Ce jeudi 6 octobre, Annie Ernaux recevait le prix Nobel de Littérature pour son traitement de “la mémoire” et “le courage et l’acuité clinique avec laquelle elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle”. Les armoires vides (1974), La Place (1983), Les Années (2008) ou Mémoire de fille (2018) : son œuvre est la chronique d’une époque tout autant qu’un puissant récit d’émancipation féminine.
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48 ans après sa première publication et aujourd’hui âgée de 82 ans, Annie Ernaux est plus que jamais au centre des débats féministes et s’est même récemment imposée comme un modèle pour une nouvelle génération de militantes. En deux ans, trois de ses publications ont connu une adaptation au cinéma : Passion simple par Danielle Arbid, le documentaire J’ai aimé vivre là par Régis Sauder et enfin L’Événement par Audrey Diwan, qui a décroché le Lion d’or à la Mostra de Venise en 2021.
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Au sujet de son récent retour de mode, la réalisatrice expliquait à notre micro :
“Elle a une pensée précurseuse, pas seulement sur le féminisme, mais sur le transfuge de classe. C’est une des premières à avoir théorisé, à travers le récit ou à travers une forme plus romanesque, ce que c’est de changer de classe sociale et d’être un transfuge, des idées qui sont aujourd’hui popularisées et qui existent dans l’inconscient collectif. Elle a parfois choqué l’époque, parfois l’époque a voulu taire ce qu’elle faisait, mais il y a une rencontre avec l’époque d’aujourd’hui qui se produit maintenant parce que les idées qu’elle défend depuis longtemps sont les idées d’aujourd’hui.”
Les années déterminantes de sa vie
Jusqu’au 31 octobre, et avant sa reprise en salles le 14 décembre prochain, Arte diffuse son documentaire Les années Super 8, présenté à la Quinzaine des réalisateurs lors du Festival de Cannes 2022, dont voici le synopsis :
“À la fin de l’hiver 1972, Annie Ernaux et son mari Philippe Ernaux achetaient une caméra Super Huit Bell et Howell. Premier filmeur, Philippe Ernaux conserve ce rôle de 1972 à 1981, Annie et leurs deux fils Éric et David devenant les sujets filmés. L’écrivaine a posé sa voix sur des bribes d’images muettes montées par ce dernier, provenant de leurs films de famille des années 1970.”
En filigrane de ces images grainées et vintages, se raconte une famille de la classe moyenne des années 1970, ses aspirations tiraillées entre les attraits de la société de consommation naissante et des aspirations plus intellectuelles, ses destinations de vacances et le début du tourisme de masse, et surtout sa sérénité loin de toutes les considérations écologiques que l’on connaît aujourd’hui.
En images, on voit Annie Ernaux dans son rôle en mère et de gestionnaire du foyer, mais en voix off, elle raconte ses pensées plus intimes, ses velléités d’écriture et les romans qu’elle a commencé à écrire en secret. Ce film évoque donc des années déterminantes de sa vie, celles de son premier manuscrit accepté par les éditions Gallimard.
Mais ces archives nous racontent également le délitement d’un couple et en 1977, il n’y aura plus de moments en famille. Le film s’arrête à la séparation des époux Ernaux. C’est Philippe qui gardera la caméra pour documenter sa nouvelle vie, Annie et les enfants hériteront des neuf années d’archives dont ils tireront ce documentaire pour conserver la trace intime de ces années d’insouciance et le témoignage universel d’une époque.
