Attablé en boîtes de nuit, Denzil Forrester dessinait les fêtards jusqu’au bout de la nuit

Attablé en boîtes de nuit, Denzil Forrester dessinait les fêtards jusqu’au bout de la nuit

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© Denzil Forrester/Stephen Friedman Gallery, London/Photo : Todd White

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Par Lise Lanot

Publié le , modifié le

À travers le prisme de la fête, l’artiste britannique raconte les inégalités, les injustices et une partie du quotidien des communautés britanniques noires.

Dans les années 1980, Denzil Forrester avait pour habitude de se rendre dans les clubs de l’Est londonien. Plutôt que de perdre des litres d’eau sur la piste de danse, l’artiste installait à une table ses pastels, ses fusains et ses carnets, afin de croquer les oiseaux de nuit en pleine communion festive.

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Emporté par les rythmes de la foule et des sons reggae et dub, il ne s’imposait qu’une seule règle : chaque dessin devait prendre le temps d’une chanson. Ses illustrations étaient donc empreintes de l’énergie propre à chacun des titres diffusés.

Réalisés dans le noir, les dessins oscillent entre figuration et abstraction. Les lignes géométriques évoquent des mouvements de danse et unissent la foule tandis que les couleurs choisies traduisent l’énergie de ces soirées ancrées sur le papier. Les distorsions de perspectives plongent le public dans un esprit festif, hors du temps.

Denzil Forrester, The Cave, 1978. (© Stephen Friedman Gallery, London/Photo : Mark Blower)

Quelques-uns de ces travaux sont exposés dans la collection permanente du Tate Britain. Le musée note l’importance, pour l’artiste, de représenter ces clubs, des lieux qui permettent l’union d’une communauté culturelle, “créés pour et dont profitent les personnes racisées” : “Ils fonctionnent comme des lieux où l’expression culturelle, la mode, la liberté, la créativité et la joie peuvent être explorées librement, sans le regard oppressif de la société blanche.”

Aujourd’hui âgé de 67 ans, Denzil Forrester poursuit son exploration des liens entre fête et société en y intégrant des “souvenirs de son enfance”, note la galerie Stephen Friedman, qui s’apprête à exposer ses nouvelles œuvres. L’artiste “continue d’interroger la culture britannique noire grâce à des exemples contemporains d’injustices raciales”.

Denzil Forrester, Surge, 2022. (© Stephen Friedman Gallery, London/Photo : Todd White)

Une de ses dernières œuvres, réalisées en 2022, fait référence à une expérience raciste subie par une jeune fille noire, surnommée “Child Q” par les médias, soumise à une fouille corporelle injustifiée en 2020, sans qu’aucun·e adulte ne soit présent·e et que ses parents ne soient contactés.

Denzil Forrester représente l’adolescente au milieu d’une boîte de nuit vide, afin que ce qu’elle a vécu ne soit pas oublié. Des années 1980 à aujourd’hui, l’artiste souligne injustices et inégalités subies par la communauté noire à travers le sujet – a priori banal – de la fête et de la vie nocturne.

Denzil Forrester, Q, 2022. (© Stephen Friedman Gallery, London/Photo : Todd White)

Denzil Forrester, Featuring Kaba, 2022. (© Stephen Friedman Gallery, London/Photo : Todd White)

Denzil Forrester, Moving Heads, 1986. (© Stephen Friedman Gallery, London/Photo : Todd White)

Denzil Forrester, Eula and sons, 2022. (© Stephen Friedman Gallery, London/Photo : Todd White)

Denzil Forrester, Ma Pets, 2022. (© Stephen Friedman Gallery, London/Photo : Todd White)

Denzil Forrester, Homenow, 2022-2023. (© Stephen Friedman Gallery, London/Photo : Todd White)

La galerie londonienne Stephen Friedman expose les œuvres de Denzil Forrester du 10 mars au 8 avril 2023.