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Les scandales qu’on a retenus de Big Pharma, labos tout-puissants, le docu qui dénonce les abus de l’industrie pharmaceutique

Les scandales qu’on a retenus de Big Pharma, labos tout-puissants, le docu qui dénonce les abus de l’industrie pharmaceutique

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Par Antonin Gratien

Publié le

Bond non régulé des prix, défaut d’information sur les effets secondaires, quête du profit au mépris de la santé publique…

Les remèdes sont malades.“Il y a une cassure, une financiarisation totale de l’écosystème du médicament”, lâche l’un des premiers intervenants de Big Pharma, labos tout-puissants. Le ton est donné. Réalisé par Luc Hermann et Claire Lasko sous forme d’enquête, ce documentaire à charge dénonce les dérives d’une industrie pharmaceutique gangrenée. Un business rapace qui, depuis plusieurs décennies, fait passer le patient au second plan.

Au profit de quoi ? Eh bien du profit, précisément. Surtout celui des mastodontes du secteur. Johnson & Johnson, Roche, Pfizer, Novartis, Sanofi – les fameuses “Big Pharma”. Celles dont les sommes de chiffres d’affaires par année se comptent en centaines de milliards de dollars, et dont les politiques commerciales voraces menacent la santé publique. De quoi faire froid dans le dos.

Piqûre de rappel en 4 scandales des dangers d’une industrie passée aux mains de géants lancés dans une course effrénée à la rentabilité.

1. Le cas Martin Shkreli, “l’homme le plus détesté des États-Unis”

Son nom ne vous dit peut-être rien, mais outre-Atlantique, il est devenu synonyme de l’avidité la plus débridée. Martin Shkreli, donc. Ce gestionnaire de fonds est connu (et surtout haï) pour avoir fait bondir de 5 000 %, en 2015 le prix d’un traitement dont il avait acquis les droits exclusifs – le Daraprim, un médicament utilisé contre une infection liée au SIDA et à la malaria. En faisant passer son tarif de 50 à 750 dollars, il en a compliqué (voire interdit) l’accès à tout un pan de la population.

Interrogé lors d’une conférence sur d’éventuels regrets, son cynisme désarçonne : “Si j’avais l’opportunité de faire les choses différemment, j’aurais encore plus augmenté le prix. Car, dans la santé le prix a peu d’impact sur la demande. J’aurais pu le faire grimper – et donc augmenter mon profit, ce qui est mon objectif principal […] et le principe du capitalisme américain.” Le scandale est tel que des manifestations se multiplient, et une commission américaine s’empare du dossier. Problème : aucun texte juridique ne permet de faire tomber cette opération marchande sous le coup de la loi. Faire flamber le prix d’un médicament est immoral. Mais légal.

2. Depakine, des effets secondaires camouflés ?

Marine Martin, l’une des voix de Big Pharma, labos tout-puissants, raconte. Comme de nombreuses personnes atteintes d’épilepsie, elle prend deux gélules par jour de Depakine, un traitement commercialisé par Sanofi. Tombée enceinte, Marine consulte son médecin. Aucune contre-indication ; elle poursuit son traitement.

Nathan vient au monde. Le personnel soignant signale une malformation et, les mois passant, Marine relève plusieurs anormalités. L’enfant ne tient pas assis, a du retard dans l’apprentissage de la langue. Il paraît étonnamment calme, communique difficilement. On lui diagnostique un trouble neuro-comportemental. Marine suspecte la Depakine d’être responsable.

Elle investigue, devient lanceuse d’alerte et obtient en 2015 l’ouverture d’une enquête. Des expertises prouvent un lien de causalité entre prise du médicament chez les femmes enceintes et malformation physique (10 % de chances) ainsi que troubles du développement (de 30 à 40 % des cas) de l’enfant à naître. Des chiffres récemment inscrits sur la notice de la Depakine.

Marine Martin et l’association Apesac regroupant les familles de victimes accusent Sanofi d’avoir tardé à informer la population des risques. L’enjeu de cette dissimulation supposée ? Préserver la clientèle, bien sûr. En 2020, Sanofi Aventis France est mis en examen pour “blessures involontaires”, “tromperie aggravée” et “homicides involontaires”.

3. La crise des opioïdes

Elle est considérée comme l’un des fléaux sanitaires les plus dévastateurs du XXIe siècle aux États-Unis. Depuis plusieurs décennies, des centaines de milliers de cachets d’opioïdes sont vendus à un rythme industriel à travers tout le pays. Emplissant les boîtes à pharmacie, soulageant les corps. Mais jusqu’à récemment, nul ne savait que ces analgésiques étaient hautement addictifs, puisque les laboratoires à l’origine de leur production – Johnson & Johnson, Purdue Pharma notamment – l’avaient sciemment caché afin d’étendre ce qu’il convient bien d’appeler leur “business”.

Pire encore : ces grands noms du médicament ont mené des campagnes marketing agressives pour inciter les médecins à surprescrire leurs produits – et les présenter aux patients comme des solutions miracle. Rien qu’en 2021, 107 000 Américains sont décédés par overdose d’opioïdes. Plusieurs milliers d’actions judiciaires ont été intentées dans des dizaines d’États à l’encontre des Big Pharma américaines considérées comme étant à l’origine de cette catastrophe sanitaire.

4. Le gonflement des prix du Sovaldi, et Kymriah

C’est l’histoire d’un racket. Gilead, qui se classe dans le top 15 de l’industrie pharmaceutique, met la main (grâce à sa fortune) sur une société ayant découvert un traitement contre l’hépatite C – maladie qui était jusque-là très largement considérée comme incurable, et létale. Le traitement tant attendu arrive enfin sur le marché. Mais au prix de… 84 000 dollars, aux États-Unis. Une fortune.

Et surtout, un montant qui n’a pas été calculé sur la base des coûts de recherche et de développement du produit. Si en France ce traitement est remboursé par la Sécurité sociale, il n’en va pas de même outre-Atlantique. Ni dans la majorité des pays, d’ailleurs. Une configuration aux conséquences ainsi résumées par l’une des intervenantes du documentaire : “C’est une logique cruelle, si vous ne pouvez pas payer, vous n’avez pas de traitement.” Et vous mourez.

Cette “logique cruelle” est aussi à l’œuvre dans le cas du Kymriah, un traitement révolutionnaire contre la leucémie dont la découverte a été réalisée par des chercheurs, avec des fonds publics, dont Novartis, à force de négociations, est parvenu à devenir codétenteur du brevet. Une situation qui lui a permis de fixer le prix du traitement complet à 320 000 euros par patient. Là encore, un chiffre exorbitant complètement déconnecté des coûts de découverte et de production du médicament.

Qu’il s’agisse du Sovaldi ou du Kymriah, non seulement le manque de régulation des prix met directement en péril la vie de ceux n’ayant pas les moyens de s’offrir les traitements, mais il pose également un problème de santé publique. Ne pas plafonner juridiquement le coût des médicaments, c’est prendre le risque, à l’échelle d’États, de creuser les trous des systèmes d’assurance maladie. Voire de les mettre à genoux. Et ce n’est malheureusement qu’une des nombreuses menaces que Big Pharma, labos tout-puissants s’applique à mettre en lumière.