Le brillant Wes Anderson est de retour, et autant dire qu’il ne faut pas rater son nouveau bébé. Voici quatre choses à savoir sur L’Île aux chiens.
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Vous avez difficilement pu passer à côté : Wes Anderson est enfin de retour. Celui qui suscite l’évènement à chaque projet retourne au cinéma d’animation, en stop motion pour être plus exact, avec L’Île aux chiens, près de 10 ans après Fantastic Mr. Fox.
Une sublime fable dans un Japon fictif où l’on suit un petit garçon parti chercher son chien sur une île poubelle, où vivent désormais tous les canidés de la ville de Megazaki suite à la décision sans équivoque du tyrannique maire Kobayashi de les bannir.
Avant de vous ruer dans les salles obscures, voici quatre choses à savoir sur ce long-métrage hors norme.
1. Un casting XXL
Wes Anderson aime travailler en famille, souvent avec les mêmes collaborateurs. Que ce soit pour les acteurs, les producteurs ou les scénaristes, le Wes gang est l’une des forces du cinéaste prodige. Pour ce film d’animation, on retrouve du côté des voix des habitués du cinéma de l’Américain comme Bill Murray, Bob Balaban, Jeff Goldblum, Edward Norton, Konichi Nomura, Tilda Swinton, Anjelica Huston, F. Murray Abraham ou encore Harvey Keitel.
Pour l’écriture du film, Wes Anderson s’est entouré une fois encore de Jason Schwartzman et Roman Coppola, avec qui il a écrit certains de ses films (The Darjeeling Limited et, avec seulement Coppola, Moonrise Kingdom). On retrouve naturellement Tristan Oliver, animateur connu pour son travail sur la stop motion. Il avait déjà travaillé avec Anderson sur Fantastic Mr. Fox.
Enfin, on remarque aussi une nouvelle collaboration entre Anderson et Alexandre Desplat, le célèbre compositeur français récemment oscarisé pour son travail sur La Forme de l’eau, qui a déjà signé trois B.O. pour le réalisateur (sur Fantastic Mr. Fox, Moonrise Kingdom et The Grand Budapest Hotel, pour lequel il a reçu son premier Oscar).
Parmi les petits nouveaux, on notera l’excellent Bryan Cranston, la grande Scarlett Johansson, Liev Schreiber, Frances McDormand, Greta Gerwig, Courtney B. Vance ou encore Yoko Ono. On vous avait prévenu pour le casting XXL.
Aussi, pour la première fois, le cinéaste a lui-même choisi les acteurs français pour doubler ses chiens et le casting est tout aussi parfait : Isabelle Huppert, Vincent Lindon, Romain Duris, Louis Garrel, Léa Seydoux, Mathieu Amalric, Hippolyte Girardot, Yvan Attal ou encore Nicolas Saada. Bref, ça fait du monde, et il n’y a que Wes Anderson pour réussir à réunir une aussi belle et grande équipe.
2. Un tournage titanesque
Le tournage de L’Île aux chiens a été un travail de longue haleine. On ne tourne pas un film d’animation, qui plus est en stop motion, en quelques semaines comme cela peut-être le cas pour un film en live action. Mais Wes Anderson étant Wes Anderson, perfectionniste au point de changer le moindre grain de sable, les chiffres sont hallucinants.
Il a fallu deux ans pour tourner les 100 minutes de L’Île aux chiens. On parle quand même de 130 000 photographies prises (soit une moyenne de 185 clichés par jour minimum) dans 240 décors différents, avec près de 1 000 marionnettes, dont 500 canidés et 500 humains. Il fallait en l’occurrence en faire à des échelles différentes, pour des questions de mise en scène. Rien que la conception des marionnettes a pris environ quatre mois.
Plusieurs éléments ont été complexes à mettre en place. Il y a bien évidemment la fourrure des chiens, qui était extrêmement difficile à exploiter à cause du tissu. Mais aussi les taches de rousseur de Tracy, qui bougeaient en fonction de ses expressions faciales — on parle de 320 taches !
Un travail titanesque pour un film unique en son genre. Pour s’en rendre compte, on vous conseille de regarder les divers making-of sortis il y a quelques semaines sur YouTube.
3. Une inspiration japonaise assumée
Il va sans dire que le film est clairement influencé par la culture nippone. Si Wes Anderson a expliqué ici et là que son idée de départ était de faire un film sur des chiens abandonnés, il raconte aussi qu’il voulait faire quelque chose “au Japon, sur le Japon, quelque chose de lié à l’amour que Jason Schartzman, Roman Coppola et moi-même partageons du cinéma japonais, surtout de Kurosawa”.
L’acteur Kunichi Nomura, qui double ici le maire Kabayashi et que vous avez pu voir dans Lost in Translation ou encore The Grand Budapest Hotel, a aidé le trio à retranscrire un univers particulier. “L’histoire aurait pu se dérouler n’importe où en somme, mais tout s’est concrétisé quand on a compris qu’il fallait que cela se déroule dans une version fantaisiste du Japon”, explique le cinéaste.
Difficile de ne pas ressentir une influence prégnante d’un certain Hayao Miyazaki. S’il raconte ne pas s’être vraiment intéressé à l’animation japonaise avant d’avoir concocté Fantastic Mr. Fox, Wes Anderson explique néanmoins que l’héritage du papa des studios Ghibli se ressent plus que jamais ici :
“Il apporte énormément de détails, et aussi des silences je pense. Avec Miyazaki, vous avez la nature, et vous avez des moments de paix, un rythme qui n’est pas vraiment celui de l’animation américaine traditionnelle.
Ça nous a beaucoup inspirés. Il y avait des moments où je travaillais avec Alexandre Desplat sur la musique, et on a trouvé plein d’endroits où l’on a dû faire machine arrière de ce qu’on faisait musicalement parlant parce qu’on voulait que ce soit silencieux. Cela vient clairement de Miyazaki.”
4. Le film le plus politique des Wes Anderson
Wes Anderson est connu pour bien des choses : la symétrie de ses plans, les couleurs et palettes chromatiques utilisées, ce ton unique et les castings fous qu’il ramène devant sa caméra. Il n’est pas spécialement réputé en revanche pour faire passer des messages politiques. On pourra toujours voir une critique politique ou sociétale au sein de sa filmographie mais il n’a jamais attaqué frontalement le sujet. Jusqu’à aujourd’hui.
Derrière cette histoire de petit garçon parti à la rescousse de son chien, on peut apercevoir le récit d’une société totalitaire, gérée par un tyran mentant au peuple et trichant aux élections, le maire Kobayashi. Ce dernier décide de rejeter de la société un groupe entier, ici celui des canidés, en les pointant du doigt comme étant les uniques responsables de tous les maux de la ville.
On peut y voir un lien avec la situation actuelle mais surtout avec le régime nazi (pour rappel, fut un temps où était envisagé d’envoyer tous les juifs d’Allemagne et des territoires conquis sur l’île de Madagascar). L’imagerie de la propagande, les discours virulents du dictateur mais aussi la construction d’une résistance souterraine rappellent forcément l’Allemagne d’Hitler.
Difficile de ne pas y voir également une peur d’un nationalisme de plus en plus puissant chez l’Oncle Sam (poke Donald Trump) comme en Europe.