales de Bakari s’imposent très tôt dans la vie du rappeur, la rumba venue du Congo et “d’autres musiques d’Afrique centrale”, mais aussi 50 Cent qui va lui faire découvrir le rap.

En plus d’un style précis et défini qui ne le quitte jamais, farouchement lié à sa vie, ses convictions et ses envies créatrices, Bakari sait ce qu’il veut et ce qu’il ne veut pas. Son expérience en groupe sous le nom Nü Pi lui a permis de s’ouvrir et de comprendre également son envie de liberté. Lui, ce qu’il veut, c’est représenter, raconter, toucher par ses textes et ses mélodies, entre lesquels le Liégeois navigue d’ailleurs avec brio, expliquant en 2019 : “J’ai vite compris qu’un ‘nique ta mère’ passait mieux en chantant avec un peu de vocodeur”, et ajoutant qu’il était, à la base, un kickeur. Derrière l’aventure musicale de Bakari, on retrouve plusieurs EP, dont la trilogie Sur écoute.

Le clip de “La Nuit”, extrait de la saison 3 de la trilogie :

Bakari, c’est aussi de nombreux singles, comme “Mélodie”, la collaboration “BakaTsuki” avec So La Lune ou celle très réussie avec Isha en 2020. La solitude et le retrait font partie intégrante de la vie de Bakari, ce qui ne l’empêche pas de collaborer et de faire mouche, à chaque fois, avec une proposition qui va au-delà du simple featuring. Le morceau “Sueur & Sang” sur le projet de Ben PLG en est la preuve sonore.