Le rappeur et producteur anglais Alex da Kid a collaboré avec l’intelligence artificielle Beat d’IBM pour “Not Easy”, en featuring avec Wiz Khalifa. Le résultat ? Un hit sans saveur.
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Vous ne connaissez peut-être pas Alex da Kid, mais il est fort probable que vous ayez déjà dodeliné de la tête en écoutant l’une de ses productions. Habitué des Grammys, celui qui a bossé avec Imagine Dragons, Rihanna ou Ludacris, a publié le premier single de son prochain EP, en s’entourant cette fois d’un featuring inattendu : l’intelligence artificielle (IA) Watson, créée par IBM. Une manière pour la firme de lancer à son tour son IA dans le grand bain de la composition musicale après les tentatives de Google (un peu gênante) et Sony (beaucoup plus convaincante).
À la différence des deux IA susmentionnées, Watson Beat (qu’IBM dévoilait le 27 juillet) n’a pas composé le morceau à proprement parler. L’algorithme a simplement ratissé les sites de musique en ligne et les réseaux sociaux pour collecter les émotions et thématiques qui lui paraissaient les plus “tendances” de ces cinq dernières années, en y incluant des discours de prix Nobel, des synopsis de films et des paroles de chansons placées en tête du classement Billboard.
Dans un second temps, un autre logiciel, Tone Analyzer, a disséqué les chansons pour en extraire leur “recette” (temps, hauteurs, gammes utilisées, etc.). En combinant ses analyses techniques et “sociétales”, Beat a fourni à l’artiste des samples et mélodies originales, en lui laissant le soin de les organiser à sa sauce. Et, pour le plaisir, le logiciel Cognitive Color Design a fourni à l’artiste des visuels originaux correspondant aux données récoltées.
La mort de l’originalité
Pour Alex da Kid, Beat permet de considérablement diversifier les sources d’inspiration : “Normalement quand je crée, je parle aux gens de leurs mariages ratés ou de ce genre de choses, explique-t-il. [Avec Watson] c’est comme voir un million de versions de soi qui lisent un million de livres et un million d’articles d’un coup et qui comprennent les réseaux sociaux. je n’aurais jamais pu faire ça.” Dit comme ça, c’est vrai que ça a l’air intéressant.
Et cette chanson, alors? Comme l’explique Steve Dent d’Engadget, le mot le plus approprié est “générique”, ce qui n’a rien d’étonnant en soi : en analysant des milliers de tubes à la recherche de la formule parfaite, on obtient un tube préfabriqué, fade, sans relief – bref, de la musique de supermarché. Alex da Kid connaît son boulot, tout y est : les arpèges sur les “quatre accords magiques”, la voix suave, le couplet de rap syndical, les chœurs de refrain analphabètes et la pénible sensation d’écouter la bande-son d’une pub Nutella. Déjà un incontournable de la prochaine vidéo estivale des L.E.J. Et le pire, c’est qu’il y en a trois autres qui arrivent.
Et c’est là tout le problème de la composition musicale par IA, qui oublie la composante essentielle de la qualité : l’originalité. En considérant que l’ampleur du succès d’une chanson est invariablement proportionnel à sa qualité intrinsèque, Alex da Kid et Watson Beat, avec leur approche clinique, ont créé une chaîne de montage de tubes. Si l’avenir de la production musicale ressemble à ça, nos tympans vont au-devant d’une lente agonie par overdose de guimauve. On préférerait presque le scénario à la Skynet.